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MessagePosté: 10 Avr 2014, 08:25 
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Inscription: 04 Juil 2005, 14:47
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Commencer le topic poésie par l'emploi du mot niaiserie dans le titre , ça fait un peu mal. :P


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MessagePosté: 10 Avr 2014, 08:36 
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Inscription: 24 Nov 2007, 21:02
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Localisation: In the Oniric Quest of the Unknown Kadath
J'aime beaucoup le poème de Tom qui ouvre le topic. Je connaissais pas mais je trouve ça très beau.
Sinon moi j'ai eu une période poésie où j'en lisais pas mal.
Mais aujourd'hui je retiens surtout Baudelaire que j'adore et quelques autres que je connais moins (de Nerval, Rimbaud...).

Ma participation, un vrai poème érotique, Pierre Louÿs, 1894 :

A genoux sur les draps tachés,
La pine au cul tu te trémousses,
Jeanne, et tu montre aux michés
Ton ventre ombré de sombres mousses,

Nul étron n'a fuit ton anus
Que n'eût traversé quelque verge,
Et tu ressembles à Vénus,
Car jamais tu n'as été vierge.

Ô Jeanne, cul, vulve et tétons,
Dans tous les trous nous te foutons,
Con, derrière ou suceuse bouche.

Mais sous le moindre branlement
Ta chair se vide en lourde douche
Sur le profond membre écumant.


Allez un deuxième pour le fun, Pierre Louÿs toujours (un sacré cochon celui là, j'ai un anthologie de lui c'est 1000 pages de poèmes, de nouvelles et de romans pornos. Mais c'est très léger très drôle) :

"Mon Agnès tu te branles trop.
Baisse ta robe, allons mon ange.
Tes jupons sont pleins de sirop.
Plus on gratte, plus ça démange.

- Ah ! grand-mère, il est si cochon,
Le monsieur pour qui je me touche.
Il m'a chié sur le nichon,
Pendant qu'il pissait dans ma bouche.

Il a mis sa langue très loin
Dans mon sale trou du derrière
Juste quand j'avais un besoin,
Tu parles si j'en étais fier !

Et lorsqu'il s'est bien convaincu
Que c'était bourré par les crottes,
Il m'a mis son noeud dans le cul...
Ah ! grand-mère !... où sont mes carottes ?

_________________
CroqAnimement votre


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MessagePosté: 10 Avr 2014, 09:06 
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Je ne connais pas grand chose à la poésie et mes connaissances restent essentiellement celle de mes études. Je trouve ce poème incroyablement visuel.


Une charogne de Buadealire

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint ;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s'élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l'eau courante et le vent,
Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d'un oeil fâché,
Epiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.

- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !

Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
De mes amours décomposés !


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MessagePosté: 10 Avr 2014, 09:12 
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Je dis oui à ce topic ! (je ne me rappelais plus de l'intensité qui traversait les contemplations, joli post puck)

Rilke a, dans les carnets malte laurids bridge, capté quelque chose d'essentiel au sujet de la poésie:

Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel mouvement font les petites fleurs en s’ouvrant le matin. Il faut pouvoir repenser à des chemins dans des régions inconnues, à des rencontres inattendues, à des départs que l’on voyait longtemps approcher, à des jours d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci, à ses parents qu’il fallait qu’on froissât lorsqu’ils vous apportaient une joie et qu’on ne la comprenait pas ( c’était une joie faite pour un autre ), à des maladies d’enfance qui commençaient si singulièrement, par tant de profondes et graves transformations, à des jours passés dans des chambres calmes et contenues, à des matins au bord de la mer, à la mer elle-même, à des mers, à des nuits de voyage qui frémissaient très haut et volaient avec toutes les étoiles – et il ne suffit même pas de savoir penser à tout cela. Il faut avoir des souvenirs de beaucoup de nuits d’amour, dont aucune ne ressemblait à l’autre, de cris de femmes hurlant en mal d’enfant, et de légères, de blanches, de dormantes accouchées qui se refermaient. Il faut encore avoir été auprès de mourants, être resté assis auprès de morts, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et les bruits qui venaient par à-coups. Et il ne suffit même pas d’avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs ne sont pas encore cela. Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers.

