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MessagePosté: 30 Aoû 2010, 07:55 
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Un village chinois d'ethnie et de langue coréenne près de la rivière Tumen, frontière naturelle entre la Chine et la Corée du Nord. Comme dans la plupart des zones rurales chinoises, seuls les personnes âgées et les enfants sont restés, les adultes travaillant dans les grandes villes.

Chang-ho, un garçon de douze ans, se lie d'amitié avec un réfugié nord-coréen, Jeong-jin.
Le flot incessant d'émigrés a bientôt raison de la patience des villageois. L'amitié de Chang-ho est alors mise à rude épreuve.


C'est sur ce genre de films que tu constates l'échec, la désuétude, l'agonie de la critique. Une poignée de revues en cause, aucune n'en cause réellement. Je passe sur les trucs aberrants, du genre la pauvre Guillemette de Télérama qui comme d'hab raconte des couilles ("film naturaliste"??? waw)... Ce qui me frappe surtout, c'est que tous écrivent sur le film comme s'il s'agissait d'un film dont il n'y a rien à dire. C'est on ne peut plus fréquent dès lors qu'on sort un peu des plates-bandes franco-américaines, à plus forte raison quand on se retrouve avec du world cinema comme on dit de la world music (je dis ça clairement parce que, de la world music, on en parle aussi souvent comme ça, comme s'il n'y avait rien à dire de plus que : c'est exotique).

Et sur le Zhang Lu, il y a beaucoup à dire. C'est même un film dont je ne sais si je serai jamais en mesure de trancher clairement, de savoir s'il est fréquentable.

(attention, des spoilers traînent)

Pourtant, au bout d'une petite demi-heure, j'étais en larmes. Lors de la séquence de la veillée funèbre, lorsqu'on aboutit sur ce plan pourtant tellement attendu de la lune, plan tellement classique, sur cette belle lune pleine, je pleurais. Résultat d'une demi-heure de simple perfection de mise en scène, de décrochage de mâchoire permanent. Je ne connaissais pas ce Zhang Lu (qui apparemment a déjà sorti un film en France précedemment, déjà une histoire de frontière...), mais j'ai eu l'impression de voir naître un très grand cinéaste moderne. Chaque plan est époustouflant, dans son cadre d'abord, toujours parfait, extrêmement savant, presque terrassant de maîtrise, en surcadrages multiples, intelligence de la profondeur de champ, imprévisibilité totale des entrées de champ (qui se font de toute part, épatent toujours, produisent chaque fois l'effet scopique qui embrase le pan) ; dans son découpage ensuite : découpage dans le plan d'abord, énormément de séquences étant bâties en deux, voire trois temps (comme dans l'incroyable séquence de commissariat de Rétribution de Kurosawa, pour ceux qui s'en souviennent), réunis par des panos aussi millimétrés et brillantissimes que le sont les zooms de HSS, toujours interrogeant ce que le cinéma provoque sur le monde, donc la conséquence dans le plan d'une entrée de champ et/ou d'un mouvement d'appareil, ou même d'une variation de lumière // découpage au sens de montage, ensuite, signé du français François Quiquere, qui là encore se révèle d'une précision, d'une perfection ahurissante, chaque point de montage relevant à la fois de l'étrangeté et de l'évidence, qu'il s'agisse de champs/contrechamps ultra-inventifs (le plus beau étant ce champ/contre-champ où un père et une fille se tournent le dos, séparés par une étroite cloison, où les personnages n'apparaissent même plus en amorce, mais se devinent par la fumée d'une cigarette, par exemple), de raccords dans le mouvement décentrant le regard vers une autre action à l'arrière-plan, de raccords jouant sur la persistance rétinienne d'un plan lumineux versus un plan très sombre... Et puis le découpage spatial est tout aussi impressionnant, la maison du père et de la fille, dans laquelle on revient souvent, n'est jamais explorée sous le même angle, et toujours, pourtant, on y circulerait les yeux fermés...

Seulement voilà, passée cette première demi-heure, certes la mise en scène conserve sa puissance terrassante (terrassante en effet, presque trop puissante), mais voilà, un événement survient,
un viol
qui est traité de la pire des manières. Narrativement, déjà, il y a un réel problème : les choses se passent de manière grotesque, outrée, bête. Elles sont inutiles, injustifiées, brisent l'effet d'étrangeté très bienvenu des disparitions inexpliquées de bouffe etc (c'est un film hanté, et ce dès son premier plan avec un enfant mort qui ressuscite), et soudain donnent raison à la xénophobie naissante des habitants envers les nord-coréens en transit. C'est cinq-dix minutes dans le film, mais ce sont les cinq-dix minutes, à mon avis, racistes du film. Elles ne collent pas avec le reste, ni esthétiquement ni narrativement, on pourrait les couper (avec les séquences à l'hôpital) et l'histoire n'en serait pas entachée...

Et qui plus est, elles occasionnent les choix de mise en scène les plus nuls, les plus grossiers du film. Un hors-champ vulgaire, paradoxalement voyeuriste (d'ailleurs c'est un événement vu par un voyeur). Suivi d'une séquence symbolique refermant l'événement, la séquence la corde à sauter, sanctionnée par un travelling avant lourd de sens et bêtasson.

Vraiment la séquence dégoûtante, plantée au coeur du film, et dont on pourrait décider qu'elle l'assassine. Sauf que voilà, l'avant cette séquence est sublime et l'après cette séquence le redevient... Alors quoi? Certes, il y a une ou deux autres maladresses (l'histoire du maire est sans intérêt, et il était plus intéressant de ne conserver une existence au maire que quasi-fantastique, par sa voix - le cadeau phallique, j'ignore si c'est volontaire...), mais rien d'aussi violent que cette séquence centrale débile et xénophobe.

Voilà de quoi la critique devrait discuter devant ce film, et partant de la valeur politique d'un tel film, et peut-être même de sa coproduction avec la France, ce que la France, via le CNC et Arte, mais aussi via une partie de l'équipe technique (comment un monteur français se retrouve là-dessus?), vient faire là-dedans? Que signifient les représentations souvent fort symboliques, archétypiques, des coréens et des chinois?

Mais bon, la critique française n'existe plus....

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