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 Sujet du message: Re: John Cassavetes
MessagePosté: 24 Juin 2014, 21:32 
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Allez, je remonte ce top, il le mérite bien.
Ahh Cassavetes sa belle gueule et ses films bouleversants. Je pense qu’il y a très peu de cinéaste qui émeuve autant, et effectivement il y a véritablement un avant et un après Cassavetes. Ca vous traumatise à jamais. Un peu difficile de parler de Cassavetes tellement ses films me sont personnels (surtout A woman under the influence) mais je vais quand même essayer. Je vais pas essayer de rivaliser avec Baptiste cela dit…

Cassavetes aborde toujours les mêmes thèmes : la solitude, la difficulté de trouver une place dans la société, les difficultés d’aimer (couples qui tentent de se reconstruire). Ses films paraissent toujours filmés un peu à l’arrache, à la limite de l’amateurisme mais il y a beaucoup plus de travail qu’on peut le penser au premier abord. D’une part, il faut fournir un énorme travail pour justement parvenir à cette impression (sinon ca serait trop facile). Deuxièmement, Cassavetes préfère tout simplement filmer la vie plutôt que de réussir une lumière. Il a mis plus de 3 ans à filmer Faces par exemple donc on est loin du film tourné en 5 minutes entre deux tournages. Il me semble aussi avoir lu quelque part que les scènes d’improvisations étaient en réalité répétées et répétées un grand nombre de fois. On reconnait le style de Cassavetes entre mille, de la même manière que ces personnages sont constamment sous tension, la caméra est presque toujours en mouvement et puis bien sûr l’usage des gros plans pour se rapprocher au plus près de l’humain pour filmer les pétages de plombs. Car tout est résolument humain chez Cassavetes, vous ne verrez jamais de critique moralisatrice, on essaie toujours de se mettre au niveau des personnages pour les comprendre mais sans jugement. Il y a un sentiment d’urgence aussi dans sa façon de filmer qui fait bien sûr écho à ces écorchés vifs incompris qu’il filme sans arrêt. Et puis Cassavetes et Rowlands sont juste magistraux, rien que pour eux, ses films valent la peine d’être vus.

Bon je vais me focaliser sur mes films chouchous sinon je vais faire trop long… (bien que cela n’a aucun sens, Cassavetes c’est davantage une œuvre entière que des films à droite à gauche).

Une femme sous influence : énorme claque, son plus grand chef d’œuvre pour moi
Je suis parfaitement d’accord avec Baptiste. Le film s’interroge sur la normalité : qui est normal ? Rowlands ou la société ? Chez Cassavetes, les humains débordent d’amour, ils ne font pas dans le calcul, ils donnent tout sans retenue. Forcément ca pour conséquence d’avoir des comportements un peu inhabituels que la société juge assez terriblement. Rawlands a quand même son lot de névroses mais faut-il véritablement tenter de les enlever à tout prix.
Baptiste a écrit:
Ce mari pourrait en fait à bien des égards être considéré comme bien plus dérangé que le personnage de Rowlands

Je ne suis pas d’accord la dessus. Pour moi le mari c’est un peu pareil que sa femme, il est résolument humain. Il voit sa femme disjonctée un peu, il essaie de la résonner et il se heurte à son impuissance. Il voit de l'extérieur sa femme perdre un peu les pédales sans rien pouvoir y faire. Les mots ne marchent pas donc il tente des méthodes plus violentes… Certes c’est critiquable mais bon je trouve que c’est dans la même veine que les personnages de Cassavetes. Il ne peut pas regarder sa femme froidement perdre raison.

Baptiste a écrit:
Cassavetes choisit de filmer la période de rupture sans retour mais on devine que le processus a commencé dès les premières années du mariage, que Rowlands devait avoir moins de problèmes nerveux au départ.

Pourquoi tu dis ca ?

Opening Night : chef d'œuvre absolu.
Ambiance des plus oppressantes, on en ressort complètement lessivé. Cassavetes joue ici sur la frontière entre réalité/fiction. On ne sait jamais si la pièce de théâtre est complètement improvisée ou non, si Rowlands se prépare pour le rôle ou disjoncte complètement. Rowlands ne le sait pas elle-même du reste, c’est justement sa grande frayeur de ne plus faire la distinction entre le personnage qu’elle doit jouer et elle-même. Cette angoisse est filmée avec des gros plans qui viennent inspecter chaque émotion de Rowlands au plus près.
Tout commence par un accident qui vient déstabiliser l’actrice. A partir de là, le doute s’installe, les questionnements, les névroses, … D’une part, il en résulte un grand questionnement sur la vieillesse (suis-je plus bonne à rien en tant qu’actrice ? démons qui viendront prendre la forme d’hallucination). Et ca mène bien sûr à la question de séduction (suis-je encore capable de séduire ? drague avec le producteur, l’acteur (Cassavetes lui-même). Sans parler effectivement des autres personnages du film qui viennent l’oppresser sans cesse.
C’est un film très difficile à regarder, Cassavetes ne nous ménage pas mais cela vaut tellement le coup. Et puis heureusement la scène finale vient nous délivrer à la fin.

