J'ai profité de la période de confinement pour enfin terminer ma retro Wilder, dont les derniers films ne sont vraiment pas terribles... S'il y a bien une constante, c'est que je trouve Wilder meilleur dans ses comédies de mœurs (hormis les dernières) que dans ses incursions dans le film de genre (à l'exception peut-être de Sunset Boulevard, encore que l'ambigu couple Holden/Swanson autorise de classer le film dans la première catégorie), et j'estime comme sa plus grande réussite ses superbes portraits de femmes, d'Hepburn (Ariane et Sabrina) à Novak (Embrasse-moi, idiot) en passant par Dietrich (La Scandaleuse de Berlin), MacLaine (La Garçonnière et Irma la douce), Rogers (Uniformes et jupons courts) ou Monroe (Sept Ans de réflexion), subversives jusqu'aux limites de ce que l'époque autorisait. Place maintenant à la rétro Lubitsch.
Uniformes et jupons courts (The Major and the Minor) (1942)
Œuvre jouissivement subversive qui offre l'un de ses plus beaux rôles à Ginger Rogers.
4.5/6 Les Cinq secrets du désert (Five Graves to Cairo) (1943)Anecdotique (mais se laisse regarder).
3/6Assurance sur la mort (Double Indemnity) (1944)Relative déception, j'ai trouvé que le film manquait de singularité. Peut-être parce que je l'ai vu après beaucoup d'autres films noirs qui s'en sont largement inspirés. Me reste surtout le personnage de Robinson.
4/6Le Poison (The Lost Weekend) (1945)Film proche du courant psychanalytique en vogue à Hollywood dans les années 40, et qui en partage la même tare, une caractérisation psychologique stéréotypée et simpliste. A noter une scène de délirium tremens qui aura probablement beaucoup inspirée Melville pour
Le Cercle rouge.
4/6La Scandaleuse de Berlin (A Foreign Affair) (1948) Excellente comédie satyrique qui égratigne aussi bien l'impérialisme des soldats ricains que les allemands qui peinent à tourner la page du nazisme, c'est drôle et effrayant à la fois, grand film.
5/6 Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard) (1950)Je craignais la révision d'une œuvre dont je n'avais que peu de souvenirs, à tort, c'est absolument somptueux et transcendé par une Gloria Swanson extatique. Je regrette juste l'excès de références au vieil Hollywood (la partie de bridge avec Keaton et Warner, la projection de
Queen Kelly), trop décoratives.
5/6Le Gouffre aux chimères (Ace in the Hole) (1951)Virulente charge (qui vaut largement le
Network de Lumet) contre l'ambition immodérée d'un certain journalisme et le voyeurisme populaire qui l'encourage. Une fois de plus je trouve Wilder moins percutant lorsqu'il mène ses attaques de front plutôt qu'insidieusement, sous le couvert de la comédie.
4/6Stalag 17 (1953)
Je rejoins l'avis de Tetsuo, ce n'est pas en filmant un monde 100% masculin (même s'il y a bien un baraquement de femmes à portée de longue vue) que le cinéma de Wilder peut vraiment s'épanouir. Quelques séquences néanmoins vraiment drôles, telle celle où Preminger met ses bottes pour uniquement les faire claquer lorsqu'il est au téléphone avec Berlin.
3/6Sabrina (1954)Un trio Hepburn/Holden/Bogart flamboyant et l'une des plus belles mise en scène de Wilder transcendent miraculeusement un scénario qui aurait pu déboucher sur une RomCom sirupeuse limite misogyne.
4.5/6 Sept Ans de réflexion (The Seven Year Itch) (1955)
Bien meilleur que dans mon souvenir, l'un des sommets du Wilder subversif. Monroe est magnifique, toute en subtilité, bien loin de la simple écervelée que Tom Ewell pense de prime abord avoir pour voisine. Mad Men s'en inspirera largement pour cet épisode de la Saison 3 où Pete Campbell profite des vacances de sa femme pour se taper sa voisine suédoise fille au père (et c'est beaucoup moins bien que chez Wilder).
4.5/6L'Odyssée de Charles Lindbergh (The Spirit of St. Louis) (1957)
Dans la catégorie film sur les pionniers de l'aviation du début du XXème siècle, supérieur à
Darling Lili de Blake Edwards ou
La Kermesse des aigles de George Roy Hill. La décharge émotionnelle ressentie lors de l'arrivée au Bourget n'est pas sans rappeler la fin de
La Vie est belle de Capra, à croire que ces scènes là ne peuvent être tournées qu'avec James Stewart.
