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MessagePosté: 09 Jan 2013, 00:44 
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Koyaanisqatsi, la prophétie pour le nouveau titre français.

Image

Une suite d'images voyageant à travers l'Amérique, de ses paysages à ses villes, des pictogrammes amérindiens à l'explosion technologique, sans texte ni parole.


Bon, j'avais rien contre le projet (pas de paroles, successions de vues, structure musicale opéra), mais au final j'arrive pas à comprendre à quel moment le résultat est autre chose qu'un programme très appliqué de rimes visuelles (qu'on peut certes trouver savamment orchestrées) faisant ses gammes sur le thème d'une société moderne phobique. La seule chose qui met un brin le film en perspective, c'est son duo prologue/épilogue qui suggère que cet urbanisme dégénérescent est l'accomplissement d'une sorte de malédiction des améridiens, ces premiers habitants des lieux - ou quelque chose du genre, et justement ça marche pas mal parce que ça reste ouvert, assez flou, prêt à accueillir les ressentis différents. Mais ce vague squelette narratif est une exception. On parle souvent d'un film ouvert à la lecture du spectateur, mais au contraire je trouve que c'est un parcours passablement téléguidé, où chaque rencontre de montage est d'une sur-signifiance lourdingue et sans mystère.

De manière générale, j'ai l'image (caricaturale, mais tant pis) d'un réal hollywoodien qui se rêve cinéaste expérimental (je sais qu'il l'est pas, hollywoodien, et que le film ne prétend pas à être expérimental ; c'est juste pour dire l'impression d'un film qui se rêve plus abscons et révolutionnaire qu'il ne l'est, alors que les intentions frisent parfois le film d'étudiant et qu'il se lit comme un livre ouvert). Je trouve en fait le projet toujours très vite rattrapé par sa dimension illustrative la plus triviale, dont la plus parfaite incarnation serait ce plan hélico-tournant qui focalise sur le paysage (sa beauté ou son charisme naturels, déconnectés du projet du film) plutôt que de faire du plan le chaînon d'une narration secrète. Pour une image possiblement évocatrice, par exemple l'immeuble de verre reflétant le ciel (qui donne l'impression de le voir regarder passer la congrégation de nuages au dessus de la ville), il faut s'en taper une minute de 20 versions alternatives à la suite, histoire de bien épuiser l'image, de la faire tourner sur elle-même, de voir toutes les façons dont ça peut être joli. Au final, on a oublié l'idée : ne reste qu'une vague vision dépressive de la société moderne, propos général tournant en rond ad nauseam.

Peu de moments au final, comme le quasi-dernier plan (la chute infinie, un des rares longs plans du film), prennent le temps et le risque de proposer une véritable expérience au spectateur. Seule la musique de Glass s'y essaie à grands moyens, sur un mode je trouve assez oppressant et stressant (musique répétitive à l'image du film : vaguement efficace mais limitée). En fait, malgré l'héritage incontestable que ce film a pu avoir sur le cinéma après lui, c'est surtout aux symphonies urbaines que tout cela m'a fait penser : ces films qui par centaines, dans les années 20, déferlaient à travers les capitales d'Europe comme une portée de lapins. S'il est amusant de voir que l'utopie mécanique s'est muée en film d'horreur tayloriste, c'est au final toujours aussi vain : la même idée cent fois, le même film cent fois, la même petite mécanique occupée à formaliser avec l'excuse d'une vague vision poétique de la frénésie des mégalopoles. Ça m'endort.

Donc voilà, incompréhension messieurs, même si j'espère que vous prendrez pas cette critique contre vous.


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MessagePosté: 09 Jan 2013, 10:06 
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Mais d'où Reggio est hollywoodien ? Le mec est un ancien prêtre, je crois qu'au contraire il est parfaitement étranger à tout ça même s'il a eu les moyens de grands films (tournage en 70mm). En tout cas dommage que le charme n'ait pas opéré sur toi. Je continue de considérer que c'est un des plus beaux films du monde. La suite n'est pas mal non plus, avec une scène d'ouverture extraordinaire (par contre faut faire l'impasse sur le troisième qui est caca).

