Je suis convaincu qu'à cause de la durée de ses films Lav Diaz gagne à être vu au cinéma. Quand tu viens pour un film de 4h, tu te mets dans les dispositions psychologiques adéquates, ce qui n'est pas le cas lorsque tu vois le film chez toi (où tu te prépares à le voir par parties comme tu l'as fait). Norte est effectivement statique et verbeux au départ ce qui peut décourager, mais c'est pour mieux poser les bases et mettre à jour les contradictions de Fabian. Néanmoins rapidement (à l'échelle d'un film de Diaz) tout s'accélère, et je me souviens ne plus avoir du tout eu le sentiment du temps lors de la projection. Je n'aurais eu aucune difficulté à croire que sa durée était de 2h plutôt que 4h, si ce n'est son infinie richesse (qu'il est difficile de trouver dans un film d'une durée classique).
En tout cas énorme coup de cœur à sa sortie. Pendant des mois j'y ai repensé chaque jour, et encore aujourd'hui je conserve énormément de moments forts en mémoire. Je me délectais des autres films de Diaz que j'allais découvrir, j'ai pas mal déchanté. Les deux suivants qui sont sorties en France furent une torture, le second je ne suis même pas parvenu à tenir jusqu'au bout. Il faudrait que je tente les plus anciens (il y en a parait-il 9 disponibles sur MUBI), mais leur durée (8 à 10h) fait tout de même un peu peur. La grande force de Norte, que je n'ai pour l'instant par retrouvé ailleurs dans sa filmographie, c'est la profondeur psychologique de ses personnages. Ils sont vraiment touffus, complexes, tiraillés par des sentiments opposés, ce qui n'est pas du tout le cas dans
La Femme qui est partie ou
Halte, où Le Mal repose sur des figures caricaturales et ridicules. Fabian est d'une toute autre envergure, probablement parce qu'il est, au-delà de la représentation de Marcos, une version philippine de Raskolnikov, et qu'il profite de la richesse et de la complexité du roman de Dostoievski. Je ne suis pas au fait de la manière dont Diaz écrit ses scénarios, mais celui là donne l'impression qu'il a tout à gagner à canaliser sa colère contre les dictatures qui se sont succédé aux Philippines en s'appuyant sur un matériau existant plutôt que de laisser libre court à son imagination.
Karloff a écrit:
qui évoque aussi bien le cinéma de Tarkovski (jusqu'à citer un plan célèbre du Miroir)
Le film m'étant passé totalement au-dessus de la tête, je serais bien incapable de faire le lien. Il s'agit de quel plan?
Karloff a écrit:
ses contempteurs mexicains (le Reygadas de Japon bien sûr, mais aussi le Roma de Cuaron) que les grands maîtres taïwanais (HHH et surtout Tsai Ming-liang).
Je ne connais pas Reygadas, pour le reste je ne vois pas trop le lien... Certains moments avec Joaquin (la lévitation évidemment) m'ont fait penser à Weerasethakul mais c'est peut-être abusif, je n'ai vu qu'un seul de ses films.
Karloff a écrit:
Je ne suis pas toujours fan du jeu de certains acteurs
Ah, lequel ou lesquels? J'ai trouvé les 3 acteurs principaux merveilleux, et l'usurière tête de crapaud est parfaite elle aussi (donc ignoble).
6/6 (et je n'en met pas souvent).
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