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 Sujet du message: Athena (Romain Gavras, 2022)
MessagePosté: 23 Sep 2022, 12:54 
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C'est visuellement très classe, ça envoie du bois dans les 40 premières minutes. Énorme respect. On sait pas trop où le propos veut aller mais ça intrigue, et les images sont parfois dingues. Mais au final ça finit n'importe comment, de manière gratos, et on se rend compte que ça ne raconte/dit pas grand chose. Au final le film est bien bien sage, et c'est dommage.

Le personnage du mec chelou avec son explosion finale là, j'ai vraiment pas du tout pigé le délire. Pas très convaincu par le pétage de plomb du héros aussi.


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MessagePosté: 23 Sep 2022, 15:16 
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Gavras ne fait même pas mine de vouloir filmer autre chose que de la violence urbaine, il commence son film là où beaucoup l'auraient terminé et se fait plaisir avec une succession de plans séquences abusés, ce film c'est un peu Soy Neuf-Trois dont on aurait gardé que le dernier segment sur la guerrilla (le moins bon).
Enfin presque, car il s'est hélas forcé à y insérer de la dramaturgie avec l'histoire de cette fratrie tous plus antipathiques les uns que les autres et un dédouanement politique plus que limite :
Tout ça c'est la faute des fafs.

Je regrette aussi que le film ne déraille presque jamais de son progamme de tragédie, tout le long on a droit a des jeunes mâles en colère qui serrent les dents, et des dialogues moitié inaudibles très qualité française, quasiment aucune trace des autres acteurs de la cité, le film prend enfin vie dans les rares petits instants d'absurde et d'humanité, le semi-clodo et son cheval, le taré dont parle deudtens, c'est plutôt là que se trouve la vraie patte de Gavras, plutôt que dans ce ton martial et guerrier qui donne surtout envie de voir cette faune et leurs HLM péter le plus vite possible.


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MessagePosté: 23 Sep 2022, 23:18 
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Après Le Monde est à toi, une vraie tentative de fiction, Gavras fait son 1917 avec tous les gimmicks de sa mise en scène, sa maestria, ses obsessions clippesques, et c'est opératique en diable pendant 45 minutes. C'est sincèrement la grosse régalade visuelle, avec l'artillerie lourde de mouvements d'appareils, les chorégraphies dantesques, la fluidité, la mise au point extraordinaire, le balai de couleurs et de lumières... Comment ne pas voir le talent de ce mec, à s'en crever les yeux ?

Problème, la situation existe, très Carpenter, mais pas les personnages. Fatalement, on se ressent rien pour ces archétypes esquissés en deux ou trois adjectifs. Mais rien ! Et plus le film se déroule, plus ils se figent dans leur rôle, plus la situation elle-même apparaît complètement stérile, débile au possible. Des cowboys contre des indiens, rien de plus. A quoi bon ce déballage pyrotechnique ??!

Autant revoir No Church In The Wild, qui avait le bon goût de durer 5 minutes, sans autre prétention.

3/6 avec un bonus pour le geste

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Dernière édition par Z le 24 Sep 2022, 23:29, édité 1 fois.

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MessagePosté: 24 Sep 2022, 00:07 
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Art Core a tout dit.

Ça déchire quand le film assume son intention première : filmer un siège médiéval, mais de nos jours. Les épées sont remplacées par des matraques, les flèches par des mortiers. Je trouve dommage de ne pas avoir assumé le délire jusqu'au bout pour faire un truc façon gouffre de Helm. Et c'est d'autant plus rageant que les films français de ce type sont rares. Ceux qui ne font pas dans l'anti-spectaculaire, alors que le sujet permet de se lâcher.

La maestria technique de l'ensemble, la gestion des centaines de figurants, etc, ça poutre. Ça prouve que notre cinéma aussi peut fabriquer du grand spectacle sans rougir. L'intro encule tout 1917, et le film a le bon goût de ne pas céder à cette mode pourrie du faux plan-séquence unique, rafistolé de partout et gonflé d'effets numériques moisis.