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MessagePosté: 09 Jan 2013, 10:39 
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C'est ouf la coïncidence, j'ai découvert le film avant-hier justement et je voulais mettre mon avis.

J'étais complètement shooté par le sommeil et le décalage horaire en le matant, donc pour moi c'est passé comme une lettre à la poste. Parfois je somnolais, me réveillais et voyait un super plan, je faisais "Wow", puis je clignais des yeux et voyait un autre plan de fou. Une expérience assez hallucinante, le tout scandé par la musique obsédante de Glass.

Je sais pas si j'aime le film, mais j'ai adoré l'expérience de le regarder, et c'est déjà pas mal je trouve.

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MessagePosté: 09 Jan 2013, 10:48 
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Art Core a écrit:
Mais d'où Reggio est hollywoodien ? Le mec est un ancien prêtre, je crois qu'au contraire il est parfaitement étranger à tout ça même s'il a eu les moyens de grands films (tournage en 70mm).

Comme je le mentionnais, je sais qu'il n'est pas "hollywoodien" au sens où on pourrait l'entendre : je voulais dire par là que malgré les intentions, il adopte malgré lui une forme et ses tics - par exemple sa dimension spectaculaire (et inquiète à l'idée de ne pas l'être).


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MessagePosté: 09 Jan 2013, 10:49 
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Qui-Gon Jinn a écrit:
C'est ouf la coïncidence, j'ai découvert le film avant-hier justement et je voulais mettre mon avis.

Bah en même temps il vient d'être édité, ça coïncide que modérément :D


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MessagePosté: 09 Jan 2013, 10:59 
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Tom a écrit:
Qui-Gon Jinn a écrit:
C'est ouf la coïncidence, j'ai découvert le film avant-hier justement et je voulais mettre mon avis.

Bah en même temps il vient d'être édité, ça coïncide que modérément :D

Non parce qu'on me l'avait prêté y a 1000 ans et je savais pas qu'il venais d'être édité.

les mecs qui parlent sur du vent

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MessagePosté: 09 Jan 2013, 11:02 
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Oui mais je pense que c'est l'ambiance générale de réédition qui fait qu'inconsciemment tu as dû croiser le titre sur le net, et ça t'as donné envie de le voir sans que tu le sache.

mec qui va écrire une thèse


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MessagePosté: 09 Jan 2013, 11:05 
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J'aime beaucoup ces deux films, mais j'avoue que je les voie plus comme des supports aux musiques de Glass (et je préfère limite Powaqqatsi à ce niveau, plus riche)... D'ailleurs, c'est sans doute les DVD que je me passe le plus, parce que pour la musique.


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MessagePosté: 09 Jan 2013, 11:27 
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Tom a écrit:
Comme je le mentionnais, je sais qu'il n'est pas "hollywoodien" au sens où on pourrait l'entendre : je voulais dire par là que malgré les intentions, il adopte malgré lui une forme et ses tics - par exemple sa dimension spectaculaire (et inquiète à l'idée de ne pas l'être).


Non mais là où tu fais totalement fausse route c'est en disant que Reggio est un "réal hollywoodien qui se rêve cinéaste expérimental". Le mec est totalement hors système, hors-cinéma même. C'est son premier film, il met 7 ans à le tourner, le mec a un parcours très atypique (une quinzaine d'années de réclusion religieuse) ce n'est en aucun cas ce que tu prétend. Alors oui découvrir aujourd'hui le film avec son aura culte c'est facile d'imaginer un calcul, une mise-en-scène de ce succès mais ce n'est certainement pas le cas en 1982 quand sort le film (il n'a d'ailleurs eu aucun prix majeur en festival).

