un riche industriel, queutard maladif, ramène une jeune fille à la maison lorsqu'il croit sa femme partie en week end. sauf qu'elle débarque à 1 heure du mat. notre ami décide alors d'affirmer que la jeune demoiselle est... sa fille. j'avais vu avec plaisir la pièce au marigny (qui vient de passer sur france 2), avec notamment une iconique et extraordinaire dominique frot. c'était chouette et amusant, malgré l'ambiance bizarre d'un boulevard dans une salle à moitié vide. avant ça, ça avait été un gros succès avec arditi au début des années 2000, et la création de et avec jean poiret en 1980 avait été un triomphe aussi.
l'adaptation ciné s'est faite dans la foulée, avec belmondo alors au sommet de sa gloire, qui enchaine les films multi millionnaires imaginés sur mesure, avec son nom plus gros que le titre sur l'affiche (ce que j'ai posté c'est une proposition d'affiche rejetée, mais ça illustre bien l'absurdité de ce projet qui est censé à priori être un huis clos de boulevard).
le film est du coup la rencontre entre ces deux éléments. d'un côté, une pièce ultra efficace, au pitch de boulevard absolument définitif, bourrée de dialogues magiques - et d'un autre, une grosse belmonderie, soucieuse de donner à son public les éléments qu'il est - à priori - venu voir, même si ça n'a rien à voir avec le bifteak, et tout entier bouffée par la personnalité et l'égo de sa star incapable de laisser vivre quoi que ce soit dans le film à part lui.
ça commence par l'hallucinant premier quart d'heure - sandrine rousseau détesterait ce film. là où la personnage de la pièce est un pauvre mec qui pour la première fois qu'il se "laisse tenter" se retrouve dans la mouise, ici le personnage de belmondo est un gigantesque queutard, qui baise tout ce qui bouge. des filles à poil en veux tu, des filles à poil eux voilà. des filles à poil en reveux tu, des filles à poil en revoilà. même marie laforêt n'a pas le droit à un traitement de faveur et se met nue sans aucune sorte de raison. jean-paul baise en voiture, dans sa décapotable de kéké qu'il annonce fièrement conduire à 200km/h en ville, en bateau, il baise sa voisine, il baise une fille qui passait pas là. il monte sur un hélicoptère on sait pas pourquoi, il fait une cascade à bateau on sait pas pourquoi non plus, il a une montre hors de prix, tout est un déluge de pognon. jean paul en fait des tonnes et des tonnes, et si son importance patrimoniale inspire forcément le respect et le bonhomme inspire de la sympathie, c'est dur de ne pas avoir le mot "histrion" qui vient en tête, la mec cabotine au dela de toute conception humaine - et si par malheur on n'est pas client, ça peut être assez pénible.
et tout ça n'a aucun rapport avec l'histoire, ça modifie fondamentalement le rapport qu'on a avec le personnage, mais ils s'en foutent.
arrive ensuite la période d'adaptation pure. marie laforêt - quand jean paul accepte qu'on fasse un plan de coupe de quelques secondes sur elle - est parfaite. sophie marceau est nulle comme d'hab mais c'est pas grave. jean-paul est efficace même si vraiment il en fait des tonnes et qu'il perd totalement la notion de "pauvre gars qui s'en sort pas" : c'est ici un menteur pathologique et professionnel, ce qui casse une bonne partie des ressorts comiques. mais la situation est tellement forte, le génie de certains dialogues tellement évident que ça emporte tout. rosy varte, qui intervient dans la dernière partie, est aussi extraordinaire - je ne savais absolument pas qu'elle avait fait autre chose que
maguy dans sa vie, et elle est vraiment super. à noter aussi l'extraordinaire maison de fin, à couper le souffle. (j'ai regardé sur le site gouvernemental qui recense les transactions immobilières, pas trouvé l'adresse exacte mais ses voisines coutent entre 5 et 20 millions d'euros).
sauf que naturellement, la problématique mortelle de l'adaptation théatrale vient encore tout pourrir. un premier quart d'heure d'exposition qui prend l'air, ok - même s'il est ici absurde. mais ensuite, les gens sont toujours piégés : soient ils respectent la nature théâtrale des choses et se font instantanément qualifier de "théâtre filmé", soit ils tentent de sortir etc et ça ne donne jamais rien. ici, on est dans la deuxième catégorie, et non seulement ça casse totalement le rythme (elle offre une vieille robe de son placard dans la pièce, ici ils sortent 5 minutes faire du shopping...) mais on se retrouve avec des belmonderies qui n'ont rien à voir et cassent tout : 2 poursuites en voiture (?!), une bagarre générale dans un palais des congrès (?!), un séjour à l'hopital dont il sort totalement gaga et en fait des caiiiiiiiiiiisses... vraiment n'importe quoi.
tous ces "ajouts", plus la grosse heure coupée de la pièce qui dure 2h30 - ça ressemble du coup pas mal à une version courte avec des segments...
au final, le film a fait 3,5 millions - c'était beaucoup mais ça s'est fait dépasser par
marche à l'ombre, ce qui symbolisait la fin d'une période et le début d'une autre. ça a aussi été un grand classique de la télévision pendant des années - mais c'est aujourd'hui franchement un peu ring' - la france ultra friquée des années 80 qui râle contre les socialistes, le "pédé !!!" tonitruant hurlé en insulte, cette masculinité hors d'âge triomphante...