Ce Que Le Rapporteur Spécial De L'ONU Contre Le Racisme Et La Xénophobie Préfère, Dans La (Doulce) France De Nicolas Sarkozy, C'est La "Banalisation Du Racisme" Et La "Lecture Ethnique Et Raciale Des Questions Politiques, Economiques Et Sociales"
1.
Il y a ce soir dans "Le Monde", à la page 13, un article et un entrefilet qui parlent des mêmes choses, mais sur des longueurs très différentes.
2.
Prenons, d'abord, l'article, assez long.
Ce papier nous annonce que: "La restriction du regroupement familial sera débattue dès l'été".
Ce papier nous annonce que: "L'immigration sera l'un des tous premiers sujets débattus cet été par la nouvelle Assemblée".
En effet: "Un nouveau projet de loi sur l'immigration et l'asile a été finalisé la semaine dernière par le gouvernement et doit être soumis au Conseil d'Etat mardi 12 juin".
Utile précision: "Il s'agit du quatrième texte en quatre ans sur l'immigration, après la loi Villepin sur l'asile de 2003 et les deux lois Sarkozy de 2003 et 2006 sur la maîtrise des flux migratoires".
Quatre lois en quatre ans, ça fait quand même beaucoup - mais quand on aime, on ne compte pas.
Or: Nicolas Sarkozy adore, non l'immigration (généralement présentée comme un déferlement de guenilleux gueux foncés de peau), mais (justement) sa brutale stigmatisation.
Le chef de l'Etat aime flatter les phobies de son électorat, en lui fourguant long comme le bras de l'Africain menaçant, prêt à nous fondre sur par centaines de milliards.
(D'où, vous l'aurez compris, la nécessité de le maîtriser.)
Nicolas Sarkozy a comme ça des (com)pulsions pénistes.
Nicolas Sarkozy est accro à la démagogie brutale: s'il n'a pas sa dose annuelle de lois sécuritaires, il souffre de graves crises de manque.
Son nouveau projet "a pour objet principal de durcir encore les conditions du regroupement familial".
Ce texte "oblige" notamment "le membre de la famille qui demande à rejoindre la France" à bénéficier "dans son pays de résidence d'une évaluation de son degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République".
(Le prochain projet de loi de Nicolas Sarkozy sur l'immigration, programmé (on le devine) pour juin 2008, prévoit notamment que le-membre-de-la-famille-qui-demande-à-rejoindre-la-France devra, d'abord, et impérativement, parcourir la 長城 dans les deux sens*, et sans s'aider de ses pieds.)
Ce texte prévoit "un contrat d'accueil et d'intégration pour la famille" - non pour la seule beauté symbolique d'une telle mesure, mais parce qu'"en cas de non respect manifeste du contrat, le préfet aurait la possibilité de saisir le juge des enfants qui pourrait prendre "une mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial" et décider de suspendre le vrsement direct des allocations familiales aux parents, en les confiant à des tiers".
(On ne sait rien en revanche des possibilités réservées au membre-de-la-famille-qui-demande-à-rejoindre-la-France, pour le cas où il constaterait de son côté un non respect manifeste du contrat par la République française - sous la forme par exemple, je dis ça je dis rien, mais ce sont dit-on des choses qui arrivent, d'un éventuel manque de retenue de tel ou tel de ses fonctionnaires...)
C'est ce que Brice Hortefeux, dont l'IMMENSE dignité sera encore chantée dans cinq cents millénaires**, appelle très sérieusement les principes de "fermeté et d'humanité" adoptés par le gouvernement en matière d'immigration.
(Car "l'un ne va pas sans l'autre", estime-t-il: du point de vue de l'UMP, l'humanité sans fermeté serait comme Black sans Decker, et ça explique, évidemment, beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses...)
Ne pas se laisser prendre à ce que prétend "Le Monde": cet obscène projet de loi ne sera pas (du tout) débattu, pour la simple et bonne raison que la "vague bleue" dont nos journaleux nous rebattent depuis deux jours les oreilles met le nouveau régime à l'abri de toute espèce de contestation - et lui garantit que ses lois seront adoptées à une écrasante majorité (UMP)...
Si débat il y a, il sera seulement destiné à sauver les apparences, et à la fin la nouvelle loi sera tranquillement acclamée par quelque chose comme 450 députés sarkozystes, sous le morne regard d'une centaine de "socialistes".
(Le P"S", de toute façon, partage peu ou prou l'idée qu'il faut, ma chèèèèère, maîtriser l'immigrââââtion, câr tout de mêêêêême, la Frââânce, ma chèèèèère, ne peut pas accueillir toute la gueusaille du monde, comme disait le chêêêr Michêêêl...)
"Le Monde", pour être vraiment crédible, aurait dû titrer: ""La restriction du regroupement familial nous sera imposée dès l'été par une Assemblée tombée entre les mains de l'UMP".
Mais "Le Monde" a manifestement fait le choix, ici, de ne pas heurter l'extrême sensibilité du nouveau régime - et cela se retrouve jusque dans la façon dont le quotidien vespéral payant des marchés hiérarchise l'information.
3.
Prenons en effet, à présent, le minuscule entrefilet du bas de la page 13.
On arrive à lire, en plissant les yeux (j'en rajoute à peine), que: "Un expert des Nations unies sur le racisme a critiqué, lundi 11 juin, devant le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, à Genève, la création en France d'un ministère de l'immigration et de l'identité nationale, en y voyant une expression de la "banalisation du racisme"".
On arrive à lire, en plissant les yeux car c'est vraiment écrit TOUT PETIT, que Doudou Diène, c'est son nom, est "rapporteur spécial de l'ONU contre le racisme et la xénophobie", et qu'il "a également critiqué "la lecture ethnique et raciale des questions poitiques, économiques et sociales et le traitement idéologique et politique de l'immigration comme un enjeu sécuritaire et comme une menace à l'identité nationale"".
Vous, je ne sais pas, mais moi, je trouve quand même ça intéressant, que le rapporteur spécial de l'ONU contre le racisme et la xénophobie tance de la sorte la France de Nicolas Sarkozy, en des termes que l'on croyait réservés à des régimes réputés moins tolérants.
Et je trouve révélateur que "Le Monde" ait choisi de minorer l'effet de ses déclarations en les cachant dans un bas de page, et d'accorder ses gros caractères à un vrai-faux "débat" dont nous savons d'avance la (triste) conclusion.
Je vais vous dire ce que je pense.
Je pense que si un jour Doudou Diène se paie, disons, Hugo Chavez, plutôt que Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux, "Le Monde" lui trouvera un peu (plus) de place.
* La 長城 est la Grande Muraille De Chine, comme vous l'aviez deviné.
** Je rappelle que Brice Hortefeux, ministre de l'Immigration et l'Identité nationale, est allé "rendre hommage" la semaine dernière à une petite vingtaine d'immigrés clandestins, au grand désespoir des (nombreux) supporters du Pen qui ont cette fois-ci voté pour Sarkozy - mais qu'il s'agissait (bien évidemment) de clandestins morts, pêchés au large de Malte par la frégate anti-sous-marine "La Motte-Picquet": de sorte que les nouveaux électeurs de Sarko ont finalement beaucoup ri, car ils se font de l'obscénité la même idée que l'UMP.