Et puis un petit extrait d'eugène onéguine, de Pouchkine, roman en vers époustouflant, tissé avec une infinie délicatesse auquel la traduction de André Markowicz rend honneur.

Celui qui a vécu et qui a réfléchi ne peut point, quoi qu’il fasse, ne pas mépriser les hommes dans son âme. Celui qui a senti vivement est condamné à être hanté par le spectre des jours qui ne peuvent revenir. Celui-là n’a plus d’enchantement ; le serpent du souvenir le mord plus cruellement que celui du repentir. Tout ceci, du reste, donne un grand charme à la conversation. Au début, la langue d’Onéguine me troublait ; mais bientôt je m’habituai à sa discussion envenimée, à sa plaisanterie assaisonnée de fiel, à la cruauté de ses sombres épigrammes.

[...]

Ainsi pensait Onéguine. Dans la première jeunesse, il avait été victime de passions effrénées et d’erreurs irrésistibles. Gâté par les facilités de sa vie, enchanté sans raison, désenchanté sans motif, tourmenté à petit feu par le désir, tourmenté bien plus cruellement par le succès éphémère, poursuivi, dans le monde et dans la solitude, par l’éternel murmure des reproches de son âme, s’efforçant d’étouffer le bâillement par un rire, voilà comment il avait tué huit années, voilà comment il avait flétri la fleur de sa vie.

[...]

Il ne s’éprenait plus des beautés du monde ; il courtisait ce qui lui tombait sous la main. On lui refusait ; il s’en consolait sur-le-champ ; on le trahissait, il était enchanté de reprendre haleine. Il recherchait la société des femmes, sans entraînement, et les quittait sans regret, se souvenant à peine de leur tendresse ou de leur cruauté. C’est ainsi qu’un visiteur indifférent vient faire sa partie de whist. Il se met à la table ; le jeu fini, il quitte la maison, s’endort tranquillement dans son lit, et, le lendemain matin, ne sait pas lui-même qui fera sa partie le soir.

_________________
ART: Ça mène à l'hôpital. A quoi ça sert, puisqu'on le remplace par la mécanique qui fait mieux et plus vite.


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MessagePosté: 10 Avr 2014, 09:37 
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En ce moment, je lis un peu Les Fleurs du Mal le soir parce que j'ai pas la télé et pas toujours internet chez moi (je pique celle du voisin), mais c'est vraiment trop déprimant et en-dehors des réalités.


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MessagePosté: 10 Avr 2014, 09:39 
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J'ai souvent du mal avec la poésie et je remercie de grands chanteurs comme Brassens et Ferrat de m'avoir découvrir et aimer des splendides poèmes d'Aragon :



J’arrive où je suis étranger

Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger
Un jour tu passes la frontière
D’où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu’importe et qu’importe hier
Le cœur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon
Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l’enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C’est le grand jour qui se fait vieux
Les arbres sont beaux en automne
Mais l’enfant qu’est-il devenu
Je me regarde et je m’étonne
De ce voyageur inconnu
De son visage et ses pieds nus
Peu a peu tu te fais silence
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d’antan
Tomber la poussière du temps
C’est long vieillir au bout du compte
Le sable en fuit entre nos doigts
C’est comme une eau froide qui monte
C’est comme une honte qui croît
Un cuir à crier qu’on corroie
C’est long d’être un homme une chose
C’est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier nos genoux
O mer amère ô mer profonde
Quelle est l’heure de tes marées
Combien faut-il d’années-secondes
A l’homme pour l’homme abjurer
Pourquoi pourquoi ces simagrées
Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger


Les feux de Paris

Toujours quand aux matins obscènes
Entre les jambes de la
Seine
Comme une noyée aux yeux fous
De la brume de vos poèmes
L'île
Saint-Louis se lève blême
Baudelaire je pense à vous



Lorsque j'appris à voir les choses Ô lenteur des métamorphoses
C'est votre
Paris que je vis
Il fallait pour que
Paris change
Comme bleuissent les oranges
Toute la longueur de ma vie



