Envoyée dans une base secrète pour se débarrasser de quelqu'un, une tueuse tombe sur d'autres agents vraisemblablement envoyés pour s'éliminer mutuellement. Ces héros désabusés sauront-ils s'unir afin de se venger de celle qui les a piégé? Peut-être est-ce simplement parce que cela parle à mes
kinks mais le MCU n'a jamais paru aussi intéressant que depuis qu'il se fait métatextuel. Là où c'était attendu avec
Deadpool & Wolverine vu la nature du personnage, mais tout de même vaguement superficiel au-delà du baroud d'honneur pour les super-héros de la Fox destinés à être effacés, je n'étais pas préparé à ce que ce
Thunderbolts* en apparence encore moins ambitieux et presque
conceptuellement pathétique dans son rassemblement de personnages secondaires oubliés puisse offrir un commentaire pertinent sur sa propre existence, sur l'état actuel de Marvel Studios et par extension sur le genre tout entier.
Littéralement dès les premières secondes du film, le logo Marvel se voit contaminer par une masse noire qui finit par le recouvrir entièrement. Simple référence à l'illustration du pouvoir de l'antagoniste ou représentation d'une compagnie qui a perdu de sa superbe, même auprès des fans les plus fidèles? La première scène voit Yelena (la sœur de Black Widow pour ceux qui ont arrêté de suivre) contempler le vide puis accomplir une mission de façon mécanique en narrant les codes de la scène de façon blasée et il est difficile de ne pas avoir envie d'interpréter ça comme un reflet de notre propre regard sur ces films qui rejouent sans cesse le même schéma ad nauseam.
La méchante du film est une meuf corpo qui ne cesse d'agiter le spectre des Avengers (elle fait même un gala avec des reliques de la Bataille de New York) et réunit les héros/méchants laissés dans l'assiette des précédents blockbusters et séries pour les foutre dans la corbeille avant d'en supprimer le contenu définitivement, préférant créer un nouveau héros (le R&D de son costume étant même diégétisé). Le climax se joue délibérément dans le même décor (aka LA MÊME RUE) que celui d'
Avengers. Et la fin parachève le tout avec cynisme, dans une sorte d'auto-dérision "beurre x argent du beurre" devenue coutumière dans le capitalisme.
Même sans ce niveau de lecture, c'est aussi l'un des rares Marvel récents à essayer de raconter quelque chose, l'introduction présentant un protagoniste en
burn out ouvrant également un fil thématique pour le moins surprenant sur la dépression et les tendances suicidaires, auquel répond l'arc de l'antagoniste, qui fait figure d'équivalent à super-pouvoirs d'un
mass shooter plutôt que d'un terroriste ou conquérant comme on en voit généralement dans le genre.
Cela étant dit, ce fil narratif serait plus convaincant si le film était moins didactique dans ses dialogues et bénéficiait d'un véritable deuxième acte, virtuellement manquant ici, plutôt que de précipiter l'évolution du
bad guy. Pareillement, le dénouement, bien que clairement pétri de bonnes intentions, aurait gagné à être un peu moins bêta que ce qui s'apparente à "
Inception pour les brutes".
C'est co-écrit par la showrunneuse de
The Bear (qui a également écrit pour
BoJack Horseman)...et par l'un des scénaristes de
Thor Ragnarok et
Black Widow. Le résultat est donc à cette image. Et c'est réalisé par le gars qui avait fait le touchant
Robot & Frank donc c'est plutôt incarné à défaut d'être idiosyncratique (les scènes d'action restent pauvrettes), avec des personnages finalement attachants (Yelena mais surtout Sentry avec l'excellent Lewis Pullman) et amusants (la connardise du Captain America bis, l'enthousiasme de Red Guardian) même si certains sont sous-traités (Ghost, Bucky).
Le film sait ce qu'il est et réfléchit dessus, assume ses enjeux moindres et c'est pas plus mal.