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 Sujet du message: Memory (Michel Franco, 2024)
MessagePosté: 07 Juin 2024, 16:41 
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Encore une belle réussite pour Michel Franco. Un drame sombre et pourtant d'une grande douceur qui déploie son arène avec beaucoup de finesse et de sensibilité. Ce que j'aime beaucoup chez Franco c'est cette manière de toujours raconter en soustraction. On est toujours actif devant ses films parce que ce que l'on n'est jamais sûr de ce que l'on voit, de ce que ça dissimule ou révèle des personnages. Comme l'explique très bien François Bégaudeau dans son podcast sur le film, le film c'est dans l'anfractuosité créee par la collision de ces drames cumulés que se jouent la complexité et les mystères des personnages. Et j'aime comment la mise en scène vient appuyer ce propos en étant, à l'inverse totale, d'une limpidité parfaite, d'un minimalisme totale toute en plans fixes nous laissant explorer le visage des personnages pour essayer d'en révéler leurs secrets (qu'il est sublime d'ailleurs le profil de Jessica Chastain).

On pourrait résumer le film en disant que c'est un film où un personnage ne se souvient plus et où un autre personnage se souvient trop et ne parvient pas à oublier. Grand film sur la mémoire qui débute par ses mots "I remember" et qui interroge le présent à l'orée du passé. Un personnage est absolument obligé d'exister dans le présent, n'as pas d'autre choix et en face son opposé, un personnage qui a littéralement construit sa vie sur les ruines d'un passé traumatique. Et cette cette rencontre là qui est sublime. Ce moment où ils parviennent à exister ensemble dans cet espace temporel commun. Et le tout avec une délicatesse vraiment magnifique.

J'ai aussi beaucoup d'admiration pour la complexité de ce que raconte le film notamment à travers ses personnages secondaires, tous admirables. Le personnage de la soeur par exemple qui porte en elle toute la douleur d'une jeunesse gâchée par les excès de sa soeur et par un secret qu'elle porte en elle et dont elle ne peut se libérer. Tout ça sans rien ne dire, juste dans les gestes, dans son inquiétude constante dans son visage. Pareil pour cette manière de parler de classe, de différence de richesse comme une différence de mentalité. Cette façon qu'a le beau-frère de dire "we don't talk about this in this house" comme si des sujets étaient proscrits dans un certain cercle social. Et la mère bien sûr (jouée par la revenante Jessica Harper) toute en hypocrisie et en déni (elle rappelle en cela de manière surprenant la belle-mère de Christine Angot dans son dernier film).

Tout cela crée un film à la fois d'une simplicité désarmante au rythme nonchalant mais en même temps d'une folle densité tant il se passe des choses dans les silences, dans les plans, dans les visages. Quelques moments vraiment sublimes (Saul qui ne sait plus quelle est la porte de la chambre) et une fin d'une douceur et d'une simplicité bouleversante. Ca faisait longtemps que je n'avais pas aussi entendu une chanson si bien utilisé dans un film, en l'occurence le très célèbre A whiter shaed of pale de Procol Arum dont le romantisme sied parfaitement au film. Peter Skarsgaard et Jessica Chastain sont fabuleux et le film est vraiment très beau.

5/6

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MessagePosté: 07 Juin 2024, 16:45 
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J'étais intéressé. Ton avis me rassure après la mise à mort entendue au masque et la plume.


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MessagePosté: 07 Juin 2024, 17:41 
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La carrière de Chastain quand même... ça faisait combien d'années qu'elle n'avait pas tourné un vrai film?


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MessagePosté: 07 Juin 2024, 18:24 
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MessagePosté: 07 Juin 2024, 18:37 
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C'est Tendre est la nuit de Fitzgerald, Gastambide a sucé toute sa force vitale en sortant avec elle.


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MessagePosté: 07 Juin 2024, 20:52 
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Oui incompréhensible trou d'air dans sa carrière alors que c'est vraiment une grande actrice.

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MessagePosté: 08 Juin 2024, 13:30 
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Le deuxième Franco que je vois mais j'ai déjà l'impression de connaître la formule par cœur. C'est marrant Art Core que tu parles d'un cinéma de la soustraction parce que je pense l'inverse (mais on parle probablement de la même chose). Le cinéma de Franco c'est un cinéma de l'accumulation, au début les personnages principaux sont souvent mutiques, on ressent une certaine douleur d'un trauma dont on ne connait rien, et puis pierre après pierre on va reconstruire le parcours traumatique pour trouver sa source originelle. C'est exactement le schéma de ceux que j'ai vu, et pour ce que j'en ai vu/lu ça semble parfaitement correspondre à tout le reste de sa filmographie. Ce qui est un peu problématique, l'impression que Franco a trouvé son filon avec une formule bien huilée qu'il répète à l'envie de film en film. Et dont la clef de voute est nécessairement le scénario et non la mise en scène. La dernière Gêne franchement j'ai laissé tombé à mi-parcours, l'impression que Bégaudeau renie tout ce qu'il peut dire par ailleurs, il s'ébaubit de la scène de grand déballage familiale que je trouve au mieux totalement commune, au bout de 45 minutes il a été incapable de me convaincre en quoi le cinéma de Franco en ferait l'un des plus grands metteurs en scène actuel, je doute fort qu'il y serait parvenu dans les 45 dernières.

Alors oui par rapport à The Sundown j'ai tout de même trouvé le film plus doux, Chastain et Sarsgaard sont vraiment bons, tout en délicatesse et beaucoup de sensibilité, mais je vois les ficelles Michel, et quelle accumulation dramatique pour un seul film, je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire que la coupe soit à ce point pleine...