Mais pour courir ses aventures
La ville a jeté sa ceinture
De murs d'herbe verte et de vent
Elle a fardé son paysage
Comme une fille son visage
Pour séduire un nouvel amant



Bien n'est plus à la même place
Et l'eau des fontaines
Wallace
Pleure après le marchand d'oubliés
Qui criait le
Plaisir
Mesdames
Quand les pianos faisaient des gammes
Dans les salons à panoplies



Où sont les grandes tapissières
Les mirlitons dans la poussière
Où sont les noces en chansons
Où sont les mules de
Béjane
On ne s'en va plus à dos d'âne
Dîner dans l'herbe à
Robinson



Devant la foule des fortifs
Il a fui le ballon captif
Le ciel était comme un grand trou
Toutes les rengaines sont mortes
Le caf'conc a fermé ses portes
Luna-Park et la
Grande-Roue



La belle
Lanthelme où est-elle
Qu'on enterra dans ses dentelles
Et couverte de ses bijoux
Les yeux ouverts sous la voilette
Comme un bouquet de violettes
Un lait pâle peignant ses joues



Il en trembla comme une feuille
Le voleur brisant le cercueil
Qui vit tout cela devant lui

Parfums profonds qui s'exhalèrent
Ah comme encore elle a dû plaire À ce visiteur de minuit



Il faut pardonner à cet homme
N'était-il pas ce que nous sommes
Pensant à nos jeunes années
Nous remuons nos propres cendres
Et c'est toujours un peu descendre
Dans une tombe profanée



Qu'est-ce que cela peut te faire
On ne choisit pas son enfer
En arrière à quoi bon chercher
Qu'autrefois sans toi se consume
C'est ici que ton sort s'allume
On ne choisit pas son bûcher



Ôte à la nuit ses longs gants noirs
Mets la pierre sur ta mémoire
Ton pied sur la blancheur des os
Détourne-toi de ce sommeil
Lève haut ta lampe et réveille
Les arbres d'encre et leurs oiseaux



A tes pas les nuages bougent

Va-t'en dans la rue à l'oeil rouge

Le monde saigne devant toi

Tu marches dans un jour barbare

Le temps présent brûle aux
Snack-bars

Son aube pourpre est sur les toits



Les grands boulevards s'illuminent
De corail et d'aigue-marine
Par un miracle d'harmonie
Qui jette une torche aux fenêtres
Et fait des lèvres de salpêtre
Aux morts-vivants do l'insomnie



Cette nuit n'est plus qu'un strip-tease

Un linge sombre une chemise

Qui s'envole sur un corps nu

Et les maisons montrent leur hanche

Dans la réclame jaune et blanche

Incendiant les avenues



Les femmes de bronze et de pierre

Que déshabille la lumière

D'un pont à l'autre de
Paris

Se penchant sur les bateaux-mouches

Dont les projecteurs effarouchent



À terre les couples surpris

Au diable la beauté lunairo

Er les ténèbres millénaires

Plein feu dans les
Champs-Elysées

Voici le nouveau carnaval



Où l'électricité ravale

Les édifices embrasés

Plein feu sur l'homme et sur la femme
Sur le
Louvre et sur
Notre-Dame
Du
Sacré-Cœur au
Panthéon

Plein feu de la
Concorde aux
Ternes
Plein feu sur l'univers moderne
Plein feu sur notre âme au néon



Plein feu sur la noirceur des songes
Plein feu sur les arts du mensonge
Flambe perpétuel été
Flambe de notre flamme humaine
Et que partout nos mains ramènent
Le soleil de la vérité


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MessagePosté: 10 Avr 2014, 10:28 
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Pour rester dans le romantisme / expressionnisme: Georg TRAKL que j'avais découvert à la lecture du livre d'Heidegger, Acheminement vers la parole et dont le poème ci dessous sert de base à des réflexions sur le langage.

UN SOIR D’HIVER (dans le recueil Sébastien en rève)

Lorsque la neige aux vitres frappe,
Que l’angélus longuement sonne,
La table est mise pour beaucoup
Et la maison est bien garnie.

Maint compagnon en cours d’errance
Arrive par d’obscurs chemins.
L’arbre de grâce a des fleurs d’or
Puisés au suc frais de la terre.