En contrepartie, on sent que le contexte social et les personnages ne sont là que pour servir de prétexte à filmer le siège d'Athena. Et quand vient le temps de conclure et de trancher, ben ça se mouille pas trop (quel dommage cet épilogue).

deudtens a écrit:
Le personnage du mec chelou avec son explosion finale là, j'ai vraiment pas du tout pigé le délire.

On entend vite fait aux infos qu'il y a un mec fiché S qui revient de Syrie, truc du genre. J'imagine que c'est lui, un djihadiste complètement brisé, qui finit par tout faire péter entre deux gorgées de Tropico.

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Réalisateur de blockbusters d'action français dans une économie maîtrisée d'1h30 max hors générique


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MessagePosté: 24 Sep 2022, 07:08 
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Je crois que c'est encore pire avec l'explication.


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MessagePosté: 24 Sep 2022, 07:33 
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J'allais dire que ça a pas de sens en plus avec le militaire revenu du Mali qui le protège mais c'est peut-être pas si tiré par les cheveux.


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MessagePosté: 24 Sep 2022, 12:06 
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Je vais spoiler par moments, attention.

Tout est dit sur l'entrée en matière niveau maîtrise et orchestration, mais ça s'essoufle vite en partie à cause d'une écriture lacunaire. Les personnages ne vivent que par leur avancée le long de couloirs, entrées, appartements et dalles dans un registre qui oscille entre silence tendu et cris. Au bout d'une demi-heure tout paraît donc répétitif, et il y a constamment cette sensation d'étirement : on voit où Gavras veut en venir, on a compris, la palette est limitée et pourtant ça dure.

On sent plus les limites criantes de l'écriture que l'incapacité à communiquer des personnages comme vrai thème (le seul moment de respiration intéressant que je retiens, c'est quand les fidèles dans la salle de prière tentent de s'organiser : mais c'est trop expédié... cela dit ça plaira à Castorp et Killmunster). Je pensais beaucoup tout du long à la scène de guerilla finale de Children of Men, épuisante mais qui au moins arrive en point culminant formel et thématique... Là c'est le all-in du début à la fin et ça étouffe le peu de dramaturgie disponible.

Ensuite l'affiche cite ce cliché qui a fait le tour des réseaux sociaux, suite à la mort de George Floyd, d'un manifestant qui renvoie un projectile aux forces de l'ordre lors d'émeutes à Ferguson. J'ai un peu cringé en la découvrant, craignant l'annonce d'une américanisation excessive de la question des violences policières en France. Finalement ce n'est pas le cas, d'une part parce que les belles spécificités de nos quartiers ont été préservées : brutalisme aliénant, halls et cages d'escaliers dégradés, amour du rodéo urbain et de snapchat, familles excédées... Romain Gavras a l'oeil pour tout ça, mais moins l'oreille : dès lors qu'on sort des sempiternels "sale fils de pute, va" et "va niquer ta mère" utilisés comme ponctuation (meilleur moment quand le dealer est surpris par un gamin en passant une porte "putain y m'a fait peur, p'tit pédé, va" j'ai ricané), les échanges restent boursouflés et didactiques au possible. Validé est passé par-là, avec sa masterclass constante en matière de parler de quartier peu importe le registre, et la comparaison fait très mal.

Mais pour revenir à la question des violences policières, il s'avère qu'au final elles n'entrent en ligne de compte que de manière secondaire. Oeil-de-lynx et Massinfect déplorent le "twist" final, et l'execution laisse en effet à désirer, mais politiquement il se passe quelque chose. On reproche, et à raison, à une partie de l'extrême-droite de fantasmer la guerre civile. Laurent Obertone a d'ailleurs publié chez Ring 2 tomes à ce jour de Guerilla, auquel Gavras répond forcément, puisque c'est la même histoire mais ici du point de vue des jeunes de cité. Aux US on a le fameux Turner Diaries auquel Timothy McVeigh (l'attentat d'Oklahoma City) était très attaché. Il existe bel et bien un corpus de littérature de seconde zone qui "prépare" à l'effondrement et l'affrontement racial aux Etats-Unis. Des groupuscules s'en réclament et encouragent la conduite de ce genre d'attaques "sous faux drapeau" (se déguiser en flics pour tuer des noirs, par exemple) dont le but est de provoquer l'avènement de cet affrontement apocalyptique (Charles Manson en faisait ses choux-gras également) : ce sont les accélérationistes, et tout comme les théories intersectionnelles américaines, les leurs ont traversé l'atlantique. Bref, pour résumer, du point de vue du film strict c'est amené maladroitement et ça clot l'expérience sur une douche froide, mais Gavras soulève néanmoins quelque chose de très pertinent (à bon escient ou non, j'en sais rien et je m'en fous).

