Edwige, 32 ans, est tombée éperdument amoureuse d’Arturo, un jeune milliardaire. Jets privés, week-ends dans des palaces... : ce mystérieux individu lui a sorti le grand jeu. Il n’était qu’un acteur embauché pour l’escroquer. Récit.
Par Nicolas Jacquard
Ils jaillissent comme un seul homme de trois berlines sombres : tous des armoires à glace, costume noir sur chemise blanche, équipés d’oreillettes qu’on dirait greffées. Talkie-walkie en main, la dizaine d’hommes sécurise le périmètre, ne s’exprimant que pour le strict nécessaire, sans pouvoir dissimuler un fort accent de l’Est. Arturo, leur patron, peut maintenant s’extraire à son tour de l’un des luxueux véhicules et rejoindre Edwige, sa belle, dans le joli pavillon qu’elle habite à Massy (Essonne).
D’ordinaire, Arturo est plutôt familier de la Riviera. Il n’est autre qu’un Pastor, héritier de l’un des principaux promoteurs et propriétaires monégasques, de ceux qui ont fait du Rocher ce qu’il est aujourd’hui : une famille riche et célèbre, dont même la voisine d’Edwige a entendu parler. Elle est interloquée de croiser l’un de ses représentants dans ce secteur résidentiel de la banlieue sud. Mais le cœur a ses raisons… Et puis, la voisine sait que de nos jours, les idylles se nouent d’abord dans le virtuel avant de trouver une traduction réelle. Pas étonnant, donc, qu’Arturo ait fait la connaissance d’Edwige sur Instagram, comme cette dernière l’a confié.
Pluie de fleurs et équipe de gardes du corps
Les échanges ont d’abord été timides, puis très vite enflammés. Quasi quotidiennement, c’est une pluie de roses qui a été déversée sur Edwige, à son domicile ou au salon de beauté dont elle est propriétaire. Il est comme ça, Arturo. Quand il aime, il ne compte pas. Et comment pourrait-il, lui qui est déjà milliardaire à même pas 40 ans ?
Ce 26 mai 2021, quand il débarque à Massy, c’est la première fois qu’Edwige, 32 ans, le voit en vrai. Elle n’est pas déçue. Les lunettes de la marque Fred qu’elle lui a offertes quelques semaines plus tôt pour son anniversaire lui vont comme un gant. Avec le polo Louis Vuitton, il avait fallu les lui envoyer au cabinet de son avocat, domicilié comme il se doit dans le prestigieux Gildo Pastor Center de Monaco. Par mesure de sécurité, Arturo préférait ne pas communiquer d’adresse plus précise. C’est qu’une telle fortune suscite forcément les plus viles convoitises.
Soucieux de sa sécurité, Arturo n’en est pas moins sexy, et attentionné. Et même, il parle ! Pour la première fois, Edwige entend le son de sa voix. Jusque-là, le jeune businessman lui avait indiqué être en partie sourd, ce qui l’empêchait de s’exprimer correctement. Cela justifiait que les deux tourtereaux ne puissent échanger que par messages écrits interposés. Mais en vrai, et même si ce n’est qu’en anglais, Arturo aligne parfaitement les syllabes, sûrement grâce à ce petit appareil qu’il arbore à l’oreille, dont Edwige oublie très vite la présence.
Cet après-midi-là, c’est un tourbillon de bonheur qui l’emporte. De l’Essonne, le convoi de voitures de luxe rejoint Paris. Direction la prestigieuse Maison de la truffe, place de la Madeleine. Monsieur Pastor par ci, Monsieur Pastor par là : les employés ne sont que déférence envers cette importante personnalité. Le couple enchaîne par une petite promenade digestive dans la capitale, toujours sous l’œil acéré des bodyguards. Lorsqu’Edwige regagne le véhicule du boss, un énorme bouquet de fleurs et un maillot de bain Versace l’attendent.
Le soir, Arturo est malheureusement pris par une réunion professionnelle. Il promet un rendez-vous deux semaines plus tard, et reconduit son amie chez elle, où il la laisse des papillons dans le ventre et des étoiles plein les yeux. « Ce qu’elle me racontait, c’était magique, résume Nikita, la meilleure amie d’Edwige. C’est simple : il lui disait tout ce qu’une femme veut entendre. Personne ne lui avait jamais parlé comme ça. Ils discutaient jusqu’à six heures du matin. » Un happy end inespéré, surtout au regard des semaines précédentes, au cours desquelles les nerfs d’Edwige ont été mis à rude épreuve.
