Forum de FilmDeCulte

Le mariage de la princesse Diana et du prince Charles s'est terni depuis longtemps. Bien que les rumeurs de liaisons et de divorce abondent, la paix est ordonnée pour les festivités de Noël au domaine de la reine à Sandringham. Il y a à manger et à boire, à tirer et à chasser. Diana connaît le jeu. Mais cette année, les choses seront bien différentes. Spencer est une illustration de ce qu’il aurait pu se passer pendant ces quelques jours fatidiques.

En deux plans, le ton est donné. Une étendue rurale où la brume s'est posée - et semblera ne jamais quitter l'image 16mm de Claire Mathon, même lors des plans en intérieur - renvoie aux contrées des romances gothiques des Brontë. Juste après, une pancarte dans les cuisines intime de faire le moins de bruit possible parce que "they can hear you". Un avertissement qui revêt un aspect plus menaçant qu'il ne le devrait et qui dit pourtant tout de la démarche de Pablo Larrain et Steven Knight sur ce film défini par un carton d'ouverture comme "une fable inspirée d'une tragédie réelle". Spencer est plus proche du film d'horreur que du biopic.

Comme nombre de réussites mettant en scène des personnes ayant réellement existé, le film a l'intelligence de ne pas chercher à raconter, même partiellement, la vie toute entière de son protagoniste, mais s'intéresse à une période définie et restreinte pour raconter son histoire. En se concentrant sur les trois jours que Diana a passé à Sandringham House pour Noël en 1991, Spencer dresse un portrait impressionniste de l'icône mais plutôt que de l'humaniser de manière attendue en montrant les coulisses et la réalité de sa vie à la cour (comme l'a fait à merveille la série The Crown), l'approche ici fait d'elle l'héroïne d'un thriller psychologique à la Roman Polanski, enfermée dans une prison dorée telle Rosemary enceinte (Kristen Stewart est impeccable, complètement transformée). Non content de son postulat déjà fantasmé, imaginant ce qui a poussé la future reine à enfin quitter Charles, l'exercice surenchérit donc en adoptant des atours de film de genre.

Il y a cinq ans, Pablo Larrain s'intéressait déjà à l'errance paranoïaque d'une première dame dans une maison hantée mais Spencer franchit clairement le pas que Jackie gardait encore métaphorique. Il est sans cesse question de passé se mêlant au présent et de fantômes, sans compter tous ces pronoms de la troisième personne du pluriel qui ont tôt fait de désigner les membres de la cour comme des monstres. Ce n'est après tout rien d'autre que l'histoire d'une princesse tenue prisonnière d'un château et qui s'en échappe.

En regardant le film, je me demandais à quel point le résultat était dû au traitement imposé par Larrain sur le scénario de Steven Knight, qui a déjà fait preuve de ce genre de radicalité narrative (le petit miracle Locke) mais qui demeure un scénariste tout de même plus classique, même sur des biopics efficaces (Le Prodige). Était-ce le cinéaste qui avait pris un script plus conventionnel (comme en témoignent certains dialogues un peu trop dénués de sous-texte) pour en faire un film d'épouvante, en allant chercher Guy Hendrix Dyas (chef décorateur d'X-Men 2, Inception et Indiana Jones 4) pour imaginer un manoir où opérer tous ces travellings en grand angle dans des couloirs à la Shining et en demandant à Jonny Greenwood de composer une improbable BO mêlant jazz malaisant et violons dont l'archet semble jouer directement sur nos nerfs? A ma grande surprise, c'est Larrain qui est parti chercher Knight pour lui proposer d'écrire un film sur Diana mais l'idée de présenter le récit comme un conte de fées vient du scénariste. Et il a cette formule qui résume bien l'entreprise : "tous les contes de fées sont des histoires horrifiques avec un happy end".

En tout cas, j'ai trouvé ça vraiment très fort, singulier dans sa proposition, déroutant tout le long et même poignant sur la fin.

C'est dispo à partir du 17 janvier sur Amazon Prime (mais c'est déjà trouvable en ligne parce que sorti en VOD aux States).

_________________

En tous cas, l'affiche est belle.

Critique qui donne envie.

_________________
Looks like meat's back on the menu, boys!

Sort en salles en Belgique le 15 décembre (sauf si elles ferment d’ici-là ).

Très envie de le voir en tout cas…!

_________________
Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"

Génial, enfin du ciné d'auteur pas chiant et avec une vraie mise en scène, mon film de l'année !...

J'ai eu du mal pendant une bonne partie du film, trouvant l'ensemble souvent programmatique, assénant encore et encore la même idée, surtout que la frontalité explicative des dialogues jure avec l'aspect arty et décalé de la mise en image.

