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MessagePosté: 11 Aoû 2018, 16:15 
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Je me rappellerai toujours ce pote qui, quand il s'est fait larguer après deux ans de relation, m'avouait qu'il écoutait "Le Chemin" de Kyo feat. Sita, cette chanson qu'il trouvait, comme "tout le monde", complètement nase il y a encore peu de temps, et qu'il pleurait tant il se retrouvait dans les paroles ("Et je te hais...de tout mon corps...mais je-t'a-dore"), conscient que c'était de la soupe mais conditionné pour les trouver justes.

Moi-même, je me souviens, à l'époque où l'on discutait encore via MSN Messenger, et qu'il était possible d'inclure une phrase en dessous de son pseudo, avoir mis là des paroles de chanson qui étaient secrètement (lol) destinées à mon ex, toujours dans ma liste d'amis.

On blague souvent sur les signaux à déchiffrer lors du "jeu de la séduction" qui précède donc la relation sentimentale mais on ne parle pas assez de comment on se raccroche parfois au moindre signe APRÈS la fin de cette même relation, voyant du sens là où il n'y en a pas parce qu'on a désespérément besoin d'en trouver un.

La métaphore de la rupture n'est pas le seul prisme au travers duquel il est possible de voir cette histoire d'un mec qui s'entête à retrouver la trace de sa séduisante voisine disparue du jour au lendemain tant le film tout entier est dédié à l'art de la sémiologie et invite donc inévitablement à l'interprétation mais elle m'apparaît, surtout au vu du dernier acte, comme la clé pour comprendre ce que la démarche de Mitchell présente de personnelle au sein d'un exercice bien plus riche qui joue avec les genres pour établir carrément un portrait d'une génération (et même plus largement de la société).

Je vais pas prétendre être plus cultivé que je ne le suis, de Chandler ou Pynchon, je ne connais que les adaptations, voire les pastiches pour le premier, mais les codes de ce genre spécifique, le récit de détective alambiqué si je puis dire, sont suffisamment ancrés dans la culture populaire pour que l'on puisse repérer la façon dont Mitchell s'amuse à les reproduire pour les subvertir.
La culture populaire, justement, est au coeur du film. D'entrée de jeu, j'ai compris les comparaisons avec un autre film sorti cette année...Ready Player One.

Under the Silver Lake, c'est un peu le Ready Player One hipster et désabusé.

À vrai dire, hipster n'est sans doute pas le bon terme, le film évoque plus largement les millenials. Une génération qui ne peut chercher du sens que dans sa culture plus ou moins superficielle : jeux vidéos, bandes-dessinées, boîtes de céréales (!). Le film porte le sceau des années 90, dont la majorité des références sont issues (la NES, Nirvana, REM) mais cette quête parle de et à toutes les générations, de celle qui écoutait des vinyles à l'envers pour trouver des messages cachés jusqu'à celle qui recycle les starlettes de jadis - ou même d'aujourd'hui, Mitchell incluant son premier film et des actrices de ce dernier dans leur propre rôle dans la diégèse de celui-ci - en fantasmes post-modernes, tel Sarah rêvée en Marilyn Monroe issue d'un film inachevé.

En épousant à 4600% la subjectivité de son protagoniste, un branleur dans tous les sens du terme, Mitchell dénonce son male gaze, omniprésent, ainsi que le sexisme inhérent au genre, exacerbant l'absurdité de l'attraction sur les femmes du personnage, pourtant rendu littéralement repoussant. Enveloppé tout le long d'une atmosphère onirique et parfois même cauchemardesque, certaines scènes rappelant l'horreur d'It Follows et d'autres, animées, empruntant à Black Hole de Charles Burns, le récit n'a que faire du réel ou de la réalité. On est tellement dans le point de vue de Sam, ce mec qui se balade presque toujours en pyjama, qui a des excès de violence vraisemblablement sans conséquences, avec qui toutes les bombasses veulent coucher, et qui tire le fil d'une potentielle conspiration entre médias et millionnaires, et qui vit une enquête entre Hitchcock et De Palma, tout droit sortie des films dont il a les affiches sur ses murs, que cela importe peu. C'est SA réalité. SA réalisation que toute cette culture qu'il chérit n'a pas de sens ou qu'elle n'a pour sens que de manipuler les masses et de servir les puissants.

