Full disclosure: je n'ai jamais eu d'embrouille avec le fameux Captain Marv, le pseudo Twitter du réalisateur. Il a fini par me gaver par son jusqu'au-boutisme revendicatif constant, mais j'ai pas vécu les cacas nerveux à base d'insultes et de bloquages tels que relatés par d'autres. Mais ceci ne va pas durer, car je sens qu'il va taper son nom dans Google, tomber sur cette critique, et la poster sur Twitter en en citant "les pires passages".
Comme on le savait déjà, ce n'est pas un documentaire sur la cinéphilie. Ce thème doit occuper les 20 premiers % du métrage, avant de basculer sur la crise de la représentation: des minorités et des genres (cinématographiques et sexuels). J'ai pris du plaisir à regarder le film car j'adore entendre parler de cinéma, mais il y a tellement de moments qui m'ont gêné que j'ai dû me lever à plusieurs reprises prendre des notes. A la fin, je noircissais un carnet pour rien oublier.
Je passerai sur les défauts techniques flagrants: l'interview de Rafik Djoumi débullée dans un bar avec une affiche de Kyo derrière. Même l'interview de Céline Sciamma, une des plus propres techniquement, est gâchée par des zooms numériques pixelisés dans le plan histoire de donner l'illusion d'une double caméra. C'est quand même fou de construire un film à 100% autour d'interviews et pas les soigner plus que ça.
Ce avec quoi j'ai vraiment maille à partir, c'est le message du film, et surtout ce brouillage constant entre ce que les intervenants (souvent très pertinents) disent et ce que le réal veut à tout prix faire passer. Parfois c'est de la maladresse, parfois c'est du commentaire perso qui vient presque saper le commentaire des interviewés eux-mêmes. Je ne nie pas à Maxime Solito son droit à la subjectivité, mais disons que ça renforce le côté "film de mec qui en a gros sur la patate" (ça se termine quand même par un plan de guillotine, genre les cinéphiles vont se venger de ceux qui leur ont fait tant de mal...).
Ces commentaires du réal passent le plus souvent par des extraits de films. Globalement le montage fonctionne sur le mode de la "culture-GIF" Twitter: un bref extrait de film pour exprimer une émotion ou fournir un contrepoint. Exemple: Djoumi dit "
les cinéphiles qui se touchent sur Pialat" - insérer ici un plan d'Alison Pill qui se tire une balle dans SCOTT PILGRIM. C'est comme ça absolument tout le temps. Ça donne au film un côté vivant (et ça a dû demander un sacré boulot niveau montage) mais c'est souvent un peu con-con. On parle du CNC et comment l'illustre-t-il ? Avec des plans de la Mafia dans CASINO...
Alors certes, on rigole par moments devant l'embarras du directeur du CNC qui surestime violemment le nombre de films de genre soutenus par l'avance ("
30% ?" "
Non c'est 4." - bon, je pense que le mec du CNC compte les comédie et les films avec un meurtre en "genre"...). Mais toute tentative de pertinence est aussitôt balayée lorsqu'on parle du népotisme et qu'on l'illustre avec un plan de Marilou Berry et Josiane Balasko dans JOSEPHINE (?). Ouais, c'est un film qui a trop été défendu par le CNC...
Il évoque bien sûr le bon vieil épouvantail des "commissions", mais c'est pour juste après citer Céline Sciamma qui défend le système en disant qu'il n'est "
pas du tout stalinien" - mais t'as l'impression que ça n'impacte même pas le commentaire de Solito. Il est sur une vérité, et il ne faut pas en dévier.
Toujours sur la soi-disant "censure" du CNC: il l'illustre avec des coupures de presse sur les interdictions d'ANTICHRIST ou de LA VIE D'ADELE à la demande des assos catho.
Bref, il fait du CNC le grand méchant, et de son directeur général le big boss comme Phil Knight chez Michael Moore. Mais le vrai méchant, ce sont les chaînes... et il en parle quasiment pas.
Concernant la critique: on rit jaune (avec lui) devant les critiques assassines de films de genre, mais encore une fois il mélange tout, entre les films français et les blockbusters américains (sincèrement, qu'est censé révéler le fait que Malausa a détesté LE HOBBIT: LA BATAILLE DES CINQ ARMEES ?). Solito pousse même le bouchon jusqu'à intégrer GRAVE dans une liste de film de genre pas défendus par la critique.
Lorsqu'il évoque la critique française qui défendra toujours les films sur les démunis (pas faux), les films fait avec une technique cheap, les films fait à l'iPhone (mouais...) -et là, plan d'illustr': un palmarès de festival du film iPhone AMERICAIN.
J'ai conscience qu'il ne cherche qu'à varier les plans pour varier les plans, insérer des illustr' pour pas qu'on s'ennuie, mais c'est souvent à côté de la plaque. On t'évoque "
Les critiques qui n'ont en rien à foutre du montage", et Solito te met un plan de Siskel et Ebert...
Dans son état des lieux du cinéma français, il cite Pascale Ferran qui déplorait la disparition des "films du milieu". Mais juste après, la voix-off se plaint que les films de genre n'ont pas les mêmes budgets que les drames ou les comédies, qui sont justement, toujours d'après la voix-off "
les films du milieu". N'IMPORTE QUOI.
Là où le film marche, c'est sur la représentation des minorités, où le constat est objectif et incontestable (même si justement, le CNC est sans doute le guichet qui va le plus favoriser la représentation des minorités, mais bref...). Sur la place des femmes, la longue citation de Despentes est pertinente et incontestablement vraie. Et, malgré une certaine malhonnêteté (il te sort 5 affiches de films de genre de différents pays pour montrer la diversité du genre ailleurs qu'en France - désolé, mais on peut faire pareil avec 5 affiches de films de genre français remarqués à l'étranger), malgré une certaine malhonnêteté, donc, le passage sur l'héritage "genre" en France qu'on a totalement occulté est particulièrement frappant. C'est sans doute le meilleur moment du film.
Enfin, le film a été tourné il y a longtemps (l'interview de Bob date de décembre 2014) donc il est déjà en retard sur l'actu. Solito saupoudre de plans de WONDER WOMAN (chaque fois qu'on parle de diversité
) mais pas un mot sur Netflix ou les nouveaux usages, alors que ça aurait été infiniment pertinent.
Pour ceux que ça intéresse, le film est visible ici:
https://vimeo.com/ondemand/lescinephiles/236305085