Forum de FilmDeCulte

Profitant d'une nouvelle rétro Sternberg sur TCM (après le muet l'année dernière, les films de Dietrich cette année) pour approfondir sa filmo, la première chose qui saute tout de suite à l’œil c'est son talent visuel jamais épuisé, de la composition du plan (cadre, cadre dans le cadre, profondeur avec jeu sur les drapés) à la maîtrise de la lumière, ça suinte de classe à chaque instant, avec une propension à se sublimer dès que Marlène est seule à l'image. Mais au-delà de l'aspect esthétique hyper maîtrisée, l'autre constante ce sont les rôles que Dietrich endosse tour à tour, où elle finit inlassablement par devoir... vendre son cul. Et toujours à cause d'un homme, pour lequel elle fait le choix de se sacrifier (pour payer le traitement de son mari dans Blonde Venus, en mémoire de son mari défunt dans Agent X27 où elle campe un ersatz de Mata Hari) ou qui, source de ses désillusions, la pousse à devoir se prostituer (Blonde Venus encore quand le mari et l'amant la laisse tomber, Shangai Express après avoir été éconduite par le capitaine qu'elle retrouve 5 ans plus tard dans le train les menant de Pékin à Shangai) ou à réviser ses idéaux (La Princesse rouge, qui bascule de naïve princesse à reine mangeuse d'homme pour mieux servir son ambition). D'une manière ou d'une autre toujours sacrifiée par les hommes, elle ne sombre pourtant jamais et trouve toujours tel un chat un moyen de s'en sortir, dégradant aux yeux de certains ce qui importe peu pour elle, dotée d'une résolution indéfectible pour atteindre le but qu'elle s'est fixée. Il y a une vision féministe indéniable dans tous les films que Sternberg tourne avec Dietrich, qui vont bien au-delà de la star qu'un réalisateur souhaite sublimer en braquant les feux sur elles, femme forte qui ne craint pas de montrer ses faiblesses, qui prend systématiquement sur elle pour rompre la distance avec les hommes de sa vie (choses que les hommes eux, engoncés dans leur fierté sont incapables de faire). Tout se qui touche à Marlene, esthétiquement et thématiquement, et vraiment tout ce qu'il y a de mieux chez Sternberg.

Le problème, c'est que les scénarios sont rarement au niveau. Le pire est peut-être Blonde Venus, avec ses béances incompréhensibles (l'amant Cary Grant qui disparaît subitement sans que l'on sache pourquoi) et son pitch trop improbable, ce qui est vraiment dommage car il s'agit peut-être du plus beau des personnages interprétés par Dietrich chez Sternberg. Celui de Shangai Express souffre de moins d'errances (aidé par la quasi unité de lieu du train, ce qui n'est pas sans rappeler Boule de suif), mais l'arrière plan politique (l'action se situe alors qu'une partie de la Chine est aux mains d'un mouvement révolutionnaire) est traité de manière trop exotique et caricatural, la dimension sinophile du film faisant vraiment trop "Lotus bleu" (d'un autre côté l'époque voulait probablement cela, je n'ai pas souvenir d'un film occidental des année 30 qui traite de la Chine autrement que de cette manière). C'est une nouvelle fois extrêmement dommage parce que ça donne un côté factice qui ruine en partie les qualités du film (et ce qui n'est pas sans rappeler le cas de Crépuscule de gloire et son traitement de la révolution russe).