Art Core a écrit:
Vu le premier épisode hier soir et pfiouuu je me suis emmerdé comme rarement, je crois que j'ai vraiment du mal avec Fassbinder. Pour couronner le tout, pas fan de l'acteur fade comme tout qui joue Bikerbopf.
Je vais continuer parce que j'adore le roman de Döblin et je suis curieux de voir l'adaptation "longue" qu'en a fait Fassbinder mais pas sûr de m'enquiller les 16 heures (présenté d'ailleurs d'emblée comme un film en 16 chapitres et non comme une série).
Tu as finalement poursuivi ou tu as laissé tombé? Je n'ai pas lu le roman de Döblin donc je ne saurais juger de la fidélité de l'adaptation de Fassbinder (et puis comme le dit Welles toute adaptation est un viol de l’œuvre originale, le fait d'y être plus ou moins fidèle n'est donc pas un critère critique pertinent), mais au vu de ce qu'il en a fait, Günter Lumprecht est vraiment très bien dans la peau de cet être veule qui se laisse balloter et manipuler par la population interlope qui peuple Alexanderplatz. Il fallait un acteur qui soit capable d'endosser les oripeaux de ce personnage falot, dont l'insignifiance est contrebalancée par celles des femmes qui vont croiser sa route (Schygulla, Sukowa, Mira et même Irm Hermann et Margit Carstensen qui font des apparitions éclairs, toutes excellentes) et celle de son alter-ego diabolique (Gottfried John, mec au physique et à la présence tellement particulière) avec lequel il entretien un rapport pour le moins trouble.
Par contre je peux très bien comprendre que l'on n'accroche pas du tout à ce cinéma, qui est bizarrement à la fois très théâtral (l'ambiance est proche de celle des
Larmes amères de Petra von Kant, l'action se passant principalement dans 2/3 lieux clos, la chambre de Biberkopf, le bar et le bureau de Pums) et très cinématographique. La caméra n'est que rarement statique et la somptuosité des mouvements de caméra de certaines scènes est à tomber (si tu as poussé jusqu'au 2ème épisode tu auras remarqué cette scène inouïe où Biberkpof, affublé de son brassard nazi, est entouré d'anciens camarades communistes dans les couloirs de la station Alexanderplatz, la caméra enveloppant ce petit groupe de ses circonvolutions, le placement millimétré de chacun des protagonistes bénéficiant de la maîtrise scénique de Fassbinder). Le jeu des acteurs est également assez emphatique, ça braille souvent, ça peut rebuter. Il n'empêche qu'une fois accepté certains parti pris, on ne peut que reconnaître l'importance de l’œuvre finale, vrai somme du cinéma de Fassbinder et de toutes les thématiques qui l'ont traversées, et qui se termine sur un épilogue monstrueux, entre délire sadique et mise à jour de l'homosexualité sous-jacente des 13 épisodes qui le précède. Franchement, cette série mérite vraiment de se faire violence et passer outre les réticences initiales.
Par contre gros bémol sur la version qu'Arte à mis en ligne. J'ai pu lire par ailleurs que la série avait bénéficié d'une restauration récente. Je ne sais pas quelle version Arte est allez chercher, mais le 720p mis en ligne ne met guère en valeur la richesse visuelle voulu par Fassbinder. Je subodore que le travail sur la lumière y est particulièrement soigné, il y a en particulier tout un travail sur le scintillement qui doit être de toute beauté dans la version restaurée, que j'ai malheureusement difficilement pu apprécier. L'image est baveuse, avec parfois des effets de dédoublements, un vrai travail de cochon. Je ne dis pas que je vais ma la refaire dans les 6 mois, mais je me réjouis d'avance de la revoir plus tard dans une bien meilleure qualité, qui lui rendra sa superbe.