Initialement, les premiers échanges avec Arturo ont donc eu lieu sur Instagram, lorsqu’il la contacte pour la première fois en novembre 2020. Vantant la plastique de la jeune femme, il enchaîne pas à pas les poncifs de la drague en ligne, auxquels Edwige finit par répondre. Arturo dit avoir 40 ans, ce qui peut correspondre à ses photos de profil. Mais Nikita, qui suit l’affaire de près aux côtés de sa copine, est intriguée. Ces photos, elle a l’impression de les avoir déjà vues. Elles appartiennent effectivement à un certain Gary, figure bien connue de la Côte d’Azur. Contacté, ce dernier assure qu’elles lui ont été volées, et qu’il est victime d’une usurpation. Le doute s’installe.
En mars 2021, Arturo glisse à Edwige qu’il se trouve à Dubaï, dans ses bureaux de la tour Burj Khalifa. Elle est amoureuse comme jamais, définitivement tombée sous le charme au fil de ces intenses échanges épistolaires avec le mystérieux milliardaire. Mais jusque-là, et en dépit de plusieurs milliers de messages, dont une pelletée de promesses d’enfants et de vie commune, il se fait toujours désirer et tarde à se montrer.
Edwige décide de lui faire la surprise d’une première rencontre ayant comme écrin le luxueux émirat. Elle débarque à Dubaï, mais à la tour Burj Khalifa : aucune trace d’un quelconque Arturo Pastor. Il explique alors qu’il doit provisoirement rester en retrait car ses « trustees », qui gèrent le « trust » pilotant sa fortune, voient d’un mauvais œil cet amour naissant. « Écris-leur pour les convaincre qu’ils me laissent te voir », implore l’héritier. Edwige s’exécute. Le 25 mars, l’un de ces trustees lui répond. Il se dit surpris de son acharnement à se rendre à Dubaï pour y rencontrer Arturo. « Il est adulte et reconnu responsable, admet ce proche par mail. Mais au regard de ses expériences passées, nous lui conseillons de prendre toutes ses précautions s’il veut rencontrer des inconnues, spécialement en vue d’une relation amoureuse. »
Son ex-mari menacé
Edwige rentre à Paris aussi seule que pendant ces vacances. Le doute s’installe un peu plus. Toujours par message, elle s’agace de la situation. Quid de ces photos Instagram visiblement volées ? Arturo lui explique exercer des activités secrètes pour le compte du prince Albert de Monaco, d’où la nécessité de brouiller les pistes. Edwige n’y croit plus. « Tu n’existes même pas ! » balance-t-elle à son cyber-prince charmant. « Je vais t’envoyer une preuve », lui rétorque l’intéressé, piqué au vif.
Une demi-heure plus tard, en ce début de printemps 2021, trois gardes du corps débarquent pour la première fois à Massy. Déjà, ils ont cet accent des pays de l’Est. Edwige leur ouvre. « Tout va bien ?, s’enquiert l’un d’eux, dont on entend la voix sur un enregistrement de mauvaise qualité. Je vais faire un tour de votre domicile pour m’en assurer. » Edwige, qui vit avec sa petite fille, est surtout inquiète de leur présence. Discrètement, elle filme ces hommes de main qui montent la garde une heure durant dans son quartier, avant de s’évaporer. « T’as vu, fanfaronne Arturo par téléphone. J’ai le bras long… » Il va encore le prouver.
Lorsqu’Edwige lui confie que sa relation avec son ex-mari, le père de sa fille, est tendue, Arturo lui répond qu’il va s’en occuper. « Une première fois, j’ai reçu un message en anglais assez menaçant, se souvient l’ex en question. J’ai envoyé balader mon interlocuteur. » Quelques jours plus tard, il est à nouveau contacté sur son portable. « Le gars parlait cette fois avec un accent corse. Il m’a dit qu’il était l’homme de main de Monsieur, qu’Edwige était désormais avec eux, et que si je faisais quoique ce soit, ils me pendraient à un arbre et s’en prendraient à mes parents. Elle avait l’air complètement sous emprise… » Une plainte est alors déposée au commissariat de Versailles (Yvelines), qui n’a pas prospéré.
