Le documentaire examine l'émission To Catch a Predator de NBC, une émission de télévision populaire conçue pour traquer les prédateurs d'enfants et les attirer sur un plateau de tournage, où ils seraient interrogés et finalement arrêtés.Deux années de suite, en 2006 et en 2007, j'avais passé un séjour aux States et j'avais découvert cette improbable émission,
To Catch A Predator, où une équipe de télévision piégeait des pédophiles potentiels en discutant avec eux en ligne en se faisant passer pour un.e ado qui les invitait à venir à leur domicile où les attendait un acteur ou une actrice (majeur.e mais faisant jeune) qui allait vite céder la place à l'animateur-journaliste le confrontant. Comme le définit bien le documentaire, c'était un peu une version pervertie de
Surprise sur prise et très clairement, je regardais ça parce que c'était
drôle. Que ce soit les tournures un peu moqueuses de Chris Hansen, avec ses conversations internet imprimées en main, ou tout simplement le fait de voir un prédateur pris à son propre jeu, il y a avait quelque chose de viscéralement kiffant à regarder ça.
Faut dire que on était en pleine Peak Reality TV et le
schadenfreude était devenu une activité quotidienne.
Vingt ans après, ce documentaire revient donc sur le phénomène qu'a été l'émission pour remettre en question son fonctionnement et offre un portrait complexe de la situation où les membres de l'équipe initiale et les youtubeurs qui ont suivi dans leurs pas pensent réellement œuvrer pour une cause noble mais se déclinent clairement en différents degrés d'implication. Il y a ceux qui regrettent et ceux qui assument, les professionnels investis et les amateurs plus proche de vigilantes, des représentants de la justice qui voient le souci et d'autres qui se fichent de la réhabilitation, les anciennes victimes auxquelles le trauma a forcément donné un angle mort et le réalisateur lui-même qui explore son propre rapport compliqué vis-à-vis du programme dans un dernier tiers introspectif qui enrichit l'expérience encore davantage.
Sans aller jusqu'à pardonner qui que ce soit et au-delà de tout l'aspect
Minority Report (les personnes piégées n'ont techniquement pas commis de crime, si je ne m'abuse), Osit étudie la façon dont cette télévision, un exemple parmi tant d'autres au milieu d'une époque où la culture était enclin à l'humiliation pour le divertissement, refusait toute humanité ou empathie pour ces personnes qui étaient souvent conscientes de leur problème et désireuses de trouver de l'aide. Il se trouve qu'il s'agit de pédocriminalité - et c'est d'autant plus audacieux de choisir l'un des crimes les plus impardonnables comme vecteur de cette démonstration (les extraits de conversations ne sont d'ailleurs plus drôles du tout) - mais on pourrait étendre le propos à tous les domaines où aujourd'hui le jugement et la punition ont pris le pas sur les véritables solutions à apporter.
C'était passé à Sundance, sorti en salles aux States et c'est sur Paramount+ depuis début décembre.