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 Sujet du message: Walkabout (Nicolas Roeg, 1971)
MessagePosté: 23 Mar 2009, 13:08 
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Décidément, je suis en phase avec Hal5 :D

C'est un film magnifique, avec un passionnant travail sur le montage, qui change très souvent, par son agencement de plans, la vision qu'on pourrait avoir d'une séquence; c'est ce montage qui ajoute du trouble, de l'épaisseur, une complexité, qui fait que le film est toujours un peu autre que celui qu'on s'attend à voir.

De toute façon, Nicolas Roeg est très sous-estimé.
Et Ne vous retournez pas est un chef d'oeuvre.


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MessagePosté: 05 Avr 2011, 02:30 
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Je rejoins l'enthousiasme de mes (feu ?) collègues ci-dessus, avec d'autant plus d'admiration pour le film qu'il sait éviter ce qui me gêne souvent avec un certain cinéma des années 70, ou plus généralement avec les œuvres de fiction empruntant des effets pas toujours bien digérés au ciné expérimental : un risque constant de voir la narration, via l'excuse d'un cinéma-LSD, abandonner le navire pour un effet purement physique sur le spectateur (épuisement, désorientation) ; de sacrifier l'immersion au profit du coup d'épate, en gros. Ce n'est pas (ou peu) le cas ici, et l'ouverture splendide se charge pour cela de nous rassurer : c'est d'une rigueur à toute épreuve. Le patchwork faisant office d'ouverture, méli-mélo de sons, de rythmes, et d'images mentales reliées au concret de la ville, plein d'ellipses et de sautes géographiques, ne s'autorise en effet pas la moindre once de gratuité, le moindre plan qui ne fasse déjà un lien à l'histoire qu'on va nous conter. Et si les essais et audaces ne seront pas toujours aussi fermement calculées par la suite (je pense aux multiples plans d'animaux, parfois un peu posés au hasard...), cette intro fait d'emblée le plus gros du boulot : nous apprendre la façon dont il va falloir regarder ce film.

Comme dit Hal5, l'ensemble est totalement débarrassé de sentimentalisme, alors que pitch et décor s'offriraient à merveille aux visions romantiques et lyriques. Il y a un peu de cette veine, forcément, mais cela ne passe jamais par le simple étalage d'une imagerie facile : Roeg ne lâche jamais l'affaire, s'échine TOUJOURS, non-stop, à nous garder immergé dans le film par la seule richesse du montage, par une invention constante qui fait qu'on ne peut jamais réellement prévoir la façon dont la prochaine scène va venir nous cueillir. Il y a surtout une superbe idée, ou plutôt un super personnage, qui est celui de l'enfant : dénué de niaiserie (il est intelligent, courageux), il est celui qui joue. Une sorte de force vive qui fait le lien entre la vision pratique de la sœur et celle, onirique, des aborigènes ; entre la sieste décontractée et l'épuisement dangereux ; entre le jeu de tir et le réel coup de pistolet... C'est logiquement lui qui tient concrètement le rôle de traducteur entre les deux adolescents - et d'ailleurs, l'apogée centrale du film (le paradis de la source d'eau, où l'on se baigne nu), que le montage pose à exacte distance de la sexualité la plus épanouie et de la mise à mort, prend sa source dans une vision édénique idéalisée, à l'innocence toute enfantine.

Le film, on le doit sans doute à l'esprit de l'époque, ne trace pas de trait net entre l'enfance et la sexualité, entre les jeux et les impératifs de survie, allant discrètement désagréger la linéarité des logiques temporelles et géographiques. Et c'est de cette façon qu'il parvient dans sa partie centrale à nous faire glisser vers une vision du monde totalement décalée, utopique, et à nous la faire ressentir comme évidente sans qu'on s'en soit rendu compte. Le retour à la civilisation urbaine qui s'ensuit, tout de débris et de rouille, a l'intelligence de se faire progressivement, grignotant tout doucement le film comme un cancer, de plus en plus omniprésente, aidée d'une évolution du montage qui se calme pour rentrer dans le rang... Dommage, alors, qu'à travers certaines séquences (les italiens, beurk) et surtout à travers la fin, Roeg s'étale dans une caricature "nature béate VS société mauvaise", facile et stérile, alors qu'il sait ailleurs dans son œuvre en présenter une vision bien plus complexe. Même si parfois inégal, déséquilibré dans la mêlée des essais tous azimuts, ce film atteint quand même régulièrement de réels sommets : je trouve qu'il méritait un final autrement plus ambitieux.