Découvrir enfin Arturo en chair et en os, au mois de mai, apaise un peu la jeune femme. Certes, ce n’est pas le quadragénaire qu’elle avait vu en photo. Cet Arturo-là est plus grand, plus jeune et plus brun que l’individu auquel il avait au départ emprunté son image. Mais le physique est peu de chose au regard des messages enflammés entre ces âmes sœurs qui se découvrent. Edwige est conquise.
Il avoue avoir été payé pour jouer ce rôle
Deux semaines après la virée à Madeleine, Arturo met sa promesse d’un nouveau rendez-vous à exécution. Une voiture privée vient chercher l’amoureuse transie à Massy pour l’emmener à Roissy, où elle prend un vol régulier direction Nice. Le couple passe le week-end à l’hôtel Martinez, sur la Croisette. Sur ces trois jours, qui ne devaient être que farniente, planent toutefois quelques ombres. En maillot de bain, Arturo laisse par exemple voir des tatouages qui ne manquent pas d’inquiéter sa fiancée. « Le genre de tatouages mafieux », se dit-elle pour elle-même.
De retour à Paris, en gage de sa bonne foi et de son amour, Arturo lui verse un petit cadeau : 5 000 dollars (4 500 euros) en bitcoins. En juillet, attentif au bien-être financier de sa dulcinée, il lui conseille de vendre sa voiture, une Range Rover, et de lui faire parvenir 20 000 dollars (18 200 euros) issus de cette transaction, qu’il promet de faire fructifier à un taux très avantageux. Edwige doit elle aussi utiliser la cryptomonnaie. « Comme je sais que ce type de virement n’est pas traçable, j’éprouve alors un mauvais pressentiment », raconte-t-elle. Elle renâcle, et décide même, par précaution, de renvoyer à leur propriétaire les 5 000 dollars qui lui ont été offerts.
En juillet 2021, pour ôter les doutes de l'esprit d'Edwige, Arturo l'emmène en voyage à bord d'un jet privé.
En juillet 2021, pour ôter les doutes de l'esprit d'Edwige, Arturo l'emmène en voyage à bord d'un jet privé. DR
Arturo sent qu’elle lui échappe, et décide de frapper un grand coup. Le 8 juillet 2021, pour l’anniversaire d’Edwige, ce n’est plus à Roissy mais au Bourget que la conduit un chauffeur. Cette fois, un jet privé attend le couple, direction Cannes, puis un hôtel cinq étoiles de Saint-Tropez. Edwige parvient à jeter un coup d’œil sur le passeport de son compagnon. Il est bien au nom d’Arturo Pastor. Manque de chance, ce dernier a en revanche a oublié sa carte bancaire, et c’est sur celle d’Edwige que les 1 700 euros de nuitées seront prélevés.
Ce week-end de paillettes aurait dû sonner la mise en orbite définitive de l’idylle. Il en dévoile les malsaines motivations. Assaillie par la méfiance, Edwige pousse le milliardaire dans ses retranchements, qui finit par jouer cartes sur table. L’homme qu’elle a en face d’elle, avec lequel elle dit avoir eu des relations sexuelles, quand lui les nie, n’est pas Arturo Pastor. Basculant pour la première fois de l’anglais au français, il dit être un acteur, payé plusieurs milliers d’euros pour jouer ce rôle, via un avocat parisien au cabinet duquel il récupérait ses émoluments. Pour le reste, il travaille à temps plein dans le secteur de la sécurité.
Edwige doit payer le trajet en jet privé
L’acteur reste à ce moment-là mutique sur sa véritable identité, mais montre à Edwige des photos de lui aux côtés de personnalités dont il aurait assuré la garde rapprochée. Pour ce qui la concerne, il aurait été recruté par une certaine Virginie B. : un nom qui résonne étrangement aux oreilles d’Edwige. Déjà, par le passé, Arturo avait parlé d’elle dans ses messages, se targuant que cette Virginie était l’une de ses amies, et pouvait attester qu’il était vraiment celui qu’il prétendait être.
