Forum de FilmDeCulte

Marcia trionfale en VO.



Étudiant au civil, le deuxième classe Passeri vit l'enfer d'un service militaire où il est sans cesse humilié, bafoué et brimé par l'autorité de ses supérieurs. Un capitaine décide de le prendre sous son aile...


Encore un film de Bellocchio où la puissance mystérieuse de la mise en scène le dispute au didactisme tarte de la démonstration. Univers de sadisme, de merde, et d'ascendant sexuel tous droits sorti de Salò, le monde militaire décrit ici a indéniablement une pertinence par la manière dont il parvient efficacement à renouer avec quelque chose du fascisme, même si l'ensemble est quelque peu déréalisé et digéré par la farce, jusque dans le jeu parfois accéléré de Placido (qui dans un univers parallèle fut donc un jour un joli jeune homme - tout arrive). Rien que le plan d'ouverture, qui par un simple choix de profondeur de champ fait progressivement émerger du groupe de soldats une personnalité, et de leur impassibilité une détresse morale qui les étreint probablement tous, me prouve que Bellocchio reste un cinéaste d'envergure.

Le retournement brutal que le scénario réserve à son héros réduit malheureusement très vite les ambitions possibles du film, transformant un personnage doué de raison en benêt niais. Rien de vraiment pernicieux dans tout ça (rien de ce qu'évoque le beau thème musical inquiet de Piovani) : c'est un schéma on ne peut plus clair qu'on nous donne alors à observer. Obsession dérisoire des signes de la virilité, héros qui nous refait son Œdipe : tout le discours nous est présenté clé-en-main, même s'il y a un plaisir hargneux qu'on peut partager, je suppose, dans cette façon de tirer à tout va... Entre-temps les personnages sont devenus des pantins au service de la démonstration. Le film aurait vraiment gagné je crois à rester au sein du groupe, à regarder muter sa figure centrale au sein du microcosme hiérarchisé de ses camarades et de leurs règles d'honneur implicites, car il n'y a aucun mystère dans le cliché appliqué de cette pseudo-relation père-fils autour de laquelle le film s'enferme.

L'ensemble retrouve un peu de coffre à la fin, lorsque le groupe rentre à nouveau en jeu justement, notamment en laissant traîner l'idée que le pacifisme des débuts n'était pas une beauté d'âme, mais le symptôme de la lâcheté d'un personnage puéril se complaisant dans ce rôle de victime. Mais globalement, même si le film fait son job de jeu de massacre, c'est une déception.


Bon... J'espère quand même que tous ses meilleurs films sont pas cantonnés aux années 2000.