Forum de FilmDeCulte

Je me sens un peu con quand je lis vos avis… J’ai l’impression qu’il me manque toutes les clés de lectures pendant 1h30, mais le dernier quart d’heure est magnifique, tant dans le propos que dans la forme.

Auparavant, le chassé-croisé peine à prendre du sens à mes yeux, je ne comprends tout simplement pas la quête (répétitive) des deux antagonistes et leurs parcours respectifs. J’ai dû passer à côté comme on dit… Parce qu’on est loin d’être devant un film désagréable, je n’ai presque pas vu le temps passer, mais je crois que le projet de mise en scène ne me parle pas du tout. Voilà, je suis incapable de parler du film tant je m'en suis senti en dehors, si ce n'est le portrait sans fard d'un Néruda décrit avec ses paradoxes.

Reste cette fin, poétique et tragique, où le propos prend corps et les partis pris audacieux passent comme une lettre à la poste

Bien qu'un peu trop verbeuse et solipsiste à mon goût, je préfère la partie consacrée au policier. Ensuite la traque est un prétexte à une rêverie poético-existentialiste typiquement sud-américaine qui fait que le film donne fréquemment l'impression de s'enliser ou de n'aller nulle part là où, naïvement, et au moins pour une part, j'espérais une sorte de polar classique. J'ai du mal avec la photo maronnasse du film par ailleurs. Mon avis rejoint celui de Gontrand mais je ne trouve pas inintéressant l'aspect critique du film - sur ces communistes de salon. Le film est une déception tout de même, je ne pense pas qu'il m'en restera grand-chose (j'ai beaucoup apprécié le personnage brossé en quelques traits du contrebandier libertarien dans le dernier quart d'heure du film). Dans le genre du biopic baroque, je préfère le Klimt de Ruiz et à certains égards, le film a pu me faire penser au très méconnu Nuit de Chien de Werner Schroeter, adapté d'un roman sudam et que j'avais beaucoup apprécié à sa sortie (à revoir d'ailleurs).

Ce ne sont pas tout à fait des "communistes de salon" qui entourent Neruda, à part à la limite sa femme (très bonne Mercedes Moran, actrice de composition qui jouait dans la Ciénaga de Lucrecia Martel il y a 15 ans dans une registre complètement différent), mais plutôt des permanents comparables à ceux de "la guerre est finie" de Resnais (comme dans le film de Resnais c'est au contraire leur professionnalisation dans le parti et leur couverture -bourgeoise pour détromper la surveillance, mais aussi la confirmer et s'aligner sur elle- qui les coupent du réel et neutralisent leur action qui ne vise in fine qu'à maintenir en vie le parti).

Le film dialogue aussi (même si c'est peut-être un artifice maniériste) avec ce Resnais et "Z" de Costa Gravas (l'acteur qui joue l'Espagnol qui trahit -à gauche sur la photo de DPSR- est grimé de manière à paraître le sosie de Jean Bouise qui jouait le même genre de rôle dans ces deux films)

La voix-off, certes peu objective, parle quand même de ces communistes mondains qui fuiront à la première occasion, ce que fait Neruda. On en sait très peu de son entourage, mais tous les communistes "authentiques" qui ont l'occasion de lui adresser la parole (comme cette femme qui au début lui roule une pelle avant de lui adresser une diatribe) adoptent une posture sceptique vis-à-vis de lui.

Mais c'est justement la voix du flic (et celle du metteur en scène certes), qui n'a pas de point de vue sur les camps, tombe dans la prédiction du passé (raccord avec l'image sur Pinochet qu'elle nomme), et permet dès lors très difficilement d'opposer les deux types d'engagements, que ce soit du point de vue historique ou du point de vue moral, même en se plaçant dans une lecture complètement "internaliste" du film.

Je sais bien qu'il est devenu très à la mode actuellement de culpabiliser à gauche comme à droite les réfugiés politiques (sur la petite musique: "s'ils sont trop pauvres ce sont en fait des réfugiés économiques, et s'ils sont trop riches ils ont plus ou moins directement partie liée avec le pouvoir et sont des complices objectifs ou intentionels des malheurs de leurs compatriotes, ppourquoi les aider eux plutôt que ceux qui sont restés...") ...on touche d'ailleurs là une des limites du film, qui justement parce qu'il est "rétro" reflète de manière profonde et sans distance l'idéologie de l'époque actuelle plutôt que la situation dont il traite explictement.

Sur cette geste communiste, tout dépend de si l'on adopte un point de vue cynique ou non sur la question. J'aime beaucoup un roman de Wyndham Lewis (qui a écrit un pamphlet pro-hitler aux débuts des années 30 avant de se rétracter de manière très lucide quelques années plus tard) qui traite des communistes salonards anglais, La Rançon de l'amour.
Le jeune communiste qui lui sert de chien de garde s'appelle Jara. Sans doute un nom commun au Chili mais qui est celui d'un célèbre chanteur exécuté dans un stade sous Pinochet.
Par ailleurs, je crois que Bolano parle en des termes peu amicaux de Neruda (pas sûr néanmoins). Je serais curieux de savoir à quel point Larrain a ça à l'esprit (Bolano était l'auteur mort dont les romans étaient le plus vendus à un moment - c'est-à-dire peu après sa mort prématurée - avec Tolstoï je crois).

Je pense plus à Carnets de voyage où Bernal jouait le Che. Ca donne d'ailleurs plus de sens à ton interprétation sur le flic et le communisme et on peut y voir une référence avec l'image de Bernal sur la moto.