Et par ailleurs tu omets à mon sens un élément fondamental dans ton appréciation du film : sa poésie. Au delà du grand film à thème qui est évident c'est avant tout un film-poème avec une construction synesthésique passionnante et magnifique. C'est par ailleurs ce que j'aime le plus dans ce film. Cette double tentation permanente où un objet existe pour lui-même mais où soudain à force de répétition et de distorsion il se déréalise pour devenir une forme abstraite et géométrique. A ce titre la scène de fin est pour moi un immense moment de cinéma où soudain la lenteur de la chute de la navette devient tout simplement hypnotisante et métaphysique.

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MessagePosté: 09 Jan 2013, 11:40 
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Art Core a écrit:
Non mais là où tu fais totalement fausse route c'est en disant que Reggio est un "réal hollywoodien qui se rêve cinéaste expérimental". Le mec est totalement hors système, hors-cinéma même. C'est son premier film, il met 7 ans à le tourner, le mec a un parcours très atypique (une quinzaine d'années de réclusion religieuse) ce n'est en aucun cas ce que tu prétend. Alors oui découvrir aujourd'hui le film avec son aura culte c'est facile d'imaginer un calcul, une mise-en-scène de ce succès mais ce n'est certainement pas le cas en 1982 quand sort le film (il n'a d'ailleurs eu aucun prix majeur en festival).

Mais je sais le parcours de ce mec. Je ne parle pas non plus de calcul, je ne vois pas de démarche cynique. Mais tout prêtre qu'il soit, il a certainement déjà vu des films, quand bien même ce serait peu. Il a des images en tête, des formes en tête, et il a certaine une idée de la singularité (réelle ou supposée) de son film dans le paysage du cinéma américain. Il se fait quand même une idée de ce qu'il réalise, il n'est pas "innocent". Et ce que je pointe, c'est que par un certain nombre de choses (notamment ce ton obséquieux), le film semble s'imaginer plus singulier et complexe qu'il ne l'est réellement. Après on peut remplacer hollywoodien/expérimental pas n'importe quoi, c'était pour donner une image du décalage.

Art Core a écrit:
Et par ailleurs tu omets à mon sens un élément fondamental dans ton appréciation du film : sa poésie. Au delà du grand film à thème qui est évident c'est avant tout un film-poème avec une construction synesthésique passionnante et magnifique.

Bah écoute je sais pas, je l'ai pas ressenti (enfin je suis peut-être d'accord sur une structure générale assimilable au poème, mais je trouve pas ça poétique). Ça m'a fait la sensation d'un exposé.

Art Core a écrit:
A ce titre la scène de fin est pour moi un immense moment de cinéma où soudain la lenteur de la chute de la navette devient tout simplement hypnotisante et métaphysique.

Là je suis d'accord (même si je me serais bien passé de la répétition insistante - encore une - en gros plan ralenti). Mais c'est aussi, tu remarqueras, un des rares moments qui laisse poindre une pensée. L'image a une dimension métaphorique, notamment par sa place dans la structure du film, qui fait qu'elle fonctionne différemment de l’hésitation figuration/abstraction dont tu parles.


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MessagePosté: 09 Jan 2013, 11:58 
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Tom a écrit:
Mais je sais le parcours de ce mec. Je ne parle pas non plus de calcul, je ne vois pas de démarche cynique. Mais tout prêtre qu'il soit, il a certainement déjà vu des films, quand bien même ce serait peu. Il a des images en tête, des formes en tête, et il a certaine une idée de la singularité (réelle ou supposée) de son film dans le paysage du cinéma américain. Il se fait quand même une idée de ce qu'il réalise, il n'est pas "innocent". Et ce que je pointe, c'est que par un certain nombre de choses (notamment ce ton obséquieux), le film semble s'imaginer plus singulier et complexe qu'il ne l'est réellement. Après on peut remplacer hollywoodien/expérimental pas n'importe quoi, c'était pour donner une image du décalage.


