A quoi reconnait-on un film des frères Coen ? A leur sens de l'absurde inné, à leur goût pour les échappées surréalistes ? A leur mise en scène sereine et souveraine ? A la géniale utilisation de la musique ? Inside Llewyn Davis pourrait être un parfait résumé de leur filmographie, faux biopic d'un chanteur folk qui serre doucement le coeur sans jamais forcer la voix, long fleuve tranquille et pourtant si mélancolique. Llewyn Davis, Gallois comme Bob Dylan, a l'âme en peine. Le duo qu'il formait a volé en éclat et il passe désormais de salle de concert en canapés ou banquettes d'amis, parfois dans le désordre, toujours amoureux de la belle Jane - Carey Mulligan beaucoup plus convaincante ici que dans Gatsby le magnifique.
Comme dans True Grit, leur précédent film, Joel et Ethan Coen désossent le mythe et la reconstitution polie (pour transformer le Far West dans True Grit, le Greenwich Village des années 60 ici), en univers d'un film des Coen. C'est souvent sublime - le voyage à Chicago, les scènes chantées -, toujours nimbé d'une brumeuse étrangeté qui fait leur patte, parfois jusqu'à l'excès. "On ne gagnera pas des millions avec ça", assène le producteur après l'audition du malheureux Llewyn Davis. Les frères Coen pourraient être millionnaires à Hollywood, mais ils préféreront toujours les losers magnifiques, les routes dans le brouillard, les histoires d'amour qui finissent mal. La classe, assurément.
5/6
(à noter que j'ai écrit une autre critique ici:
http://festival-de-cannes.parismatch.co ... vis-427852)