Le coup du fou comme vous dites est couillu aussi, surtout vu le contexte. "Toi ma soeur, va me chercher un Tropico" m'a pris par surprise.

Bref, pas terrible dans l'ensemble, mais pas inintéressant.

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MessagePosté: 24 Sep 2022, 22:08 
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Une précision s'impose : j'ai vu le film sur Netflix... ce qui forcément limite l'impact de sa mise en scène opératique. Il faut reconnaitre que Romain Gavras a du talent pour imaginer et filmer des plan-séquences complexes, avec nombreux figurants, jeu sur les échelles de plan... Je regrette néanmoins qu'il ne nous fasse pas un plan "architectural" de la cité car parfois j'ai eu du mal à comprendre comment les gars circulaient d'un point à un autre. Tout ça pour dire que l'aspect disons médiéval du film est ce que j'ai préféré. Pour le reste, je suis plus circonspect : les trois (+1) frères sont tellement archétypaux, les dialogues tellement limités, que j'ai eu du mal à entrer en empathie avec les persos - à la rigueur Karim est le frère le plus intéressant, aussi car l'acteur a quelque chose de particulier dans le regard. Le perso du CRS, lui, est presque de trop, on se contrefiche totalement de son sort et je ne parle même du perso de Sébastien complètement WTF... Après le film ne s'assume pas vraiment politiquement, si bien que je l'ai trouvé plus "abstrait" que problématique. Quand les méchants sont des nazis, tu t'évites tout dilemme moral, c'est pratique et l'épilogue est extrêmement grossier.

Enfin bref, pas mécontent de l'avoir vu, je trouve quand même que c'est "quelque chose" dans le paysage français mais comme les précédents Gavras-fils que j'ai vus, ça manque de profondeur sur le scénario, de travail sur les dialogues, ça reste "puéril".
2-3/6


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MessagePosté: 24 Sep 2022, 23:23 
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Karloff a écrit:
Pour le reste, je suis plus circonspect : les trois (+1) frères sont tellement archétypaux, les dialogues tellement limités, que j'ai eu du mal à entrer en empathie avec les persos


Je connais bien la boîte de prod Iconoclast, et notamment Elias et Ladj les co-scénaristes, et j'imagine sans mal les séances de brainstorming. "On va reprendre exactement là où ton film se terminait, Ladj, avec le lancer de cocktail molotov" "ce qu'il faut, c'est comme dans La Haine, trois points de vue complémentaires" "tiens bah on a qu'à prendre trois frères !" "on en fait une tragédie grecque, quelque chose de graphique, d'opératique" "on va reprendre l'imagerie de No Church in the Wild et tenir 90 minutes" "il faut démarrer par un morceau de bravoure façon Soldat Ryan" "y a pas de méchants, pas de gentils, montrer qu'en fin de compte, ça fait toujours les affaires du FN", bref, des discussions auxquelles j'ai pu participer d'ailleurs. Puériles, mais sincères.

Comme toujours chez Kourtrajmé, y a un gros désir de faire, un désir de voir et de donner à voir des choses saisissantes, bien avant le désir de raconter une histoire. Et ce contresens permanent aussi avec La Haine qu'ils vénèrent (tout comme moi) : mais là où le Kasso humanisait des populations mis au ban, eux tentent de prendre le relais en ne parvenant qu'à faire l'inverse. Et c'est totalement contreproductif. Ils déshumanisent et renforcent les clichés.