Il y a (eu) plusieurs communismes et la limite entre les points de vue n'est pas liée à un plus ou moins grand cynisme. Celui de la Guerre d'Espagne (et même pendant la guerre d'Espagne il y a eu plusieurs phases) n'est pas celui de Philby, Pol Pot avait sans doute lu Victor Hugo mais pas Gramsci. Il ne faut pas oublier que c'est le Viet-Nam d'Ho-Chi-Min qui a enrayé le génocide du régime des Kmers rouges. Les conceptions théorique, sociale et politique des léninistes, des trotskistes et des luxemburgistes sont aussi très différentes, se recoupent mal et surout discutent moins entre elles qu'avec leurs opposants (example : dans sa dernière interview avant sa mort, Daniel Bensaïd parle de Rosa Luxembourg en la créditant uniquement d'avoir inventé la "forme-parti" la plus adéquate dans une situation minoritaire, sans rien dire de sa théorie de l'accroissement du capital et de son exportation coloniale, ni du riche paradoxe qu'il ya entre elle entre une méfiance envers la paysannerie, selon elle foncièrement conservatrice, et une valorisation bien articulée des économies pré-capitalistes). C'est d'ailleurs une tragédie.

Je suis un peu comme Qui-Gon et Jeronimo.

J'ai été séduit initialement, notamment par la mise en scène, vraiment "ample" et ludique et à -propos, dans son jeu avec les décors, dans sa mise en abyme (le portrait), et aussi par la peinture de ces communistes hypocrites, surtout que je ne connaissais rien à l'époque, mais je me suis petit à petit de plus en plus poliment ennuyé face à ce chassé-pas croisé qui peine à réellement (me) raconter quelque chose avant de finalement s'incarner dans un magnifique dernier tiers tout en poésie.

Pas entièrement convaincu donc mais je suis toutefois heureux de découvrir Larrain dont j'attends beaucoup le Jackie.

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Neruda m'a également beaucoup fait penser au Klimt de Ruiz, au Conformiste de Bertolucci comme le mentionne Gontrand, on sent le film boursouflé par ces références dont il n'approche la qualité d'aucune. Je trouve sa mise en scène extrêmement prétentieuse (les mouvements circulaires de caméra, les scènes - en particulier dans la première partie - où le discours se poursuit tout en éclatant les lieux où cela se passe, le recours systématique au contre-jour, sans que je ne vois aucune justification à aucun de ces procédés), hormis la dernière partie que tout le monde me semble reconnaître comme la meilleure pour le reste je me suis relativement fait chier. Par contre à l'inverse de certains je ne suis pas du tout convaincu par Gnecco, beaucoup plus par Bernal.

Tu devrais tester No. Je pense que tu tiqueras sur la qualité dégueulasse de l'image mais pour le reste tu devrais adorer. Film génial.

Si je kiffe Jackie, je téléchargerai No.

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J'adore le réalisateur donc je ne suis pas objectif mais ça restera vraiment un grand film des années 2010. Même si je lui préfère Post-mortem, c'est son film le plus accessible sur le fond. Larrain réussit une comédie sur un fait d'histoire potentiellement sérieux et pompeux, le film est pensé de manière superbement intelligente et la vision te fout vraiment la pêche. Un excellent feel good movie et c'est vraiment très grand public. Je dis ça car je suis pas sur par contre que tu accroches à Post-mortem ou Tony Manero. Enfin bref même si tu n'accroches pas à Jackie, ça vaut le coup de tester No. Et puis c'est un bon film, Zad lui a mis 2 (d'ailleurs je comprends pas comment il a aimé le dernier Gus Van Sant).

Je n'avais pas trop aimé No (même si ce que tu en dis y est), mais il prend plus de cohérence avec Neruda. Le réalisateur sembler tourner autour de la figure d'Allende sans parvenir à la filmer, et se rabat sur d'autres périodes historiques situées avant et après la période 1970-1973 qui valent non pas pour elle-même mais sont plutôt des métaphores de cette période centrale. Il y a à la fois l'aveu d'une impuissance et un désir de faire malgré tout un cinéma collectif (mais mémoriel), rachetant une tragédie politique. Ce n'est pas tout à fait la même démarche que le Conformiste même si l'apparence finale en est fort proche (le cinéma de Bertolucci fait à la fois un procès politique au père et une déclaration d'amour oedipienne à la mère, celui de Larrain n'arrive au contraire pas à se représenter la génération de ses parents).
Pas vu les autres Larrain qui m'intriguent.
S'agissant de Neruda, la fin m'a au contraire sorti du film (ce plan avec le néon qui clignotte et le Bernal accoudé à sa fenêtre dans une sorte de tableau de Hooper...quand-même bien cliché), elle m'a fait l'effet d'une pirouette pour finir un film infinissable (dans les Cahiers, Larrain dit avoir filmé plusieurs fins, et avoir choisi laquelle montrer au petit bonheur), ce qui m'a plû dans le film c'est en revanche le monologue mental continu du policier qui fonctionne comme un film dans le film . C'est à la fois une fausse conscience, au sens d'une capacité d'objectivation construite à partir d'un complexe personnel, et un point de vue très écrit, très analytique sur l'histoire en train de se faire, mais dans lequel le personnage ne s'engage finalement pas.

Je dois être le seul à l'aimer sur le forum mais tente Post-mortem. Après, le film n'est pas facile avec son ambiance mortifère.