Larry Crowne (Tom Hanks), ancien cuisinier dans la marine, vivant seul et divorcé, est chef de rayon et vigile dans un hypermarché, depuis de longues années. Employé zélé, efficace mais dont on sent qu’il possède une part de naïveté, il se fait licencier au motif qu’il n’a pas de diplôme universitaire qui lui permettrait d’avancer en carrière, mais le vrai motif est l’âge. Sans revenu, et aux abois, il est contraint par sa banque de vendre sa maison (« la seule erreur de ma vie a été de contracter un emprunt pour acheter la part de la maison de mon ex-femme »), et remplace son SUV pour un scooter d’occasion. Conscient qu’il est en train de sortir de la classe moyenne, il se raccroche à une université qui donne des cours du soir aux adultes. Il tombe sous le charme de Talia (Gugu Mbatha-Raw), une jeune élève spirituelle et vivante, adepte de feng-shui, qui l’inclut dans une bande de conducteurs de scooters dirigée par l’homme avec qui elle sort, une sorte de version décalée et mineure de la horde sauvage. A l’université, il suit le cours d’expression orale de Mercedes Tainot (Julia Roberts) , une prof alcoolique, dépressive, démotivée par son métier et ses élèves, mal-mariée à un ex-écrivain accroc aux sites porno, elle va chaque matin au boulot dans le souvenir endeuillé de sa thèse sur Shaw…
Contre toute attente, j’ai plutôt apprécié ce film et l’ai trouvé pas trop bête, plutôt supérieur à la moyenne du genre. Tom Hanks a une ambition intéressante : faire à la fois un feel-good movie et réactiver les situations mélodramatiques et sociales du cinéma de Sirk dans le contexte de la crise des subprimes. On n’échappe certes pas à l’effet « Fred « (la future Princesse de Piémond dans la peau d’une fille qui galère et veut se stabiliser…). Le propos politique progressiste du film est certes limité. Le risque du chômage y est montré comme une catharsis salutaire. Les altérités « raciales » et sociales sont simultanées (Talia, puis la voisin black dur en affaire mais sympa de Larry sont les seules à l’aider), et toujours posées par des êtres à la limite du déclassement qui redonnent l âme à la classe moyenne l’âme qui lui manque, et lui apprennent ensuite à agir de manière responsable et plus éthique. Le réalisme du film doit supposer un cadre où la responsabilité politique n’existe que là où la compréhension de l’altérité a déjà eu lieu, est achevée, et n’a pas été conflictuelle, ce qui n’arrive que rarement dans la vraie vie. L’intrigue amoureuse est aussi assez prévisible
Pour autant le film relie honnêtement la crise économique à une critique de la surconsommation, et sans trop l’appuyer, finalement touche aussi à un début de prise de conscience de l’insoutenabilité écologique du train de vue de la classe moyenne est un facteur de crise économique et de déclassement, un message qui semble-t-il n’est pas passé auprès du public américain . Sur Wikipédia on y lit que le film a été un échec, 71% de spectateurs avaient plus de 50 ans ce qui semble le critère décisif pour parler de « négative reception ». Mais j’ai trouvé réussi le début, la drôlerie cruelle de la scène du licenciement. La plupart des scènes de la partie humoristique du film raillent gentiment l’atmosphère des cours du soir (profs approximatifs, élèves d’âges et de milieux différents), et j’ai trouvé cela parfois bien vu et drôle, plus vache que méchant, certains dialogues sotn pas mal. Hanks et Roberts jouent bien. Le personnage de Mercedes Tainot, qui porte sa douleur presque jusqu’à la fin du film, est en fait assez beau, on pense à certains personnages féminins de Mankiewicz réactivés à l’heure du Tea Party et de YouPorn.
3.5/6
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