Bon, je te réponds, pour que tu n'aies pas pondu ce pavé pour rien.
Azuma a écrit:
Sans vouloir être désagréable, ni passer pour un gros gauchiste (ce que je ne suis as du tout), je suis effaré de voir à quel point vous avez intégré un discours de droite-Medef. Voir systématiquement les salaires comme une charge ! Le travailleur est également un consommateur. C’est Ford (qui n’est pas un bolchevik si mes connaissances sont exactes) qui le a vu lien entre salaires et consommation de masse. Produisant à la chaîne la Ford T (première voiture à être produite en série), il s’est assurée une clientèle en payant correctement ses ouvriers ; pas par grandeur d’âme mais juste pour écouler sa production.
Oui d'accord. Rien à ajouter.
Un détail: aujourd'hui, dans certains secteurs, on peut quand même opérer une distinction entre travailleur et consommateur. En effet, on importe à peu de frais quantités d'habillement, de jouets, d'électroménager, et d'autres produits à venir... en provenance de pays à bas coûts de main d'œuvre, et tout spécialement de Chine. Le consommateur français bénéficie de prix bas, tandis le travailleur voit son emploi s'évaporer. (Attention, il faut quand même relativiser l'impact des "délocalisations"!)
Mais bon, même si c'est douloureux, j'y vois une occasion de se repositionner sur d'autres secteurs: c'est la fameuse "destruction créatrice" de Schumpeter, mon idole.
Azuma a écrit:
1. Ce n’est jamais le moment d’augmenter les salaires si on en croit le MEDEF (et en France, ça a toujours été le cas). Avant crise, c’est soit-disant pour ne pas nuire à la compétitivité des entreprises à l’exportation (très bidon comme argument dans la mesure où les partenaires commerciaux de la France sont essentiellement des pays développés, soit appartenant à l4UE soit les EU où les salaires sont souvent aussi élevés voire plus), soit, en tant de crise, car les entreprises vont fermer (ce qu’elles font de toutes façons). La majorité des augmentations salariales (et des acquis sociaux) ont de toutes façons été obtenues à la suite de lutte sociale. Et vous savez quoi ? Il y a pourtant toujours des entreprises et des riches…
Dans le paragraphe précédent, tu montres bien que les entreprises ont BESOIN de consommateurs qui puissent acheter leurs produits. Il y a semble-t'il un "intérêt bien compris" de la part des entreprises, dans l'augmentation des salaires. Et même si je ne remets pas en cause le rôle des syndicats et des diverses luttes sociales dans l'obtention d'"acquis sociaux" (qui ne sont jamais acquis, mais c'est un autre débat), surtout fin XIXème où leur rôle a été capital, il serait injuste de leur attribuer l'essentiel de l'augmentation des salaires, au détriment d'un fonctionnement à peu près équilibré et
harmonieux de la
société de consommation de masse (à partir des années 50), qui conjuguait expansion économique et hausse des salaires (avec d'ailleurs des effets pervers dans les années 70, où les salaires augmentaient trop vite).
Et même si je ne suis pas historien des syndicats patronaux en France, je ne crois pas qu'ils aient été si rétrogrades pour toujours refuser des hausses de salaires. Et en outre, je crois aussi qu'une majeure partie de leur discours tient au rapport de force qu'il fallait tenir vis-à-vis des syndicats.
Azuma a écrit:
2. Les délocalisations et la robotisation sont en marche depuis les années 1970 et pas uniquement en raison de la crise de l’époque. Il est évident (et logique, je ne remets pas cela en cause) qu’un employeur cherche à réaliser des gains de productivité et des économies sur les coûts (et donc sur les salaires). Si la délocalisation est possible, elle se fera. Et ce n’est pas lié à une éventuelle augmentation des bas salaires en France qui seront de toutes façons toujours plus élevés que dans n’importe quel pays atelier d’Asie.
Sur les délocalisations, tu n'as pas tort.
Sur la robotisation aussi, en fait: s'il y a "substitution du capital au travail", c'est que bien souvent, les progrès technologiques ont fait qu'il est plus rentable sur le long terne de mécaniser et robotiser (exemples de l'agriculture et de l'industrie automobile); et même des salaires très faibles, je pense, pourraient difficilement concurrencer la machine dans ce genre de tâches. D'ailleurs, ce n'est pas une mauvaise chose si ça peut libérer de la main d'œuvre pour des tâches à plus forte valeur ajoutée (après il faut que la "destruction créatrice" fasse son effet, qu'il y ait une formation adaptée, etc, c'est un autre débat).