Au fond la vraie question, c'est de savoir si c'est "mal" de ne pas avoir de propos, de balancer un film comme ça sans maîtrise du sujet, avec des contresens. Et si faire un film aussi prodigieusement bien filmé, c'est suffisant en soit. Puisque le film remplit ses objectifs, finalement... Quelque part, j'ai envie de le défendre ce film, comme j'ai toujours défendu le travail de Gavras, de Gaspar Noé, et même de Ladj Ly. Pourtant, je suis loin d'aimer tous leurs films, et la façon dont ils traitent leurs sujets. Alors qu'à côté, tu as des cinéastes beaucoup moins doués visuellement, ou à qui sont confiés des budgets beaucoup plus faméliques, mais qui traitent leur sujet avec justesse, avec un point de vue réfléchi. Je n'ai pas de réponse à ça, du coup j'ai tendance à défendre ces films lorsqu'ils sont attaqués, comme à les déglinguer lorsqu'ils sont encensés. Mais je reste persuadé qu'un film comme La Haine prouve que c'est possible de traiter un sujet et de le styliser en même temps, même si 25 ans plus tard, ils restent beaucoup trop rares.

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MessagePosté: 25 Sep 2022, 08:59 
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Z a écrit:
j'ai tendance à défendre ces films lorsqu'ils sont attaqués, comme à les déglinguer lorsqu'ils sont encensés


C'est exactement ça, ça me le fait avec pas mal de films moyens.


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MessagePosté: 25 Sep 2022, 10:28 
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Oui là ça devient extrême et limite suspect dans la détestation (pas encore vu le film) :
https://twitter.com/Sht_dono/status/157 ... R9TdQ&s=19

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MessagePosté: 25 Sep 2022, 10:45 
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Oui, c'est assez ridicule.


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Je comprends tout à fait qu'on puisse avoir cet avis :
- Des trois frères, aucun ne finit par une rédemption, au contraire ils partent tous de plus en plus en couille par pure bêtise.
- Aucune bavure des flics, et le tir sur le frère chevelu est très probablement en légitime défense
- Les flics prennent plutôt cher, et le flic prisonnier ne tape quasiment pas (sauf un moment sympa où il fout juste un coup histoire de).
- Ya tout le délire d'évacuer la cité que je trouve un peu chelou. Je ne sais pas si c'est déjà arrivé dans la vraie vie ça, des mecs qui font sortir les habitants "pour leur bien", alors qu'ils seraient probablement plus à l'abri en haut de leurs tours. Plutôt que de sortir les gens de chez eux, ils peuvent juste éviter de faire péter un immeuble, c'est ptet plus simple.


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MessagePosté: 25 Sep 2022, 12:32 
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Le film fait tout pour provoquer et ne peut que fâcher tout le monde si on le prend au sérieux.


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MessagePosté: 25 Sep 2022, 15:26 
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Art Core a écrit:
Oui là ça devient extrême et limite suspect dans la détestation (pas encore vu le film) :
https://twitter.com/Sht_dono/status/157 ... R9TdQ&s=19


Si on met de côté sa geignardise constante à celui-là, il souligne deux aspects centraux du film : à quel point les 3 frères sont abjects et/ou idiots, et tout le côté "complot" de l'intrigue. Et en effet Athena est finalement un film sur la bêtise des meneurs de quartiers, ainsi que leur penchant naturel pour la violence que l'extrême-droite arrive sans problème à attiser dans tout le pays avec une économie de moyens évidente. Pour ce twitto influent, qui voit les quartiers comme fer de lance de la lutte contre les inégalités et berceau de l'humanisme multiculturel révolutionnaire, c'est évidemment insupportable. Mais la vision de Gavras est aussi fantasmée que celle de génération identitaire et autres Charles Martel 2.0... Mais aussi plus ambivalente. Pas sûr que que tout ça soit assumé par l'équipe à la tête du projet, alors que c'est bel et bien là.

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