Bien aimé. Spike Lee filme aussi bien l'aspect comique d'une idéologie, que la mauvaise conscience tragique du cinéma quand il devient un média, et ses personnages errent coincés entre ces deux pôles. Dans ce flottement la colère provoquée du spectateur réel s'aligne avec le désir frustré de ses personnages, ce qui déjoue paradoxalement le piège du manichéisme
Il est vrai que le début du film avec Stokely Carmichael est plus marquant en terme de mise en scène (alors que c'est la partie la plus fidèle à l'Histoire, mais aussi la plus anonyme et "sociétale") que l'enquête, très linéaire.
Il est quand-même salutaire de montrer le vrai David Duke, encore plus faux et composé que l'acteur qui le joue, citant Trump, et d'assumer le lien psychologique (mais dénié idéologiquement) entre négrophobie et antisémitisme, et, surtout, d'en faire une question de cinéma (où il s'agît d'essayer d'incarner des situations plutôt que de représenter des caractères).
Par contre. c'est vrai : pas de recul moral sur la technique de l'infiltration et le fichage policier (il est presque dit que cela prouve l'humanité des surveillés). Cet aveuglement en fait un film de genre (la comédie policière, en disparition), alors que le début pouvait faire penser à un film à la Sergio Leone, tel
Il était une fois en Amérique (avec une salle de meeting obscure en guise de fumoir d'opium).
Enorme incohérence aussi, partiellement rattrapée par le jeu des acteurs
, même si l'idée de Lee selon laquelle le racisme est d'autant plus dangereux qu'il est joué et superficiel au plan individuelle (il n'est pas une croyance personnelle, mais un complexe collectif) est, je crois, le bon angle.