Poussin et Dieu au Louvre (Paris)
Complément de l'autre expo, celle ci est théoriquement plus calme, se contentant de regrouper les peintures de Poussin autour d'axes généraux liés à son rapport à la religion, sans tenter d'analyser plus en avant. Ce qui ne serait pas trop frustrant si l'expo ne révélait pas au grand jour une évidence : la peinture de Poussin, c'est quand même assez moche.
Je ne sais pas ce qui vient exactement du vieillissement des tableaux, et ce qui vient des parti-pris. Quand la moitié des personnages a un visage vert-gris, donnant l'impression qu'on assiste aux premières peintures de zombies, on se dit qu'il y a forcément une part à imputer aux ravages du temps (rien que les tableaux sur les carte postales, à la sortie, semblaient déjà bien plus aimables ; idem sur les tableaux que je trouve sur internet, aux couleurs moins dégueulasses et plus franches). Mais il y a quand même un truc récurrent dans cette façon qu'ont les tableaux d'émerger et de replonger dans la grisaille terne. Aucun contraste, aucune obscurité, tout est juste engoncé dans le gris, avec quelques personnages élus par un peu de lumière, comme si une éclaircie émergeaient d'une couverture nuageuse orageuse. La touche elle-même est molle... Bref, on le compare dans l'expo à Raphaël, mais ça me semble assez cruel de les mettre en rapport tant l'un semble précis et clair, et l'autre fade et peu saillant.
Cette grisaille, cela dit, a un avantage : Poussin (c'est ça qui le rendait drôle quand on était gamins) fout toujours des détails dans l'arrière-fond, qu'on peine d'abord à distinguer parce qu'ils se mêlent dans la grisaille au décor, à la façon d'un trompe-l'oeil. Ce côté là rend cette espèce de fadeur plus aimable et mystérieuse, ça donne de belles choses quand les tableaux jouent de l'illisibilité qui en découle.
Et c'est pour ça sans doute que les tableaux géants, ceux où il n'y a plus de sujet mais juste des corps perdus dans d'immenses paysages, sont mille fois plus convaincants. Là pour le coup l'approche ambiguë, comme si tout était recouvert d'un voile, comme s'il fallait plisser les yeux face à un paysage pour bien voir ce qui s'y joue, est vraiment gagnante, une émotion naît des tableaux.
Bon, ces trois-là sont déjà mille fois plus contrastés que les tableaux réels, mais il reste que soudain, voir les peintures en vrai, sentir chaque petite touche des détails perdus dans l'horizon, devient vraiment un gros plus. C'est un peu bizarre finalement de se dire que l'expo, qui visait sans doute à faire découvrir l’œuvre de Poussin entière, ne fait qu’entériner le fait que ses plus connus (ses paysages) sont de très loin le meilleur de ce qu'il a fait (c'est dingue le contraste de malade entre cette dernière salle, très belle, et le reste de l'expo gentiment molle).
Deux petits détails marrants sinon :
- La façon dont un peintre qui n'en a jamais rien vu se représente l'Égypte. Ça donne le vertige.
- L'eucharistie exposée, où Jésus à l'air d'un vieux hippie saoul et où tout le monde a l'air bourré (dont un qui roupille carrément).