Toutefois, Mitchell, signant une fois de plus une coming of age story, a la jugeotte de ne pas terminer sur ce constat au mieux cynique et au pire paranoïaque mais de choisir plutôt une conclusion douce amère au cheminement du personnage, qui accepte, d'une part, ce nouveau status quo sentimental et, d'autre part, de ne pas connaître le sens de toutes choses, faisant le deuil de sa vie d'avant, voyeuriste, parano et enfermé dans ses références. Un passé qu'il peut désormais regarder en souriant.

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MessagePosté: 11 Aoû 2018, 16:30 
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Ah bâtard, j'allais créer le topic.

Difficile de savoir par où commencer tant le film m'a désarçonné, telles des montagnes russes, les scènes jouissives étant suivies par des moments de flottements plus nébuleux.
Le regard sur Los Angeles et le monde de l'entertainement est vraiment acerbe, on sent que Mitchell règle ses comptes avec ce monde dont il a dû côtoyer les arrières cuisines pendant ses premières années professionnelles. Je dis « régler ses comptes » mais il ne transparaît pas d'aigreur dans le film, plutôt un regard pointu et distant, magnifier par son parti pris loufoque et halluciné.

Le film est également nourri par de nombreuses influences cinématographiques et musicales (l'atmosphère de L.A. fait par exemple penser à The Long Goodbye, mais il y a plein plein d'autres trucs, de Lynch à Hitchcock), dont le scénario démontera le principe même pour interroger la créativité artistique.

Je me suis laissé faire tout le long même si la trame initiale part complètement en couille et que ça s'étire trop sans fermer toute les portes qui ont été ouvertes, mais c'est très réjouissant et stimulant.


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MessagePosté: 11 Aoû 2018, 16:46 
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Film Freak a écrit:
les comparaisons avec un autre film sorti cette année...Ready Player One.


Grave.
N'empêche, plus j'y pense, plus j'aime le film.


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MessagePosté: 11 Aoû 2018, 16:52 
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Jerónimo a écrit:
Film Freak a écrit:
les comparaisons avec un autre film sorti cette année...Ready Player One.


Grave.
N'empêche, plus j'y pense, plus j'aime le film.

Pareil (pour les deux films :D).

Et moi aussi, il m'a fallu du temps pour détricoter tout le film et situer mon avis et mon interprétation.

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MessagePosté: 11 Aoû 2018, 18:18 
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J’ai vraiment aimé, adoré même par moments (la scène du compositeur). Ça m’a fait penser à Southland Tales, non pas au niveau de l’histoire, mais de l’ambiance et de l’ambition. M’est venu à l’esprit que les cinéastes du fantastique , dans les années 70 et 80, faisaient Fog après avoir réalisé Halloween. Aujourd’hui, les jeunes « génies » du genre se servent du fantastique comme tremplin vers un cinéma sélectionnable à Cannes (je dis ça sans haine car il n’y a chez eux ni snobisme ni cynisme envers le fantastique et la série B, au contraire). On peut se réjouir de ces ponts ouverts entre les genres, mais le résultat c’est qu’on manque d’un grand cinéaste fantastique aujourd’hui (autre chose que James Wan).

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Que lire cet hiver ?
Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander)
La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)


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MessagePosté: 11 Aoû 2018, 20:33 
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It Follows était déjà à Cannes et celui-ci est pas moins du genre ultra-codifié comme le précédent et son premier n'était pas fantastique non plus. Le mec change à chaque film.

PS : James Wan qui n'avait pas d'avenir alors qu'Adam Wingard si, selon Baptiste :D

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MessagePosté: 13 Aoû 2018, 09:22 
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Un film qui j'ai aussi mis du temps à aimer et qui sur le moment m'avait un peu laissé démuni. Ceci dit je continue de le trouver trop long, notamment cette première partie un peu distendue avant qu'on rentre vraiment dans le vif du sujet. Mais après en effet quel étonnant voyage entre Ready Player One, Hitchcock et Pynchon. Et si tout ne me séduit pas je dois dire être régulièrement sur le cul par la beauté, la singularité et la puissance de certaines scènes (la scène chez le musicien est extraordinaire).
Bref, un film que je prendrai du plaisir à revoir je pense dans quelques années. Andrew Garfield est parfait en espèce de puceau ahuri émouvant, il représente vraiment quelque chose de notre époque (ce qu'on a pu appeler les "incels").

4.5/6

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MessagePosté: 13 Aoû 2018, 14:16 
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Vous avez tout dit. Andrew Garfield est super bon. Les références sont super bien digérées. Le tout est frais.. C'est du top niveau. Le film diffuse une bonne énergie, une vraie séance plaisir.