Le voyageur entre en silence ;
La douleur pétrifia le seuil.
Et l’on voit luire sur la table
Clair et pur le pain et le vin.


----------------------------------------------------------------

Les aphorismes du Poteaux d'angle d'Henri Michaux, extraits glanés sur le net :

Le sage transforme sa colère de telle manière que personne ne la reconnaît. Mais lui, étant sage, la reconnaît… parfois.

Dans la chambre de ton esprit, croyant te faire des serviteurs, c’est toi probablement qui de plus en plus te fais serviteur. De qui ? De quoi ?
Eh bien, cherche. Cherche.

Tu peux être tranquille. Il reste du limpide en toi. En une seule vie tu n’as pas pu tout souiller.

Si tu es un homme appelé à échouer, n’échoue pas toutefois n’importe comment.

Ne te livre pas comme un paquet ficelé. Ris avec tes cris ; crie avec tes rires.

Même si tu as eu la sottise de te montrer, sois tranquille, ils ne te voient pas.

Avec tes défauts, pas de hâte. Ne va pas à la légère les corriger.
Qu’irais-tu mettre à la place ?

Faute de soleil, sache mûrir dans la glace.

Dans un pays sans eau, que faire de la soif ?
De la fierté.
Si le peuple en est capable.

Souviens-toi.
Celui qui acquiert, chaque fois qu’il acquiert, perd.

Tu es contagieux à toi-même, souviens-t’en.
Ne laisse pas « toi » te gagner.

Le continent de l’insatiable, tu y es. De cela au moins on ne te privera pas, même indigent.

Tu sors d’un lac, tu rentres dans un lac, portant un bandeau noir, mais tu crois toujours voir clair !

Certains ont besoin de leur petitesse pour sentir. D’autres font appel à leur grandeur. Certains ont besoin de toi pour se transformer.

Si affaissé, brimé, si fini que tu sois, demande-toi régulièrement – et irrégulièrement – « Qu’est-ce qu’aujourd’hui je peux encore risquer ?


----------------------------------------------------------------

Les pages d'André du Bouchet (Ici en deux)

... que
tu te déplaces
alors
ou non



sur
l'enjambée



la hauteur
ici



reprend.


--------------------------------------------------------
Et un ami (Denis Hamel)

lpoésie atonale

les sauterelles bleues ont envahi la récolte
l'étable brûle dans les lueurs du couchant
le frère et la sœur se sont unis
couple polychrome au gré des rosaces d'or

souple manteau d'hermine au dos des courtisanes
la coupe vidée au ciel des mots désincarnés
simple regret de n'être pas le maître
émerveillé qui se perd et s'étiole en fatigue

tête penchée sur le poing en alphabet
pour qui me perdre en anathèmes
en lèvres de granit attaquées par le sel
précieuses comme l'eau des autochtones

les bien nés espèrent et chantent
sous les arbres des premières aubes
la parole accompagne la fleur adolescente
la brume s'évanouit toute en arborescence


Dernière édition par Jack Griffin le 10 Avr 2014, 10:30, édité 1 fois.

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MessagePosté: 10 Avr 2014, 10:29 
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Jack Griffin a écrit:
Commencer le topic poésie par l'emploi du mot niaiserie dans le titre , ça fait un peu mal. :P

Ah bah oui, tu vois, encore de l'auto-protection !

Après il y a quand même un peu ce risque... Je trouve ça tendax la poésie, c'est une planche savonneuse. D'habitude, quelqu'un qui tu hurle à la gueule "JE SUIS POÉTIQUE, LÀ C'EST POÉTIQUE, REGARDE" (genre Cocteau au ciné) ça me coupe toute émotion, toute poésie justement. J'ai l'impression que la beauté ne pouvait être que la conséquence d'une expression vraie, ou honnête, et pas une fin en soi. En lisant de la poésie quelle qu'elle soit, j'ai du mal à ne pas me figurer un étudiant de Paris 3, mèche sur le côté et écharpe au vent, déclamer en gonflant la poitrine. Ou alors il faut une certaine forme de violence (comme les poèmes que Freak ou Papadoc ont mis), qui contourne le piège, mais c'est un peu dommage de n'avoir que cette esquive pour option...