Edwige est effondrée. Revenue à Paris, elle comprend que ce n’est pas ce mauvais acteur démasqué qui répondait à ses messages écrits. Par message, elle prévient « Arturo », quel qu’il soit, que la supercherie est démasquée. Son interlocuteur s’en agace, visiblement furieux que l’acteur ait dénoncé les agissements de ce qui s’apparente de plus en plus à un réseau. Visiblement, le torchon brûle entre les escrocs. Comme une vengeance, un message envoi à Edwige le véritable nom de l’acteur, Julien P., effectivement employé d’un grand groupe de sécurité.
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Progressivement se dessinent les rouages d’une improbable machination. Edwige est par exemple contactée par l’entreprise qui a opéré les voyages en jet privé. Si l’aller à Saint-Tropez a bien été payé, pour un montant de 7 500 euros, ce n’est pas le cas du retour, toujours en souffrance, et qu’on lui demande de régler. « Il ne l’a jamais été, soupire le patron de l’entreprise. Pourtant, je me suis méfié… »
Selon ce qu’il nous révèle, les vols ont été réservés par une certaine… Virginie B. « Elle disait être à la tête d’une société dans le domaine du yachting, se souvient l’affréteur de jets privés. Elle m’en avait envoyé les références. » Sur Internet, celle-ci dispose toujours d’une page active. Plusieurs informations en lignes laissent penser qu’elle est dirigée par Virginie B.-K., également à la tête de sociétés ou SCI dont la plupart ont cessé leur activité.
Le nom de Virginie B. souvent cité
Pour duper son interlocuteur au moment de réserver les vols en jet privé, elle lui annonce qu’elle travaille avec de riches clients, pour lesquels elle a régulièrement besoin de voyages d’affaires. Elle demande même un devis pour un futur Paris-Miami, au montant conséquent, histoire d’inspirer confiance. Il n’y a donc finalement que le vol aller pour Saint-Tropez qui est payé, via un premier virement, établi au nom de Virginie K. « C’était suffisant pour que je donne le feu vert au vol retour, reprend le patron de la société d’aviation. Mais à partir de là, je n’ai plus eu de nouvelles. Et quand j’ai fait vérifier par l’ambassade la pièce d’identité italienne fournie par Mme B., on m’a dit qu’elle était fausse. Je me suis alors retourné contre cette Edwige, qui avait été passagère du vol, mais j’ai vite compris que dans cette affaire, elle était une victime… »
En septembre, réalisant qu’elle a été flouée, Edwige dépose plainte au commissariat de Massy. Face à ce dossier tortueux, les fonctionnaires sont circonspects, mais prennent le temps de l’écouter. La première audition dure quatre heures. « Une enquête préliminaire a été ouverte, qui suit son cours », confirme le parquet d’Évry, se refusant à communiquer sur les suites qui lui auraient été données.
En week-end à Cannes, Edwige est surprise de découvrir des tatouages «du genre mafieux» sur Arturo.
En week-end à Cannes, Edwige est surprise de découvrir des tatouages «du genre mafieux» sur Arturo. DR
En attendant que la justice diligente de plus amples investigations, nous nous sommes lancés aux côtés d’Edwige sur les traces de ces escrocs présumés, aidés par les nombreux indices semés derrière eux. Le bordereau postal utilisé pour envoyer en cadeau les lunettes et le polo à Arturo est de ceux-là. Le colis avait en fait été adressé au nom du chargé de clientèle d’un important cabinet d’avocat monégasque. Au téléphone, ce dernier reconnaît rapidement les faits, dit avoir été étranger à ce qui se tramait, et avoir voulu simplement rendre service à l’une de ses amies pour le compte de laquelle il devait réceptionner le colis. Une amie du nom de… Virginia B., qu’il connaît depuis seulement quelques mois. Elle lui a dit travailler dans l’événementiel, fréquenter le milieu de la nuit et du basket-ball professionnel.
Contactée par différents biais, Virginie B. finit par nous rappeler. Tantôt mielleuse, tantôt agressive, elle se positionne elle-même en victime d’escroquerie, indiquant avoir déposé plainte en décembre. Le parquet de Grasse, qui en a la charge, confirme, tout en indiquant que la plainte en question ne lui a pas encore été transmise par la gendarmerie. « Jusqu’à présent, ma cliente n’a fait l’objet d’aucune mise en cause judiciaire, indique Me Stéphane Gas, l’avocat de Virginie B. Elle réserve ses déclarations aux enquêteurs dans le cas où elle serait convoquée, et conteste en bloc les accusations dont elle peut faire l’objet. » Tout porte pourtant à croire qu’elle a été, a minima, l’une des chevilles ouvrières de cette mystification. Et peut-être son principal metteur en scène.