5/6

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MessagePosté: 13 Aoû 2018, 22:15 
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On a un peu l'impression que dans New York, ville empilée, dense, l'évènement est à chaque coin de rue et que du coup il est facile d'y imaginer tous les ingrédients d'un polar interlope classique.
Alors qu'à L.A., ville distendue, plate, où il se passe des choses plates, il faut "investir ce territoire" (comme disent les notes d'intentions de poseurs) différemment. C'est ce que font de manière assez similaire INHERENT VICE et ce film-ci, jouant plus sur la torpeur de l'ennui et sur l'irruption de l'absurde, que ce soit dans les situations ou les parti-pris, de mise en scène comme de jeu.

Après un IT FOLLOWS bluffant de tenue, c'est marrant de voir comment Mitchell s'en donne à cœur joie en ne se privant d'absolument rien. On a l'impression à chaque fin de scène qu'il se demande "Comment je pourrais conclure de la manière la plus inattendue possible ?". D'où ce foisonnement de choix variés, entre les grand angles, les caméras embarquées, les panos filés hiératiques, les fondus enchaînés. C'est n'importe quoi, dans le bon sens du terme.

Niveau construction, c'est étrange de voir que le film n'est finalement pas vraiment labyrinthique, c'est pas vraiment un trip. Puisque entre deux péripéties, il y a toujours un retour à la base (l'appart) histoire de faire une pause (et manger des céréales ou se branler). C'est cette dilatation/contraction, entre fantaisie et réalité, qui donne au film son rythme étrange et que d'aucun pourrait trouver chiant. (d'ailleurs perso si je m'étais un peu plus ennuyé, j'aurais bien qualifié le film de attachiant)

Alors oui, c'est sans doute 10% trop long et 15% trop auto-indulgent, mais sous les tonnes de pose et de conscience de soi, il y a quand même un vrai cœur battant plus pur qu'on ne l'imagine au premier abord. Et le choix de la chanson de fin cartonne.

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MessagePosté: 16 Aoû 2018, 00:23 
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MessagePosté: 16 Aoû 2018, 08:16 
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Art Core a écrit:
Andrew Garfield est parfait en espèce de puceau ahuri émouvant, il représente vraiment quelque chose de notre époque (ce qu'on a pu appeler les "incels").


Je suis ébahi quand je lis ce genre d'énormités. Comment peut-on être autant à côté de la plaque ? Le personnage de Garfield n'est ni un puceau ni en situation de célibat involontaire. Les filles, comme le dit FF se jettent pratiquement sur lui. Il n'est pas en état de frustration sexuelle. Et qu'on ne vienne pas me dire que cela représente, de façon fantasmatique, sa frustration.

Film Freak a écrit:
JEn épousant à 4600% la subjectivité de son protagoniste, un branleur dans tous les sens du terme, Mitchell dénonce son male gaze, omniprésent, ainsi que le sexisme inhérent au genre, exacerbant l'absurdité de l'attraction sur les femmes du personnage, pourtant rendu littéralement repoussant.


Dire que des films d'une complaisance rare sont des dénonciations :roll: Non seulement c'est d'une hypocrisie caractérisée, mais en plus ça prouve qu'on peut plaquer ses grilles d'interprétations toutes faites au mépris de tout bon sens quand on veut.


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MessagePosté: 16 Aoû 2018, 11:14 
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Suffit de voir la scène du drone ou de lire ses interviews ou sa note d'intention : https://twitter.com/chrisval07/status/1 ... 2217577472

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MessagePosté: 16 Aoû 2018, 14:18 
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Sinon j'aimerais bien savoir pourquoi le film se passe dans une année aussi arbitraire que 2011. Mort de Steve Jobs ?

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MessagePosté: 16 Aoû 2018, 14:24 
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J'avais pas capté qu'une année était indiquée.

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MessagePosté: 16 Aoû 2018, 14:39 
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Robot in Disguise
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Film Freak a écrit:
J'avais pas capté qu'une année était indiquée.
Ouais, au début (avant de voir le film et pendant les premières minutes) je pensais que ça se passait dans les années 70, puis brièvement 80, puis ça avait l'air moderne mais y avait zéro smartphone, ensuite t'as les télés 16/9... Bref. Au bout d'un moment y a une date qui apparaît, style sur un tweet ou autre.

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