Forum de FilmDeCulte

Intéressant d'enchaîner sur des films noirs français de la même époque - la même année en fait. Maurice Biraud y porte la même canadienne que dans Le Monte-Charge mais joue cette fois un rôle de vétérinaire dépressif à l'antipode du commercial jovial du film de Bluwal. filmsnonutc est d'une dureté excessive dans sa critique expéditive : oui, la voix-off est trop bavarde, trop pontifiante, le film trop littéraire mais il a aussi, dans sa mise en scène, une capacité à faire ressortir les décors du Doubs, les intérieurs et les trognes à l'arrière-plan, les yeux de chouette luisants de Bernard Blier comme ceux d'un chihuahua, avec un relief singulier.
Ce n'est pas la perfection formelle du Monte-Charge qui a cette qualité, propre à certaines réussites mineures comme à certains chefs d'oeuvre de Lang, de donner l'impression d'avoir été pensé dans ses moindres détails, en prenant parti d'un certain minimalisme. Le film fonctionne un peu comme un pendant du Faux Coupable. D'enquête, il n'y aura pas vraiment car nous savons d'emblée qui est le coupable, sauf que cette culpabilité est niée. Alors on se dit que ce film, typique encore de ce qu'on appelait la qualité française, en dit aussi long sur l'époque que les oeuvres emblématiques de la Nouvelle Vague et ne résume pas à se complaire dans un désespoir existentiel presque de convention. Lautner n'a que six ans de plus que Godard mais à la différence de ce dernier, il épouse le point de vue des vieux, des notables de province, des chauves et de la frustration bourgeoise avec des accents qui ne sont pas loin de ceux de Chabrol, et pressent de manière fine le conflit générationnel de l'époque en montrant la façon dont il est contenu même à l'arrière-garde. Dans ces films, les jeunes gens ont fait l'Indochine ou l'Algérie, ce qui ne donne pas lieu à plus d'une réplique, tandis que les anciens se sont distingués - c'est évoqué - ou non - ce n'est pas évoqué mais latent - à la guerre, celle d'avant.
Il y a une chute qui est passée inaperçue de mon côté puisque je l'ai comprise de manière métaphorique. De manière littérale, je ne sais pas si elle sert le film au-delà d'un facile effet de surprise.

Beaucoup aimé et bien mieux que le Eastwood sur un sujet proche. Le film ne se contente pas d'être un film de procès mais aussi un étude de mœurs et une forte critique d'une bourgeoisie qu'on aurait plus attendue d'un Chabrol. Le long métrage doit énormément à un Blier impérial. Le noir et blanc est très beau et il y a aussi une recherche formelle dans les plans appréciable.
La voix off très présente m'a un peu dérangé mais permet d'étudier la psyché du personnage principal.

Le meilleur Lautner vu jusqu'ici.

regardé aussi !

vraiment bien bien aimé aussi.

donc de base c'est venu à mes yeux à cause du juré n°2, et c'est effectivement 10 kilomètres au dessus. c'est à la fois vaguement crédible et fun, ça explore plein de thèmes, c'est plus humain et plus profond, sans rien sacrifier de l'effiacité. ça n'a pas d'ambition dingue, ça reste un polar judiciaire et fier de l'être, mais avec une vraie ambition de faire les choses bien, de retirer ce qui peut être retiré de l'histoire. vraiment, ils auraient juste dû racheter les droits et être beaucoup plus fidèles.

après, c'était aussi intéressant parce que, même si on est sur un film français de 1962 fondamentalement assez classique, ça ne manque pas de personnalité ni de souffle. déjà, c'est intéressant à quel point ça aurait pu être du chabrol, tu vois le film que ça aurait été et dur de ne pas imaginer qu'il aurait été intéressé par une adaptation si ça n'avait pas été fait. le mal dans une figure quotidienne, la bourgeoisie qui se cotoie et se protège plus ou moins consciemment, cette intrigue de petit polar d'exploitation dont on fait ressortir des vérités humaines... tout y est.
le film est aussi marquant pour sa structure en 3 actes distincts. je me suis demandé si la première partie n'avait pas inspiré carne de gaspard noé ? c'est en tout cas saisissant et très efficace - j'ai aussi pensé à ce que racontait z dans l'interview fdc pour vaurien, sur les reproches faits parce qu'il suivait un criminel... je n'ai pu m'empêcher d'imaginer un truc pareil aujoud'hui, l'audace et le malaise et ce que tu en fais. vient ensuite le film de procès, vraiment très efficace et au petit twist surprenant. et la troisième partie, je n'avais aucune idée de comment ils allaient s'en sortir et j'étais très convaincu.
et la réalisation, qui là aussi est un mélange de très classique et d'audace sauf que c'est un plan sur deux. ou trois. mais enfin, c'est globalement plat voire un peu dégueu, et il y a des fulgurances, des plans splendides dans ce qu'il filme ou des angles aventureux.

très chouette, globalement.