L’acteur dit avoir été menacé lui-même
Une autre piste est celle de l’acteur. Une rapide recherche avec son nom et sa profession permettent de le retrouver. Le lendemain d’un premier appel sur son lieu de travail, Julien P. propose un rendez-vous pour plaider sa cause. Se sachant « grillé », il passe à table, conscient de jouer gros, autant médiatiquement que judiciairement. Lorsqu’on le retrouve cet après-midi de fin février, il a définitivement jeté le costume d’Arturo Pastor, arborant celui plus attendu de « Men in Black ». Mais la suffisance du beau gosse tiré à quatre épingles peine à masquer sa nervosité. D’emblée, il avoue avoir été « complice de toute cette mascarade », dont il accepte de dévoiler une partie des ressorts.
Cadre dans la sécurité, il dit n’avoir jamais rechigné à franchir les limites de la légalité. Régulièrement, il travaille ainsi « au black », peu regardant sur les missions borderline confiées par certains clients. Virginie B. est de ceux-là. Une première fois, elle lui aurait demandé de suivre les faits et gestes d’un de ses ex, un basketteur de la NBA venu jouer en France, dont elle voulait se venger. « On devait s’en prendre à lui physiquement, reconnaît Julien. On l’a suivi, mais il ne s’est rien passé. Pour cause de Covid, les choses en sont restées là. »
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C’est alors que Virginie demande à Julien de se faire passer pour un milliardaire auprès d’Edwige. « Elle m’a expliqué que j’allais travailler pour le compte d’un très riche client du nom d’Arturo Pastor, développe Julien. On m’a envoyé un certain nombre d’informations sur Edwige, et j’ai joué le jeu. » Poussé dans ses retranchements, ce garçon de 29 ans finit par lâcher être « aujourd’hui quasiment sûr qu’Arturo Pastor n’a jamais existé ». L’acteur dit avoir été lui-même menacé pour avoir vendu la mèche. « J’ai essayé plusieurs fois de faire comprendre à Edwige ce qu’il se passait, mais elle ne voulait rien voir. Alors je lui ai tout raconté. Elle venait de perdre sa mère. Je trouvais injuste ce qui lui arrivait. Je ne sais pas ce qui se serait passé si cette affaire était allée jusqu’à son terme, mais ça n’aurait pas été très plaisant pour elle… »
« Il y a peu de chance qu’Edwige soit un cas isolé »
Plusieurs mois après les faits, Edwige est toujours sous le choc, incrédule quant à ce mauvais conte de fées 2.0 dont elle peine encore à appréhender les tenants et les aboutissants. « Pourquoi moi ?, continue-t-elle à s’interroger. J’imagine qu’ils ont vu sur mes réseaux que j’étais une femme indépendante, qui vivait confortablement… » Lorsqu’elle découvre en février, sur Netflix, le documentaire « l’arnaqueur de Tinder », aux méthodes largement similaires, Edwige se persuade qu’elle a été victime des mêmes procédés : celui d’escrocs investissant d’importantes sommes pour mettre leur proie en confiance, et ensuite leur dérober le plus d’argent possible.
« Nous attendons que les investigations permettent d’identifier les différents protagonistes ayant permis la réalisation d’une telle mise en scène, pour laquelle des moyens considérables ont été déployés, prévient son avocate, Me Anne-Claire Le Jeune. L’enquête devrait aussi permettre de révéler l’existence d’autres victimes de faits similaires. Il y a en effet peu de chance qu’Edwige soit un cas isolé. »
Au soulagement d’avoir échappé au pire, tout en se disant que ses tourmenteurs touchaient au but, a succédé le stress de prendre conscience qu’ils savent tout d’elle. Pour parer à cette menace diffuse, les caméras dont Edwige a entouré son domicile ne suffisent plus. Elle s’est résolue ces derniers jours à déménager. « Ils ont mon adresse, et d’importants moyens », justifie-t-elle, déterminée à tout mettre en œuvre pour que son préjudice, notamment moral, soit reconnu. « J’étais un robot, souffle-t-elle. J’étais amoureuse. Je le suis encore, même si je sais qu’Arturo n’existe pas. C’est un sentiment étrange. »