Tom a écrit:
Ilouchechka a écrit:
Et puis un petit extrait d'eugène onéguine, de Pouchkine, roman en vers époustouflant, tissé avec une infinie délicatesse auquel la traduction de André Markowicz rend honneur.
C'est rimé, à la base ? (je demande ça, mais peut-être les vers le sont toujours ?)
Question traduction, j'avais essayé les haïkus 'dont j'adore le concept), j'avais pris un petit recueil. Je me sentais un peu, en lisant, j'avais l'impression qu'il me manquait 70% de ce qui faisait les poèmes...
Oui, c'est rimé quasiment tout le long (même si des vers ne riment pas forcément
). C'est d'ailleurs une structure bien particulière: ce sont des strophes de quatorze vers, dans lesquels rimes embrassées et croisées s'entremêlent avec des rimes plates. Les vers, quant à eux, sont des tétramètres iambiques (quatre unité de deux syllabes, avec accent sur les syllabes paires) (Ce qui pose des problématiques de traduction dantesque: en français, la métrique est basée sur les syllabes, tandis qu'en russe (comme en anglais)elle est relative à l'accentuation. )
Et, c'est une des raisons qui m'a fait citer Onéguine, c'est que cette structure, au combien contraignante, accouche cependant d'une oeuvre à la liberté et à la légèreté remarquable. Ça peut se lire en surface, comme une promenade dans un jardin, en se livrant seulement au rythme, au chant enivrant de ces lignes, comme l'on peut y plonger la tête la première, ricochant entre la légèreté de la phrase et la vigueur de l'ironie. Cette dimension de chant, du pouvoir de l'évocation à travers le travail de la langue est le socle de la poésie. A ce titre, l'étymologie du mot est révélatrice: du grec
poíêsis qui est l'action de faire, la création. Il y a une injonction fondamentale à triturer, essorer la langue, pour se faire messager, passeur de quelque chose.
C'est d'ailleurs la double injonction de Rimbaud: être "voyant" et être "absolument moderne".
Alors que l'on reste un peu sur une image d'épinal voyant le poète comme un dandy péteux étourdi de substances (à défaut de substance) et de fatuité déclamant avec emphase des succédanés boursouflés de Lamartine. C'est dommage, étant donné que c'est bien plus que ça.
C'es marrant que tu aimes bien le concept du haïku, puisque c'est un genre extrêmement codifié. J'ai l'impression que le français s'y prête peu, d'autant plus que la langue même employée dans les haïkus est différente de celle usitée tant dans le domaine écrit que parlé. Il y a de nombreux jeux sur les sons (homophonies), les références et d'allusions à une culture que l'on a peu, ou pas (bouddhisme etc..) qui fait que, pour le coup, la question de l'intraduisabilité se pose avec vigueur.
Kerouac avait pas mal travaillé le Haïku pour un résultat, s'il n'est pas fondamental, notable. :
http://www.youtube.com/watch?v=WMwAtOom ... -JmDcGFYSA. Et j'ai vu que tu connaissais pas mal le cinéma indien, Tagore (je ne sais pas si ça te dis quelque chose) avait également travaillé le haïku (que l'on fait réciter aux petites bengalies avant les repas
)