Forum de FilmDeCulte

Wow je crois que ça m'est jamais arrivé sur ce forum de défendre un film jugé putassier ou cliché sur le social. Mais j'avoue être très surpris de la sévérité sur le fond.

Je ne dis pas que j'adhère à tout. La forme, impressionnante, est parfois trop grandiloquente ou trop superficielle dans le parallèle fait avec l'antiquité (les CRS qui font la manoeuvre de la tortue avec les boucliers ça m'a fait rire ceci dit). Globalement, le penchant pour l'immersion du réalisateur n'est pas ma came, ça peut empêcher de réfléchir et peut-être que d'une certaine manière il mérite tous les procès d'intention ou en clichés puisqu'en se donnant une telle forme, il sacrifie à l'iconisation.

Ok. Mais j'ai trouvé passionnante la peinture de la fratrie et toutes les options qui se présentent aux fils paumés par l'enclave socio-économique et l'absence de père. C'est schématique comme tout ce que fait le film dans son assignation un personnage = un archétype mais dans ce film-ci j'ai trouvé que ça avait du sens. Cela permet des confrontations fructueuses comme quand le petit frère traite Abdel de harki et de traître, ou quand celui-ci lui réplique que la violence, c'est tout ce qu'attendent les fafs et un certain establishment.

Et ce n'est pas parce que le film finit sur un faux twist (les flics le disent depuis le début avec un accent de sincérité que c'est les fafs, y a rien de nouveau) qu'il faut croire que Gavras pointe uniquement l'extrême droite. Le film montre bien les procédures barbares des policiers, par exemple quand ils se défoulent à la matraque. Et il parle d'autres exemples avérés de bavures policières. Et les fachos exploitent cette situation qui existe, donc nul dédouanement. Mais je pense en effet qu'une des menaces principales en France aujourd'hui c'est l'extrême droite et pas que dans la sphère politique. On ne parle pas tant que ça des groupuscules fachos, des dizaines d'attentats interceptés par les forces de l'ordre.

Dans la galerie intéressante de personnages, j'ai adoré aussi comment le simplet qui prend soin des fleurs se muait en pyschopathe calme donc flippant de la fin. Le fait qu'il soit blanc et s'appelle Sébastien veut pas dire "bouh l'islam est partout" comme dit FF mais est plutôt à mon avis un détail pour abstraire le film de la question ethnique et l'ancrer dans la question sociale. Car elle est bien abordée.

Je comprends par ailleurs que des habitants des cités aient critiqué un cinéma qui produit majoritairement sur les cités des films violents. Qu'il manque des films sur la banlieue constructive et qui essaie. Mais Gavras a bien le droit d'angler son film comme il le veut. D'autant que, c'est mon sentiment, des scènes comme celles du film ne sont pas impensables et j'ai tendance à croire que ça va péter dans les années à venir. Trop de renoncements politiques, trop de pauvreté et de stigmation par les Zemmour and co. La cocotte minute existe et Gavras l'a fait péter dans un film d'anticipation. Don't shoot the messenger, surtout quand il prend soin de représenter plusieurs points de vue.