Pour compiler un peu toutes les bonnes adresses, suite aux discussions de cet aprem.
Que des très gros noms célèbres pour ma part, je suis pas un fin connaisseur, mais pour les dernières années quatre géants pour lesquels je peux me déplacer même si le film est nul.
Emmanuel Lubezki (La petite princesse, Sleepy Hollow, Les Fils de l'homme, Le Nouveau Monde...)Dans une décennie qui s'est gavée d'images sur-contrastées, et souvent mal (sans finesse, sans richesse, en automatique), c'est le seul qui me semble avoir produit une image à la fois séduisante, chiadée (noirs hyper denses), et à la fois vivante et intelligente. C'est beaucoup de contres-jour, des décors à la lumière violente, hyper travaillée - et à l'opposé des visages maniés avec une douceur extrême, dans une sorte de pénombre, avec souvent une partie du visage qui risque d'être quasi-éblouie si la tête tourne. Pas de peur à jouer avec la surexposition, qui reste toujours subtile (pas de gros aplats dégueulasses)... Bref, c'est vraiment le chef-op qui fait l'image la plus saillante actuellement, avec une de ces finesses incroyables ! Le chef-d’œuvre de sa période studio reste à mon sens reste
Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire (film médiocre où tous les collaborateurs se sont éclatés, semble-t-il), mais il est encore plus intéressant depuis qu'il travaille en lumière naturelle, en utilisant plus que le diaph, l'angle, quelques ouvertures.
(j'avais pas de capture pour cette scène, mais cette photo de plateau est assez fidèle)Bon, ça rend pas du tout justice à son travail (j'ai pas pris les exemples les plus subtils), mais pour l'instant pour moi c'est le plus grand.
Roger Deakins (Barton Fink, Les Evadés, Le Village, Le Liseur, True Grit...)Je connais mal ses anciens films, et j'ai encore du mal à chopper sa "personnalité", sa patte. Il y a déjà eu le choc du
Village, voir justement que ça n'allait pas être une image hyper-colorée qui se la pète. C'est sans doute le chef-op le plus doux de cette dernière décennie, il a pour lui une sobriété admirable, avec une image réaliste qui célèbre tout le doigté de la pellicule, que j'ai du mal à imaginer sans grain. Ses films non-réalistes (
In Time, par exemple) me semblent beaucoup moins inspirés, on dirait qu'il se réfugie dans des choses plus clichés (pas tous :
Jesse James, les séquences oniriques de
True Grit, tout ça tue). Mais quand il est simple, il fait des merveilles. Je suis allé voir
Doute (que je savais d'avance pourri) exprès pour lui, tant dès la bande-annonce ça sentait une photo parfaite, une orgie de visages. Il arrive là-dedans à les rendre avec une délicatesse incroyable, dans les scènes d'hiver on les croirait presque laiteux, on sent la texture de la peau d'Amy Adams.
Harry Savides (The Game, Gerry, Birth, Zodiac...)Lui je l'aime d'amour, mais il est mille fois trop rare. Là encore du mal à définir son boulot : je suis toujours impressionné par le fait que la patte de ses images tienne à rien. Je sais pas comment il fait pour planifier (imaginer, expliquer à ses collaborateurs) une image dont la personnalité tient autant dans des micro-détails : c'est de la dentelle. Ça m'a frappé dans
Restless, où il utilisait toute la fébrilité possible de l'image pellicule, où il dose parfaitement halo, miroitements, contrastes, pour donner l'impression que ça papillonne et que ça vit constamment (alors que le film est visuellement hyper discret). J'avais lu à une époque comment il avait obtenu l'image de
Birth si lugubre, avec des sous-expositions volontaires réhaussées au labo, le mec se fait vraiment chier grave pour trouver LA bonne image pour chaque film. Impressionné aussi par son travail numérique, notamment sur un
Zodiac étonnamment délicat et déshystérisé, image presque dé-contrastée, terne, avec des percées saturées qui soudain ré-exploitent l'imagerie artificielle de l'époque (photo ci-dessous). Et puis le sommet restera pour moi
Elephant et sa faible profondeur de champ (flous magnifiques), notamment la marche du sportif, qui avance droit au milieu d'une image qui se transforme sans cesse, comme on traverserait une symphonie de lumière cacophonique en trois minutes. Et superbe retour du 1.33.
Les Chefs-op de Pixar Quasiment impossible de savoir qui fait quoi, et notamment qui s'occupe des lumières. Je ne suis quasiment sûr que pour Sharon Calahan (
Némo et
Ratatouille), ou pour Danielle Feinberg (le court
Lifted et
Wall-E, qui semblent se recouper vu la gueule très semblable de l'éclairage). De toute façon c'est un génie propre au studio, qui a tout de suite pigé que pour que ses persos et objets ne fassent pas artificiels, plastoc, il fallait les frapper d'une lumière qui leur conférerait une texture, qui les ferait "dialoguer". La luminosité supplémentaire dans les oreilles du rat qui deviennent limite transparentes, qui semblent dès lors réagir à leur environnement (par l'odeur par-dessus la cuisine, par le soleil doré quand on s'aère hors du restau), c'est typique. C'était là dès le premier
Toy Story : son couché de soleil orange violent qui frappe la maison lors du coup bas de Woody, le monde du dehors zébré de lumières fluos crues... Ils se sont vachement affinés avec les années, mais ont toujours continué à trouver une véritable personnalité de lumière à chacun de leurs film : douches théâtrales dans
Monsters Inc, miroitement sensible et vivant pour
Nemo, contrastes élégants et palette flamboyante pour
Les indestructibles... Le concept-art pour la lumière de
Ratatouille, ci-dessous, montre combien ils sont précis là-dessus : combien par exemple, ici, ils ont clairement défini l'ambiance automnale radieuse qui servira d'écrin enveloppant au film. Sinon, dans les plus récents,
Wall-E est je trouve leur meilleur, un gros festival de couleurs (peut-être pas leur plus original, mais ça fuse d'idées de lumière dans tous les sens, c'est un régal).
Voilà, sinon y en a d'autres mais que j'apprécie plutôt moins, en fait...
Doyle et Kondji (je dis pas non, mais j'ai du mal à cerner), Kaminiski et Gauthier (que j'aime peu, je les trouve trop butors). J'aime beaucoup certains trucs d'Agnès Godard, mais je connais encore mal. Et puis il y a tous les chef-ops passés : je vous laisse vous éclater avec tout ça.