Dernière édition par Tom le 15 Juil 2012, 12:45, édité 1 fois.

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MessagePosté: 05 Avr 2011, 10:19 
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Une question, quand-même, si quelqu'un l'a vu : la langue aborigène est-elle censée être traduite dans le film ? Tout était sous-titré français chez moi, mais je me demande si c'était vraiment le but (ça change quand même pas mal la façon dont on perçoit une bonne partie du film), si il y avait bien présence de sous-titres anglais sur les dialogues de l'ado à l'origine où si c'était fait pour qu'on ne le comprenne pas.


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MessagePosté: 05 Avr 2011, 14:38 
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Localisation: Why are there people like Frank?
Sur le blu ray Criterion que je possède, les traductions de la langue aborigène ne sont heureusement pas présentes!

Je viens de faire le test avec les sous titres Anglais pour sourds et malentendants et c'est marqué: [Aborigene language]

_________________
Why there is so much trouble in this world?


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MessagePosté: 05 Avr 2011, 16:17 
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Ah j'ai bien fait de vérifier. Je me disais bien aussi que c'était zarb (après, j'imagine qu'on devine plus ou moins ce dont il parle même sans ça...)


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MessagePosté: 30 Mai 2012, 19:08 
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Je savais que j'attendais trop du film alors je m'étais protégé de la déception :) D'une manière générale Tom je ne trouve pas que le film soit complètement prémunis des effets que tu stigmatises, même si Roeg je m'en rends compte s'est amélioré de films en films, et déjà ici par rapport à son premier Performance. Mais même l'absence de sentimentalisme, je la vois presque comme un côté un peu poseur sur plusieurs scènes, comme si l'absence de réactions de ce type chez les personnages servaient de programme en soit (la scène du début avec le père est assez agaçante). C'est plus réussis dans le maintiens de l'ambiguïté (ou plutôt du hors champs) entre les deux adolescents.
Il n'empêche des tas d'éléments de la culture aborigène sont laissés un peu de côté au profit d'une œuvre qui semble par certains égards mixer les arts décos et le mondo movie (surpris du nombre de scènes de tueries et de dépecages d'animaux, parfois se succédant à des séquences de nudité éthérée... et la musique de John Barry fait très curieusement penser à du Riz Ortolani). C'est clairement le film qui précède l'arrivée d'un cinéma australien propre, avec encore la sensation des anglais qui visitent voir ici utilisent le décor pour quelque chose d'un peu arty. La vision de la société australienne est assez pauvre par rapport aux "Voitures qui ont mangées Paris" ou "La dernière vague" qui vont suivre, au delà des décors en friches traversées et de la squence du village frolée, l'une des plus belle avec cette inconnue qui traverse brièvement la narration. Mais globalement, il y a des audaces qui tombent un peu à plat, genre la séquence des ballons météos, alors que je me demandais si Roeg n'essayait pas quelque chose en rapport avec "l'âge d'or", ce temps parallèle des aborigènes. A la place on a trop souvent un travail plasticien qui ne s'excuse pas de quelques facilités (cet arbre "origine du monde"...)
Je dis ça, mais le film est super agréable, blindé de plans à tomber, David Gulpilil est impressionnant aussi... ça reste du 4,5/6 de plaisir


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MessagePosté: 30 Mai 2012, 19:52 
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Mr Chow a écrit:
D'une manière générale Tom je ne trouve pas que le film soit complètement prémunis des effets que tu stigmatises

Faudrait le revoir avec le recul, mais contrairement à toi je partais avec justement la crainte que ce soit super théorique, et j'avais donc eu une bonne surprise... Ca reste pour moi une sorte de trait d'union rêvé entre le cinéma moderne hardcore et un cinéma plus mainstream et accessible, tel qu'il renaît alors via le Nouvel Hollywood par exemple. J'aime bien ce métissage idéal, ce côté chaînon manquant, la rencontre crée des étincelles, des accidents, des étrangetés. L'anti-sentimentalisme je le trouvais presque accidentel en fait, je n'avais pas pensé qu'il puisse être poseur (d'autant que dans ma tête l'époque est plutôt au lyrisme, mais je mélange peut-être un peu tout)...

Faudrait le revoir, mais mis à part le final qui me déçoit encore, j'en garde un souvenir hyper généreux. Tout en étant d'accord pour dire que passé la virtuosité constante, ça manque d'un brin de génie pour être impérieux : que question prise à bras le corps de la pensée aborigène (et avec bien moins de moyens déployés), La dernière vague l'écrase.


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