Azuma a écrit:
3. L’essentiel du PIB de la France est réalisé dans le tertiaire. Le SMIC concerne majoritairement des emplois qui ne sont pas délocalisables (et où la concurrence ne va pas forcément jouer un grand rôle) : va-t-on délocaliser l’employé du salon de coiffure ? La caissière de Leclerc ? Un magasinier ?
Certes tu as raison, ce sont des emplois non délocalisables.
Mais d'une: tous les emplois tertiaires ne sont pas à l'abri des délocalisations. Un agent administratif, un centre d'appel, etc, peut être délocalisé. Et avec l'émergence des nouvelles technologies, on ne sait pas jusqu'où ça peut aller.
De deux: il n'y a pas que la question de la délocalisation, mais aussi celle, plus cruciale, de l'opportunité d'embaucher ou non. Va-t'on continuer à employer des caissières si elles coûtent trop chères? On va plutôt les remplacer par des bornes. Va-t'on employer une coiffeuse assistante si elle coûte trop chère, c'est-à-dire si le SMIC est à 1500 euros ou plus? Non, et etc.
Azuma a écrit:
Certes, il y a un service lié à l’industrie (transport, emballage, publicité, etc.) mais qui n’est pas forcément en danger en raison d’une hausse des salaires qui, en euros constants, n’ont pas du bouger depuis 30 ans (sujet du bac des STG cette année avec de belles courbes issues de l’INSEE qui montre d’ailleurs la stagnation des bas salaires depuis le début des années 1980 et le rapprochement des salaires intermédiaires vers les bas salaires).
La stagnation des bas salaires peut en grande partie s'expliquer par la hausse des "emplois précaires", c'est-à-dire l'intérim, les emplois CDD, et surtout, les emplois à temps partiel. L'intérim, les CDD, peuvent être de bonnes choses, une source de flexibilité à la fois pour l'entreprise et pour le salarié. Mais trop d'intérim, trop de temps partiel aboutit à une fragilisation de l'emploi et des situations sociales. Mais si les entreprises sont amenées à recourir à ce genre de contrats, bien souvent moins rémunérateurs, c'est peut-être à cause du coût trop élevé du travail à temps plein,
pour une certaine catégorie d'emplois peu qualfiés.
Azuma a écrit:
La France est après le Royaume-Uni le pays européens recevant le plus d’IDE (investissements directs à l’étranger) et se situe au quatrième rang mondial (derrière les EU, la Chine et le RU). Cela prouve bien que le France ne souffre absolument pas d’un problème de compétitivité malgré le discours défaitiste et mensonger du MEDEF sur le coût du travail en France !
Le coût du travail n'est pas la seule donnée qui intervient dans l'attractivité d'un pays: il y a aussi la qualité des infrastructures, la productivité, la situation géographique, le tissu économique, le bassin de consommation potentiel, les subventions... toutes choses qui viennent compenser un coût élevé du travail.
Azuma a écrit:
Enfin, la crise de ces dernières années est due essentiellement à cette inégalité de redistribution des fruits du travail. La paupérisation croissante des classes basses et moyenne dans un monde de consommation de masse entraîne un surendettement des personnes les plus défavorisées et l’existence de produits financiers comme le système des subprimes.
C'est la paupérisation qui entraîne le surendettement? Je dirais plutôt que c'est avant tout le système qui dispose d'incitatifs puissants qui poussent à consommer toujours plus, et toujours plus à crédit. C'est un problème, car dans certains pays comme l'Espagne -la France n'est pas la plus touchée- l'expansion économique est de plus en plus liée à l'emballement du système de crédit. Mais je ne vois pas le rapport avec "l'inégalité de redistribution des fruits du travail", qui est un problème, mais discutable dans le cas ci-présent.
Azuma a écrit:
Mais avec le système de l’emprunt (Sarkozy suit ses maîtres, Pinay et Balladur), il va aussi permettre à ceux qui ont des capitaux de s’assurer un bon produit financier sans risque car garantie par l’Etat. Et qui sera au final très coûteux car les intérêts seront payés par les contribuables…
Sur l'emprunt, tu n'as a priori pas tort. Je vais me renseigner sur le sujet. D'autant plus que l'Etat a galéré avec le précédent grand emprunt de 1994 (taux de 6%!), et s'en est sorti grâce aux produits des ventes lors de privatisations.
Azuma a écrit:
Je vais aller manger, ça va me calmer...
J'espère que c'était bon.