Hugo, par exemple, j'y arrive pas (et pourtant, le romantisme dans tous les autres arts, j'adore). C'est trop, le côté ampoulé saccage le talent qui pourtant existe. Je me souviens que ma première rencontre avec Hugo poète, c'est un de ses textes les plus connus (il avait été ressorti partout lors des émeutes de 2005), sur le feu de bibliothèque (À qui la faute) :

Citation:
Tu viens d'incendier la Bibliothèque ?

- Oui.
J'ai mis le feu là.

- Mais c'est un crime inouï !
Crime commis par toi contre toi-même, infâme !
Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme !
C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler !
Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
C'est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage
Le livre, hostile au maître, est à ton avantage.
Le livre a toujours pris fait et cause pour toi.
Une bibliothèque est un acte de foi
Des générations ténébreuses encore
Qui rendent dans la nuit témoignage à l'aurore.
Quoi! dans ce vénérable amas des vérités,
Dans ces chefs-d'oeuvre pleins de foudre et de clartés,
Dans ce tombeau des temps devenu répertoire,
Dans les siècles, dans l'homme antique, dans l'histoire,
Dans le passé, leçon qu'épelle l'avenir,
Dans ce qui commença pour ne jamais finir,
Dans les poètes! quoi, dans ce gouffre des bibles,
Dans le divin monceau des Eschyles terribles,
Des Homères, des jobs, debout sur l'horizon,
Dans Molière, Voltaire et Kant, dans la raison,
Tu jettes, misérable, une torche enflammée !
De tout l'esprit humain tu fais de la fumée !
As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? Le livre est là sur la hauteur;
Il luit; parce qu'il brille et qu'il les illumine,
Il détruit l'échafaud, la guerre, la famine
Il parle, plus d'esclave et plus de paria.
Ouvre un livre. Platon, Milton, Beccaria.
Lis ces prophètes, Dante, ou Shakespeare, ou Corneille
L'âme immense qu'ils ont en eux, en toi s'éveille ;
Ébloui, tu te sens le même homme qu'eux tous ;
Tu deviens en lisant grave, pensif et doux ;
Tu sens dans ton esprit tous ces grands hommes croître,
Ils t'enseignent ainsi que l'aube éclaire un cloître
À mesure qu'il plonge en ton coeur plus avant,
Leur chaud rayon t'apaise et te fait plus vivant ;
Ton âme interrogée est prête à leur répondre ;
Tu te reconnais bon, puis meilleur; tu sens fondre,
Comme la neige au feu, ton orgueil, tes fureurs,
Le mal, les préjugés, les rois, les empereurs !
Car la science en l'homme arrive la première.
Puis vient la liberté. Toute cette lumière,
C'est à toi comprends donc, et c'est toi qui l'éteins !
Les buts rêvés par toi sont par le livre atteints.
Le livre en ta pensée entre, il défait en elle
Les liens que l'erreur à la vérité mêle,
Car toute conscience est un noeud gordien.
Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.
Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l'ôte.
Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute !
Le livre est ta richesse à toi ! c'est le savoir,
Le droit, la vérité, la vertu, le devoir,
Le progrès, la raison dissipant tout délire.
Et tu détruis cela, toi !

- Je ne sais pas lire.


Je me souviens que la prof nous l'avait enseigné en nous disant en gros : "Hugo fait un monologue volontairement ampoulé, un peu critique de son personnage instruit, pour que la réplique finale casse non seulement le discours, mais aussi la forme fière, par sa simplicité". J'aimais bien, parce que je le trouve à la fois énervant et beau ce discours, un peu comme ces parodies (les meilleures : le film South Park, par exemple) qui arrivent à la fois à faire rire de leur modèle, et qui en même temps arrivent à t'entraîner mieux dans l'efficacité des codes parodiés (dans leur dimension grandiose, épique) que les originaux moqués.

J'ai été très surpris, ensuite, de voir que la poésie d'Hugo n'était en fait que ça. Bon, je ne suis pas aller découvrir plus en avant, et je vois bien toutes les beautés qu'il y a dedans. Mais comme toujours : j'ai comme un mur.


