J'ai eu l'idée, d'emblée craignos je l'admets, de lire ce truc :
soit l'adaptation en BD, collection rivages/casterman/noir/mes couilles, collection qui de toute façon part pas d'une grande idée éditoriale, du roman Shutter Island de Dennis Lehane par le bédéaste que je connaissais pas et que j'ai du coup aucune envie de connaître, Christian De Metter.
en feuilletant, je me disais déjà que le dessin allait pas pisser loin, même si en n'hasardant qu'un coup d'oeil, on pouvait se dire que y'avait au moins un peu de classe dans le broux de noix/pinceau :
académisme raide et cliché, en vérité, avec visage raides et constamment inexpressifs, découpage absolument inepte, lissitude absolue de chaque planche, jamais dynamique, jamais surprenant, toujours ronflant sur le doux ron-ron des seuls dialogues, n'ayant rien à proposer graphiquement pour donner un peu vie au récit de Lehane.
récit qui pourtant en a violemment besoin: si la BD, comme il est proclamé par Casterman, est fidèle au bouquin, je vois pas bien ce qui a pu retenir l'attention de Scorsese dans ce polar psychologique déjà vu mille fois, où tous les clichés sur la violence et la folie sont ressassés jusqu'à plus soif, et où les "révélations" tonitruantes, insupportablement twistesques, s'enchaînent sans autre surprise que celle de se rendre compte qu'aucune audace, qu'aucun passage hors des clous ne surviendra : rien de nouveau sous le soleil du polar un peu poisseux, des univers mentaux torturés et des messages codés. Comme en plus les dialogues sont lourdinguissimes (mal traduits?) et les dessins pauvres, pas moyen de se raccrocher à du style, pour au moins sauver une pulsation, une ambiance, quelque chose... P-ê que Lehane écrit mieux que la BD le laisse à penser. Mais si ce n'est pas le cas, on est dans du sous-roman de gare, sans intérêt aucun.
sinon je lis ça :
c'est très étonnant de lire Mes Voisins les Yamada quand on connaît l'anime. C'est là aussi que tu mesures le talent de Takahata, qui, à partir d'un matériau dont on aurait pu faire soit une comédie grasse, soit un truc un peu inoffensif en mode blog de meuf, a su retenir le meilleur, à savoir le mélange de cruauté malaisante et de cette poésie qui sourd finalement très discrètement chez Ishii.
je suis assez surpris par le courage éditorial de Shampooing sur ce coup-là, une fois n'est pas coutume. En effet, contrairement à Peanuts, qui est réellement universel et constant, les strips des Yamada sont souvent très marqués culturellement, beaucoup de gags nécessitent d'être expliqués en note de bas de page, et certains jeux de mots ne sont pas traduisibles. L'édition française se doit donc d'expliciter les significations de certains gestes et comportements complètement banals par chez nous, mais parfois très mal acceptés au Japon, et sur lesquels Ishii construit certains de ses gags. De fait, lire les trois tomes des Yamada n'est pas une mince affaire, c'est assez inégal, pas mal de trucs tombent à plat, et pourtant quelque chose fonctionne. Je ne sais pas si ça vient de ce que j'adore à la base l'anime, mais les personnages me touchent en permanence, notamment la mère, desperate housewife avant l'heure et sans l'argent, à qui Ishii réserve toujours les gags les plus inattendus, quand bien même ceux-ci fonctionnent souvent sur le comique de répétition. Et c'est un peu une caractéristique de l'ensemble de ces strips, qui fonctionnent en effet sur quelque chose de très répétitif, très métronomique, et pourtant de toujours imprévisible, impossible de deviner par avance où la chute nous amène, on est d'ailleurs plus souvent étonné qu'hilare.
bon et puis je suradore le dessin.