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MessagePosté: 09 Juin 2024, 02:02 
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Lohmann a écrit:
La dernière Gêne franchement j'ai laissé tombé à mi-parcours, l'impression que Bégaudeau renie tout ce qu'il peut dire par ailleurs, il s'ébaubit de la scène de grand déballage familiale que je trouve au mieux totalement commune, au bout de 45 minutes il a été incapable de me convaincre en quoi le cinéma de Franco en ferait l'un des plus grands metteurs en scène actuel, je doute fort qu'il y serait parvenu dans les 45 dernières.


Absolument. J'ai longtemps cru qu'il était ironique à propos de Franco quand il disait vite fait que c'était un cinéaste de la plus haute importance et qu'il attendait ses nouveaux films avec impatience, et en fait non pas du tout ! En mm tps, faut écouter la succession de gros poncifs de scénario et de mise en scène accumulés (sans gêne) lors de cette émission pour comprendre en quoi il dessert finalement Franco plutôt que d'argumenter de façon convaincante pour en faire un grand cinéaste... Quand il affirme que Franco est bressonien on se demande si c'est pour encenser le premier, ou pour se foutre de la gueule du second. L'autre à côté est vraiment irritant, toujours d'accord avec lui comme une groupie mm quand il raconte absolument n'importe quoi, ça en devient effectivement gênant.


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MessagePosté: 09 Juin 2024, 09:40 
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J'ai coupé lorsqu'ils commençaient à se gargariser de la scène finale qui aurait été improvisée, je ne pouvais décemment pas aller plus loin. Sortir la carte Bresson pour Franco, comment se décrédibiliser... ce qui est fou c'est que j'ai participé à son dernier Ciné Club pour Bled Number One, et là il était vraiment pertinent...


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MessagePosté: 09 Juin 2024, 10:29 
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Lohmann a écrit:
J'ai coupé lorsqu'ils commençaient à se gargariser de la scène finale qui aurait été improvisée, je ne pouvais décemment pas aller plus loin. Sortir la carte Bresson pour Franco, comment se décrédibiliser... ce qui est fou c'est que j'ai participé à son dernier Ciné Club pour Bled Number One, et là il était vraiment pertinent...


Il peut être bon sur un film réellement intéressant, mais il lui arrive régulièrement aussi d'aller trop loin dans ses délires interprétatifs (comme sur le dernier Hamagushi) et ses éloges sous prétexte qu'il s'agit d'un cinéaste qu'il a définitivement (et, bien sûr, depuis le début) estampillé "exceptionnel". C'est très politique des auteurs, et c'est très con, surtout dans une industrie où chacun se croit (ou est) obligé de pondre un ou deux films tous les deux ans... A ce rythme-là faut pas s'attendre à des merveilles à tous les coups, faut même plutôt s'attendre à ce que ça soit de plus en plus paresseux et dispensable à mon avis. J'étais comme lui à une époque, j'appréciais l'idée d'avoir qq cinéastes-compagnons, mais force est de constater qu'avec le temps, des cinéastes contemporains m'ayant jamais ou rarement déçus y en a finalement pas bcp bcp.


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MessagePosté: 09 Juin 2024, 10:37 
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scienezma a écrit:
J'étais comme lui à une époque, j'appréciais l'idée d'avoir qq cinéastes-compagnons, mais force est de constater qu'avec le temps, des cinéastes contemporains m'ayant jamais ou rarement déçus y en a finalement pas bcp bcp.

Ce qui me semble normal et sein. L'exceptionnel doit le rester. Il y en a très peu mais il y en a tout de même, ce qui est le plus important (à brûle pourpoint, je pense à Hong Sang Soo, Albert Serra ou Radu Jude).


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MessagePosté: 09 Juin 2024, 10:46 
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Lohmann a écrit:
scienezma a écrit:
J'étais comme lui à une époque, j'appréciais l'idée d'avoir qq cinéastes-compagnons, mais force est de constater qu'avec le temps, des cinéastes contemporains m'ayant jamais ou rarement déçus y en a finalement pas bcp bcp.

Ce qui me semble normal et sein. L'exceptionnel doit le rester. Il y en a très peu mais il y en a tout de même, ce qui est le plus important (à brûle pourpoint, je pense à Hong Sang Soo, Albert Serra ou Radu Jude).


Oui, il y en a qquns c'est le principal, en tout cas Franco ne figure pas parmi les miens (ni les tiens apparemment lol).


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MessagePosté: 09 Juin 2024, 21:55 
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Lohmann a écrit:
, mais je vois les ficelles Michel, et quelle accumulation dramatique pour un seul film, je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire que la coupe soit à ce point pleine...


ça a quand même l'air moins chargé que son premier (Despues de Lucia) donc il s'améliore peut-être..


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MessagePosté: 09 Juin 2024, 22:12 
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Azazello a écrit:
Lohmann a écrit:
, mais je vois les ficelles Michel, et quelle accumulation dramatique pour un seul film, je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire que la coupe soit à ce point pleine...


ça a quand même l'air moins chargé que son premier (Despues de Lucia) donc il s'améliore peut-être..

Je n’ai vu que The Sundown et celui-ci, mais je veux bien croire que Memory est moins lourd que les précédents. Objectivement je ne peux pas dire qu’il m’a foncièrement déplu, juste que je vois trop les coutures pour trouver les sentiments qu’il cherche à susciter bien sincère.


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MessagePosté: 14 Oct 2024, 21:23 
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Antichrist
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Michel Franco m'avait toujours laissé froid. Là j'ai été cueilli. Par le scénario, dur mais qui clame son amour pour Sylvia et Saul, pour sa mise en scène qui joue sur l'idée de l'intérieur et de l'extérieur, de l'intime et du partagé. Et cette fin. Frissons. Grand film.
5/6


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