Non. Une fois de plus s'il a conscience des gros moyens qu'il met en œuvre pour son film (tournage lourd en 70mm donc) il le fait avec une certaine innocence (j'emploie le mot à dessein). Il n'y a qu'à voir la carrière du mec, c'est quelqu'un qui n'a jamais dévié d'un iota de son programme original. Il ne s'est jamais incorporé dans aucun système que l'on puisse labelliser. Alors il s'est planté (le dernier Qatsi est un ratage) mais le mec n'est certainement pas un calculateur. Après c'est un grand intellectuel très cultivé (cf. la liste des inspirateurs du film dans le générique de fin dont Debord) mais il ne se place pas dans une quelconque histoire ou chronologie du cinéma. Une fois de plus découvrir le film aujourd'hui à l'aune de son image culte peut le desservir mais il suffit de comparer avec un film similaire, Baraka, pour se rendre compte à quel point sa richesse est inépuisable. Là où l'un n'est qu'une collection de belles images sur de la belle musique, l'autre est une symphonie mystique et eschatologique qui replace l'homme au centre du monde.

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MessagePosté: 09 Jan 2013, 12:34 
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Art Core a écrit:
Il n'y a qu'à voir la carrière du mec, c'est quelqu'un qui n'a jamais dévié d'un iota de son programme original. Il ne s'est jamais incorporé dans aucun système que l'on puisse labelliser
Citation:
le mec n'est certainement pas un calculateur.

Ce n'est pas incompatible avec ce que j'avance, et encore une fois je n'ai jamais dit qu'il était calculateur, cynique, intéressé, ou autre.

Par contre, il a forcément une idée de ce qu'est le cinéma. Quand bien même il ne voit qu'un film tous les deux ans à la TV : il est bien au courant que son film ne correspond pas à la norme de ce qui sort sur les écrans tous les jours. Sans que ça doive faire de son film un manifeste esthétique revendiqué, son projet est donc aussi de fait celui d'un cinéma qui se conçoit "autre", je vois pas comment on peut statuer l'innocence sur ce plan-là.

Mais même sorti de ces questions, le constat pour moi reste le même : aussi cultivé et intellectuel soit Reggio dans sa pensée (là encore, c'est pas incompatible), le résultat est cinématographiquement naïf (je trouve).

Évidemment c'est dur d'en débattre avec des avis si diamétralement opposés sur la réussite du projet...

L'image culte du film est autre chose, je ne la prend pas en ligne de compte, et je suis bien conscient que c'est cent fois plus maîtrisé et tenu que tous les avatars qu'on peut voir fleurir un peu partout.


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MessagePosté: 09 Jan 2013, 13:07 
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Art Core a écrit:

Non. Une fois de plus s'il a conscience des gros moyens qu'il met en œuvre pour son film (tournage lourd en 70mm donc) il le fait avec une certaine innocence (j'emploie le mot à dessein). Il n'y a qu'à voir la carrière du mec, c'est quelqu'un qui n'a jamais dévié d'un iota de son programme original. Il ne s'est jamais incorporé dans aucun système que l'on puisse labelliser. Alors il s'est planté (le dernier Qatsi est un ratage) mais le mec n'est certainement pas un calculateur. Après c'est un grand intellectuel très cultivé (cf. la liste des inspirateurs du film dans le générique de fin dont Debord) mais il ne se place pas dans une quelconque histoire ou chronologie du cinéma. Une fois de plus découvrir le film aujourd'hui à l'aune de son image culte peut le desservir mais il suffit de comparer avec un film similaire, Baraka, pour se rendre compte à quel point sa richesse est inépuisable. Là où l'un n'est qu'une collection de belles images sur de la belle musique, l'autre est une symphonie mystique et eschatologique qui replace l'homme au centre du monde.


C'est marrant ce que tu dis sur Baraka parce que justement je le trouve presque plus mystique que Koyaanisqatsi.


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MessagePosté: 09 Jan 2013, 20:40 
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Tom a écrit:
le résultat est cinématographiquement naïf (je trouve).


C'est là qu'on n'est pas d'accord. A la limite je pourrais dire qu'il est primitif mais pas qu'il est naïf.

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MessagePosté: 09 Jan 2013, 22:50 
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Dernière édition par Jerzy Pericolosospore le 11 Juin 2014, 10:53, édité 1 fois.

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