Du coup je crois que je commence à préférer la poésie en prose, ou du moins la versification très libre, qui se coupe immédiatement d'un certain risque d'emphase, et dont la dimension poétique ne vient plus que des associations étranges de termes, ou du ballet d'images convoquées. Un des rares que j'ai lus c'est Jaccottet, donc, j'avais déjà mis ce petit extrait dans le topic "vos dernières lectures" :

Jaccottet a écrit:
Un homme qui vieillit est un homme plein d'images
raides comme du fer en travers de sa vie,
n'attendez plus qu'il chante avec ces clous dans la gorge.


Ou alors il faut un détour. Par exemple que ça assume clairement sa volonté de virtuosité fière et chantante, comme chez les baroques :

de Viau a écrit:
En si haute entreprise où mon esprit s’engage,
Il faudrait inventer quelque nouveau langage,
Prendre un esprit nouveau, penser et dire mieux
Que n’ont jamais pensé les hommes et les Dieux.


Ou alors qu'il y ait quelque chose d'altéré dans la belle mécanique. Par exemple dans le poème ultra-connu de Verlaine (je connais rien d'autre de lui), Mon rêve familier, où on sent un certain épuisement :

Verlaine a écrit:
je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.


Mais le sonnet simplement aligné, qui veut être "beau" alors qu'il n'a pour seule recherche de vérité que l'envie de tomber dans les bonnes cases de ses rimes, il y a comme une contradiction, ça a du mal à me toucher. Bon en gros c'est la poésie classique qui me gêne (je suppose que c'est l'affaire d'un apprentissage).


Dernière édition par Tom le 10 Avr 2014, 10:36, édité 2 fois.

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MessagePosté: 10 Avr 2014, 10:31 
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Ilouchechka a écrit:
Et puis un petit extrait d'eugène onéguine, de Pouchkine, roman en vers époustouflant, tissé avec une infinie délicatesse auquel la traduction de André Markowicz rend honneur.

C'est rimé, à la base ? (je demande ça, mais peut-être les vers le sont toujours ?)
Question traduction, j'avais essayé les haïkus 'dont j'adore le concept), j'avais pris un petit recueil. Je me sentais un peu, en lisant, j'avais l'impression qu'il me manquait 70% de ce qui faisait les poèmes...


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MessagePosté: 10 Avr 2014, 10:36 
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Citation:
Hugo, par exemple, j'y arrive pas (et pourtant, le romantisme dans tous les autres arts, j'adore). C'est trop, le côté ampoulé saccage le talent qui pourtant existe


Même sur demain dès l'aube ?


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MessagePosté: 10 Avr 2014, 10:42 
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Vais aller voir ça.

EDIT : oui c'est beaucoup mieux... Après y a encore un je-ne-sais quoi qui fait que ça ne me touche pas au cœur (à part ce que ça fait résonner de son histoire personnelle, bien sûr).


Dernière édition par Tom le 10 Avr 2014, 10:44, édité 1 fois.

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MessagePosté: 10 Avr 2014, 10:44 
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Demain, dès l'aube... ( Victor Hugo tiré encore des contemplations)

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Honfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur


Dernière édition par Mr Degryse le 10 Avr 2014, 11:11, édité 1 fois.

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MessagePosté: 10 Avr 2014, 11:09 
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Oui c'est extraordinaire ça. La façon que le poème devient un film extrêmement visuel. L'image de l'homme seul sur la route, le dos courbé, dans ses pensées. La lumière qui décline. Toute l'imagerie qui concourt à sa douleur profonde. C'est immense et pourtant extrêmement simple.

Par contre Tom je ne vois pas du tout ce qu'a d'altéré l'extrait de Verlaine que tu as posté.

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MessagePosté: 10 Avr 2014, 11:13 
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Les "et que... et que..." ou même les "et" à répétition, cette façon un peu pesante et lourde d'avancer dans la lecture, comme fatigué.


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MessagePosté: 10 Avr 2014, 11:14 
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Ok je vois ce que tu veux dire.

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