Cependant, il faut reconnaître au film son originalité dans ce mariage entre une reconstitution d'autant plus réaliste que son traitement est vrillé. Le glissement vers le genre est bien. Très belle photo d'ailleurs.

Mais au final je trouve le film, malgré ses qualités, toujours un peu à côté aussi bien narrativement que tonalement, se cherchant sans se trouver.

_________________
Liam Engle: réalisateur et scénariste

Content de l’avoir vu - en salles…

Je souscris à l’avis de Film Freak.
Beaucoup aimé cette proposition où Larrain applique le « style is substance » pour une errance polanskienne (en effet) dans une esthétique où l’espace filmique est un espace mental, « psychologique », fait de rêves et de cauchemars, de fantômes et de fantasmes, de visions et de… point de vue.
Je suis pas à fond sur le curseur émotionnel mais l’ensemble se tient parfaitement bien. Un projet de grande classe. La musique de Greenwood, une fois de plus, est géniale et magnifique. Respect pour Stewart, aussi, à la fois dans la « perf » et dans l’incarnation totale.

Quelque chose comme 4,5/6

_________________
Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"

Tout le prologue du film, où Diana, errante, semble s'être échappée d'un laboratoire de film de science-fiction isolé au beau milieu des plaines et boisés du royaume, arrive parfaitement à nous faire ressentir la perte de repère de la princesse. C'est du cinéma à l'état pur qui s'appuie sur la vertiginosité des images pour nous faire ressentir de façon sensorielle un état psychologique complexe. Pablo Larrain le fait très bien ça, souvent à l'aide de longs travellings qui ne sont pas sans évoquer les Barry Lyndon et The Shining de Stanley Kubrick. Le film est vraiment une merveille d'épure cinématographique. Le problème est qu'il n'est dédié qu'à une seule idée; celle que princesse Diana étouffait dans sa vie princière. Le film n'en décolle jamais, ou ne tente jamais d'en décoller. Alors il apparaît un peu répétitif et prévisible au final, piégé dans sa démonstration infertile.

Parcontre, Kristen Stewart est magistrale et rehausse le niveau du film à toutes ses apparitions. Timothy Spall aussi.

_________________

Vertiginosité.

_________________

Lol, elle est pratiquement de toutes les scènes..

_________________
Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"

L’annonce du casting de Stewart m’avait fait pouffer et ça se confirme en voyant le film, elle se donne du mal pour prendre l’accent et susurrer toutes ses répliques mais on ne voit qu’elle, jamais le personnage. Chaud de faire ça entre Emma Corrin et Elizabeth Debicki dans The Crown.

Ah et ce serait bien d’avoir une autre ref que Shining.

Pour le coup, je la vois jamais elle.

_________________

Pourtant je l’ai trouvée bien dans Seberg, elle reste Stewart plus que Seberg mais sans minauder et en faisant un effort sur ses tics.

Spencer est pour moi vraiment le symbole de la tragédie des films de plateforme. Impression qu'on en a très peu parlé, que le film est sorti dans une légère indifférence alors qu'il suffit de comparer avec Jackie pour voir la différence, un film qui a marqué, qui a fait quasiment 500 000 entrées, dont on a beaucoup parlé. Je serai curieux de savoir combien de personnes l'ont vu en France mais certainement pas 500 000. Bref, c'est cruel.

Sinon pour ma part je suis un peu sur la ligne de QGJ. Le film est réussi dans son ambition, j'ai en fait très peu de choses à lui reprocher, la mise en scène est carrée et ample, la lumière de Claire Mathon est magnifique, Kristen Stewart compose une Diana toutes en nuances à la fois d'une grande fragilité mais animée d'une espèce de force intérieure peu commune. Cependant ça ne prend pas totalement. Je trouve le film un peu dévitalisé, je ne ressens presque aucune émotion et, pire, je m'emmerde un peu.

D'autant que finalement le projet "maison hantée" du film, s'il est réussi (BO bien cheloue de Johnny Greenwood) me paraît presque trop lisible, trop évident jusqu'à des choses dont on aurait pu se passer (les visions d'Ann Boleyn, les légères hallucinations - cette blessure au bras qui disparaît). Après la scène où elle retourne dans sa maison d'enfance avec sa robe de fête c'est visuellement sublime, on est en plein conte horrifique.

Un bon film mais au final je crois que je préfère ce qu'a fait récemment The Crown avec le personnage (même si évidemment ce n'est pas tout à fait le même projet). Et des trois biopics de Larrain c'est selon moi le plus faible et surtout c'est dommage, il est trop proche de Jackie, là où Neruda était totalement différent.

4/6

_________________
CroqAnimement votre