4/6Ariane (Love in the Afternoon) (1957)Une merveille de précision scénaristique entièrement tendue vers une scène finale à couper le souffle.
5.5/6 Témoin à charge (Witness for the Prosecution) (1957)
Pour une fois que Tyrone Power est juste, le malheureux se fait totalement éclipser par un énorme Laughton. L'avalanche finale de twists confine au ridicule.
4/6Certains l'aiment chaud (Some Like It Hot) (1959)J'ai beau l'avoir vu plusieurs fois il me fait toujours le même effet, au début je prends du plaisir et puis rapidement Curtis et Lemmon m'épuisent, et j'avoue ne pas trouver l'écriture très fine. Quant à Marylin, c'est l'ombre de l'actrice de
7 Ans de réflexion.
3/6La Garçonnière (The Apartment) (1960)La plus sombre de ses comédies romantiques, d'une certaine manière l'approfondissement de l'autre voie qu'aurait pu suivre
Ariane. Lemmon, à la fois coupable et victime de ses largesses, est excellent dans un rôle d'une belle complexité, toujours à l’œuvre pour sauver les apparences (la sienne, mais surtout celle des autres). Shirley MacLaine est quant à elle à croquer.
5/6Un, deux, trois (One, Two, Three) (1961)Objectivement pas mauvais mais le rythme est à un tel point de frénésie qu'il rend le film totalement abrutissant. Cagney n'est par ailleurs pas aidé par un casting de seconde zone, et Wilder ne semble pas avoir beaucoup plus à dire que dans
La Scandaleuse de Berlin.
3/6Irma la Douce (1963)
Probablement pas son plus grand film mais j'aime la reconstitution de la rue Saint Denis et du marché des Halles, l'abattage de Lemmon qui ne m'aura jamais autant fait rire et MacLaine au firmament de sa beauté.
4.5/6Embrasse-moi, idiot (Kiss Me, Stupid) (1964)Jamais Wilder n'aura à ce point opposé les mondes féminins et masculins, jamais non plus son cinéma n'aura été à ce point chargé sexuellement et flirtant avec la vulgarité, son œuvre la plus hilarante et l'un des sommets de sa carrière.
5.5/6La Grande Combine (The Fortune cookie) (1966)
La première heure à l'hôpital est interminable. Marqué par l'échec du film précédent il en prend le contrepied avec un discours moraliste qui ne lui sied guère.
3/6La Vie privée de Sherlock Holmes (The Private Life of Sherlock Holmes) (1970)
Un peu décontenancé par l'humour inoffensif au début du film (Holmes qui fait planer le doute d'une potentielle relation amoureuse avec Watson), mais il se fait à la fois plus ludique (les enquêtes hautement improbables) et mélancolique (avec l'intrusion de Geneviève Page) par la suite. Reste que la version visible est forcément très éloignée du premier montage (qui durait 4h).
4/6Avanti! (1972)
Le début de la fin, beaucoup trop long, humour poussif avec une pointe de racisme en prime.
2/6Spéciale première (The Front Page) (1974)
Première fois que Wilder échoue à faire oublier l'origine théâtrale de son scénario et nouvelle confirmation que depuis
La Grande Combine la morale a définitivement pris le pas sur la subversion.
2/6Fedora (1978)Wilder s'aventure maladroitement sur un terrain qu'il ne maîtrise pas, Holden supporte tant bien que mal l'édifice dans sa première partie mais tout s'écroule avec le balai de flashbacks autours du cercueil. Le remake de
La Grande Dame d'un jour avait acté la mort de Capra, cette variation ridicule sur le thème de
Sunset Boulevard celui de Wilder.
1/6Buddy Buddy (1981)
Adaptation de la pièce de Veber déjà portée à l'écran par Molinaro (
L'Emmerdeur), pas fou mais ça a au moins l'avantage d'être le moins aigri des derniers films de Wilder.
2/6Mon top 5 :
1.
Ariane (5.5/6)
2.
Embrasse-moi, idiot (5.5/6)
3.
Boulevard du crépuscule (5/6)
4.
La Scandaleuse de Berlin (5/6)
5.
La Garçonnière (5/6)