Lumière, le cinéma inventé au Grand Palais (Paris)
J'ai habituellement une certaine allergie aux expos fétichistes, mais je dois avouer qu'ici ça prend une résonance émotionnelle assez forte. S'asseoir dans une reconstitution du salon indien pour regarder la première séance, voir sur une maquette où se situe exactement la vraie sortie d'usine, lire la correspondance d'un des opérateurs Lumière à sa maman alors qu'il est parti à l'autre bout du monde, découvrir les photographies persos qu'il fait entre deux vues...
L'expo joue beaucoup de l'aura mythologique entourant les premiers films, dans un jeu son et lumière qui lui donne presque des airs disneylandiens (d'ailleurs tant qu'à faire il auraient du y aller bien plus à fond dans ce trip). Mais après, est-ce qu'on découvre vraiment grand chose à moins de ne s'être jamais penché sur le sujet... Côté technique, peut-être : l'alignement des versions successives des l'appareil et l'explication de son fonctionnement, ou la présentation des autres inventions lumières, sont convaincants.
Tout le reste est assez confus... Il y aurait beaucoup à faire, par exemple, sur l'évolution exacte des appareils pré-cinéma (ici mélangés à la nimp). A quoi sert d'aligner les brevets, si on ne parle pas du cinéma qui s'invente en même temps ailleurs, et des conflits que ça pose ? Quel intérêt d'exposer les portraits peints et buste de la famille ? Quitte à jouer à fond le mythe, il aurait plus à faire également sur la famille lumière (et sur le binôme Louis / Auguste)... Et (mais comme d'hab, non ?), la partie sur l'héritage (= ce qu'ont inspiré les frères lumière) est nulle.
Les plus grands malmenés, ce sont les films : jamais étudiés, ni réellement mis en regard, la seule projection (35mm) étant celle de la première séance (c'est cool pour la reconstitution mais pas de chance, ce sont loin d'être les meilleurs). Pour le reste, ils sont éparpillés sur de petits écrans de télévision ingrats (d'ailleurs parfois en qualité bien crade, avec compression, pixelisation et logo moche). Les deux docs projetés en fond de salle sont assez feignasses, et mal pensés : si on fait une salle sur la succession pellicule > numérique, ça aurait peut-être eu du sens de comparer les deux, non ? Ici, il y a une certaine ironie à voir un documentaire montrer des images de films numériques en renseignant la caméra utilisée, quand la projection lui donne la qualité d'un divx des années 90.
J'en ressors donc avec le plaisir d'une belle mise en scène d'expo, mais plutôt circonspect sur tout le reste. Je n'ai pas trouvé de catalogue à la sortie, il n'existe pas ? Ça confirmerait le côté un peu accessoire de l'ensemble... Essayez aussi d'y aller en journée quand y a personne : l'exposition déborde de textes, et chaque mini-attroupement pour lire est pénible.