- (1939) La Chevauchée fantastique 5.5/6 Le grand western classique par excellence, même s'il est difficile de s'imaginer à quel point ce film était novateur à l'époque. L'apparition de John Wayne au moyen d'un travelling avant légèrement tremblé, c'est le début magistral, magique, d'un mythe qui perdurera près d'un demi-siècle. La diligence qui rassemble les marginaux de la société US, avec un banquier perdu au milieu, est un autre des motifs forts qui ont fait de John Ford le conteur par excellence de l'émergence chaotique d'une nation.
- (1939) Vers sa destinée 5.5/6 Grand film sur les débuts de Lincoln en tant qu'avocat. La peinture du personnage est mélancolique, méditative même par moments, s'autorisant des ellipses audacieuses mais au final profondément poétiques, comme cette brusque coupure entre le flirt de Lincoln et Ann Rutledge, et la visite du premier sur la tombe de la seconde.
- (1940) Les Raisins de la colère 6/6 John Ford prouve qu'il est loin d'être le conservateur que beaucoup voient en lui, avec ce film d'un humanisme simple et beau. Tout le passage dans le camp de "réfugiés" est aussi évocateur d'une Amérique qui peut vite tourner au fascisme (cf la scène ultra-sombre où Fonda enfreint le couvre-feu). Le bal, la fin, d'un lyrisme assumé... tout concourt au chef d'oeuvre.
- (1941) Qu'elle était verte ma vallée 4/6 Oui bon alors là, grosse réserve pour ma part sur la naïveté, je dirais presque la niaiserie du film à certains instants. Pour moi c'est ici le Ford un peu agaçant, qui a une tendance au prêchi-prêcha catholique... Mais ça reste un film important dans sa description du monde ouvrier.
- (1946) La Poursuite infernale 6/6 Là encore John Ford installe un climat de forte mélancolie, qui me parle beaucoup. C'est tout de suite fort émotionnellement (la mort du petit frère dès le début du film, osée et choquante) et ça continue tout le film, qui mêle légèreté et profondeur du discours. Un des films les plus fins de Ford.
- (1948) Le Massacre de Fort Apache 5/6 Un film qui montre que Ford peut tout à la fois aimer sa patrie et la critiquer. Ici, la cavalerie comme instrument de conquête est glorifiée sans complexe, mais il y a aussi une réflexion sur le mécanisme de création de la légende très intéressante. La fin est au moins aussi amère que joyeuse. L'amertume va gagner du terrain à mesure que Ford va viellir.
- (1949) La Charge héroïque 4/6 Là c'est un peu plus bourrin, moins intéressant sur le fond, le film vaut davantage pour les rapports sentimentaux.
- (1950) Le Convoi des braves 4/6 On pourrait sans peine désigner ce film comme un des chefs d'oeuvre de Ford tant l'épure est maximale, et les thèmes du maître condensés. De mon côté, je ne suis jamais à fond, ces pélerins et leurs tribulations ne m'intéresse pas des masses. Il y a une bonne scène avec le passage du convoi dans les montagnes. La fin, symbolique jusqu'à l'extrême, confine au kitsch.
- (1956) La Prisonnière du désert 6/6 Chef d'oeuvre absolu et l'un de mes films préférés. Ford fait exploser à l'écran, dans un Technicolor à se damner, toute la violence du Grand Ouest, sans pour autant abandonner la sensibilité qu'il met à décrire les rapports humains (cf quand le capitaine-révérend boit son café avec toute la compagnie qui s'agite autour, puis la scène muette où John Wayne reçoit son manteau de son ancienne amante). A voir au cinéma, pour ressortir sonné.
- (1960) Le Sergent noir 3/6 L'équilibre entre farce et drame, si naturel à Ford, me semble ici raté. Déjà parce que la farce en question est plus bourrine que jamais. Ensuite parce qu'elle cotoie d'un peu trop près les flashbacks visant à découvrir la vérité, pour le coup assez réussis en mode thriller. Mais il y a le "I'm a man" de Woody Strode filmé en contre-plongée qui se lève, et là ça devient iconique, très émouvant.
- (1961) Les Deux Cavaliers 5.5/6 Film super impressionnant dans sa manière de traiter d'une multitude de thème l'air de rien. C'est cette nonchalance, cette fluidité, qui permet en retour une émotion authentique, dépouillée d'artificialité, quand le drame finit par se produire, comme dans ce film où la différence entre Blancs et Indiens devient au moins aussi poignante que dans La Prisonnière du désert.
- (1962) L'Homme qui tua Liberty Valance 6/6 Western archétypal et profonde réflexion sur les ressorts du mythe de l'Ouest tout à la fois, voici un film qui inspire le plus profond respect. L'homme qui glorifiait la nation américaine, parfois sans retenue et sans recul, livre ici une oeuvre dont le maître-mot est complexité. La prosperité de l'Amérique s'est faite sur le meurtre, qui, même perpétré par la justice et rehaussé par le discours de la légende, n'en demeure pas moins consubstantiel à la nation américaine.
- (1964) Les Cheyennes 4.5/6 Belle fresque qui épouse un peu plus le point de vue des Indiens, même si les héros sont aussi américains. John Ford désabusé par les crimes commis par son pays. On a même l'impression que taxé de racisme comme il l'a été durant sa carrière, le cinéaste avait à coeur de montrer qu'il était, avant d'être Américain, profondément humaniste.
John Ford n'est pas le genre de cinéaste vers lequel ma sensibilité me porte de prime abord: élégie de la communauté, tendance au moralisme chrétien, goût pour la farce et le grossier, mise en avant d'un acteur, John Wayne (ce sont ses personnages qui comportent probablement le plus d'éléments autobiographiques), avec lequel je ne m'identifie aucunement... Mais en creusant un peu, en grattant cette surface de patriote indécrottable, on découvre un immense, immense auteur qui cache en fait une grande sensibilité. Sa caméra, donnant la primauté aux personnages, ne bougeant que lorsque ceux-ci bougent ou lorsque c'est absolument nécessaire, aura inspiré quantité de réalisateurs dans l'histoire. Loin de s'en être tenu à une vision edulcorée de la nation américaine, John Ford se sera remis en cause jusqu'à la fin, si bien que sa filmographie est beaucoup plus riche et variée que ce que l'étiquette de faiseurs de westerns (C'est Ford lui-même qui a contribué à cette image, qui le rassurait probablement: "Je suis John Ford, je fais des westerns") suppose. J'ai hâte de connaître l'immensité de son oeuvre pour de vrai.
Et un petit classement: 1- La Prisonnière du désert 2- La Poursuite infernale 3- Les Raisins de la colère 4- L'Homme qui tua Liberty Valance 5- Vers sa destinée
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