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MessagePosté: 30 Jan 2025, 23:56 
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Dans une France rurale, hivernale et désertique, les errances d'Ivan, enfant placé à l'assistance publique par une mère fragile et pauvre, puis à 30 ans, devenu une sorte de vagabond, exilé dès la naissance


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Seul film de Michel Cournot, pape critique du Nouvel Obs, qui flinguait (souvent avec un certain humour) le cinéma à la Audiard, mais aussi, ce qui est plus maladroit (ou sciemment autodestructeur) au vu du type de cinéma qu'il pratique ici, Marguerite Duras et Robert Bresson.
Le film, appuyé par Godard (Anne Wiazemsky a un petit rôle) aurait du être montré au Festival de Cannes, qui fut annulé en mai 1968 comme on sait, par les cinéastes eux-mêmes, en solidarité avec le mouvement politique et social.

Le film a fait une petite sortie, et a été éreinté par la presse (polémique avec Audiard qui visiblement annonce le rant de Jeunet contre Kaganski, sauf que Cournot avait réussi à inverser les rôles) enterrant la carrière de Cournot. Une partie de l'histoire de ce film figure dans le Redoutable de Michel Hazanavicius, dans lequel Cournot est un personnage secondaire, un peu prétexte, mais on devine qu'Hazanavicius suggère que ce film sacrifié a pu lui plaire, .
La casting est assez important (Annie Girardot, Bruno Cremer, Jean-Pierre Kalfon, et la femme, ukrainienne d'ailleurs, de Cournot, Nella Bielski, d'où une connexion avec autre chose que la France, on va y revenir) etil a été produit par Claude Lelouch et Ariane Mnouchkine.


Et c'est assez dommage car c'est un très beau film, maladroit mais troublant. Plus qu'à la Nouvelle Vague, j'ai pensé à une inspiration rare dans le cinéma français Le Miroir de Tarkovski (qui lui est postérieur de plusieurs années), : un Oedipe compliqué,coincé dans l'enfance et qui rejoint la mémoire tragique du XXème siècle. Il faut liquider une sorte de dette familiale et de lâcheté ou d'impuissance collective par l'image, les situations les images. Sacralisées et en même temps volontairement temporaires, non pas le contenu du salut moral mais son signe, elles sont aussi fragiles que le négatif qu'elles conjurent. On n'est pas loin non plus des films de Carmelo Bene, en moins intello et malgré tout plus populiste (les personnages savent le naturalisme fini, mais s'y enferment comme dans une ruine, protectrice et respirable).
Le début rural de l'Une Chante l'autre pas et Sans toit ni Loi de Varda lui doivent beaucoup, même lumière, les mêmes friches entre nature et lieux abandonnés, comme chez Varda une fatigue et une forme de raideur impossible à cerne exactement, une sévérité qui là où elle est subie, éloigne pour cela la honte sociale.

La fin en forme de trip existentiel (qui peut un peu laisser de côté j'avoue, mais m'a fasciné) m'a même rappelé celle de 2001, mais là où la référence picturale de Kubrick est peut-être le Tintoret (la transcendance ou une forme de définition ontologique de l'homme brut placée dans espace énorme, mortel, mais pouvant être physiquement parcouru), ici on pense aux natures mortes à la fois calmes et aridement matérielles (plutôt que pauvres, sont-elles aussi modestes qu'elles le paraissent) de Chardin, l'ésotérisme fini des choses dans une France grise et abstraite. La musique est impressionante : Penderecki, des chorals religieux anglais , bien intégrée dans le film.


Le film mobilise beaucoup la mémoire politique tragique du XXème siècle (la Shoah, les luttes coloniales - beaucoup d'images des trains, de brèves scènes de colères sociales rendues illisibles et absurdes en survivant à la perte de leur objet), et les espoirs politiques du moment 1968, plutôt dans une veine anar de gauche lyrique (un peu du Genet hétéro en fait) que gauchiste.
Mais il y a aussi, en contrechamps, de cette énergie une mélancolie, que le lyrisme et l'esthétisme du film n'arrivent pas à liquider. Qu'elle soit d'avant la parole, émanant des choses, sensible avant d'être une idée voire une idéologie, est peut-être une chance paradoxale : elle est plus vieille que la lutte, même si elle reste une inconnue. Même déniée, gênante, elle reste la même pour tous, un commun, une enfance hivernale, agissante que Cournot filme comme un secret, une honte retournée en explication - à recueillir pour être détruite.

Et extraordinaire générique final.

On trouve sur YouTube et Archive.org un enregistrement VHS passablement pourri, le film a dû passer sur la 5 de Berlusconi une nuit de 1990 : le film enchaîne sur les premières secondes du générique de la première saison de Twin Peaks, il y avait quand-même des progammateurs de télé inspirés

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