1964 : L'Évangile selon saint Matthieu
C'est énorme et formellement impressionnant, (le montage est digne de l'expressionnisme russe. En le voyant je me suis rendu compte que j'étais complètement déchristianisé, les situations étaient aussi inédites pour moi que pour les personnages. Une réserve relative à un aspect qui m'a sorti du film: l'usage de leitmotiv musicaux, qui a tendance à orienter de parfois univoque et très dirigiste le regard et la perception du spectateur (d'autant qu'Alexandre Nevsky de Prokofkiev est encore plus massif que la chevauchée des Walkyrie de Wagner). Cela donne du coup à son Christ une dimension quasi-nietzschéenne. De plus la missa luba de la résurrection à la fin forme une boucle avec le générique du début. Lidée que la résurrection des corps doit aussi être celle des affects pour Pasolini qui transparaît dans ce conditionnement par la musique. Pasolini reproche aux Phrarisiens (les bourgeois que Pasolini identifie au pouvoir) de séparer les deux aspects : pour eux la foi est rationnelle et ontologique ils ne comprennent pas que Dieu désire la foi des hommes. Mais il est intéressant de voir des situations et formes qui réapparaissent dans ses derniers films (Salo ou les Contes de Canterbury) : Jésus compense par le scandale et une forme d'exhibitionnisme le voyeurisme préexistant du pouvoir (le fascisme est la rupture de cette compensation)
5/6
_________________ Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ? - Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.
Jean-Paul Sartre
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