Love streams : Sûrement le Cassavetes le plus maîtrisé de tous. Un film sur des personnages n'arrivant pas à s'inscrire dans la société qui tente tout de même de trouver une place... Cassavetes cherchant la réponse dans l'alcool et les filles, Rowlands dans la lignée d'une femme sous influence à moitié névrosée et en recherche perpétuelle d'affection. J'ai plus grand chose à rajouter après Baptiste.
Baptiste a écrit:
En tout cas, si le film est par certains égards une synthèse de thèmes déjà abordés avec plus de force dans d'autres œuvres de Cassavetes

Complètement d’accord sur la première partie de la phrase, beaucoup moins sur la seconde. Certes, il est beaucoup moins oppressant que peut l'être opening night ou une femme sous influence, mais il n'en demeure pas moins bouleversant. On ne s'est jamais si on est dans le drame ou le burlesque, s'il faut rire ou pleurer.



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Les indispensables :
1- A woman under the influence
2- Opening Night
3- Love streams

Les très beaux films :
4- Meurtre d'un bookmaker chinois
5- Faces
6- Gloria
7- Shadows
8- Husbands
9- Un enfant attend (A Child Is Waiting)

Les films agréables mais sans plus
10- Minnie et Moskowitz
11- Too Late Blues

Pas vu :
Big Trouble


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 Sujet du message: Re: John Cassavetes
MessagePosté: 24 Juin 2014, 22:34 
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Je ne sais pas s'il y a un avant et après Cassavetes (et je vais encore sortir des platitudes) mais c'est une oeuvre qui marque, durablement.

Le "dispositif" que l'on pourrait évoquer à son sujet, l'exigence éthique qu'il s'est imposé et qui a modelé, cadenassé l'esthétique imprégnant son oeuvre m' a toujours semblé réussir une chose rare: trouver un liant, quasi organique, entre les tourments vrillant les crânes de ces gens à l'écran et la fièvre, l'urgence qui saisit la caméra. J'avais été ainsi dévasté, travaillé à coups de poings par Husbands et Opening night. Dans le premier cité, la scène de fin (s'il ne fallait citer qu'une seule chose) est, à mon sens, un exemple d'humilité et de courage, s'efforçant de revenir sur tout le film avec une virulence et en même temps une sincérité confondante. Quant à Opening night, le questionnement sur le jeu traversant tout le film, et surtout sur ce qu'il y a à mettre en jeu est d'une telle force, d'une telle évidence, qu'il ne peut qu'interroger, toucher frontalement.

Une autre chose me semble importante, c'est sa faculté à filmer les corps. la fameuse scène de beuverie dans le bar de Husbands par exemple (scriptée par ailleurs) parvient à transmettre ce bouillonnement du sang, cette gaucherie, cette grandiloquence qui pulse à travers les veines mais également cet impératif d'interpeller, de crier que les barrières ont éclatées et qu'un torrent est sur le point de t'emporter, vers où, vers quoi, tu ne sais pas, tu sais que tu n'y arriveras pas, mais il faut y aller. Et, surtout, il arrive à trouver ce point précis, là où la chair est emplie d'alcool et ivre de fatigue, là où l'on se présente devant un néant d'épuisement, là où l'on bascule, ne sachant d'où et comment vient ce dernier rai de lumière, cette étincelle surgissant de cette souillure. Il n'y a que lui pour te faire sentir aussi viscéralement la lumière brute du matin qui t'éclate à la gueule, qui te fout un genou à terre et laboure ce corps endolori, et pourtant se relève encore.

Le lien: personnages écorchés vifs => frénésie du questionnement et de la caméra, peut apparaître trivial, mais j'ai vu peu de réalisateurs arriver à interroger et à dépasser ce dispositif précis, pour ne pas accorder un crédit important à la démarche et aux propositions de Cassavetes.

Merci pour ce up qui donne envie d'en revoir et d'en reparler !

P.S. : Si l'on verse dans le lien hasardeux, je poserai bien une vague parenté entre Kerouac et Cassavetes, ce dernier ayant réussi, à mon sens, la seule transcription, interprétation de "sur la route", traduisant à l'image ce qui danse sur la route, bien loin des vagues et paresseuses digressions centrées sur quelques culbutes et la "liberté".

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 Sujet du message: Re: John Cassavetes
MessagePosté: 26 Juin 2014, 10:52 
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Ilouchechka a écrit:
Et, surtout, il arrive à trouver ce point précis, là où la chair est emplie d'alcool et ivre de fatigue, là où l'on se présente devant un néant d'épuisement, là où l'on bascule, ne sachant d'où et comment vient ce dernier rai de lumière, cette étincelle surgissant de cette souillure.

Ultra d'accord avec ca.

Kerouac et Cassavetes intéressant… Je pense que le rapprochement n'est possible que pour Husbands cela dit. Sinon il manque l’aspect traumatisant/oppressant et le côté un peu fragmenté. A mon avis, il faudrait trouver un écrivain qui mêle à la fois drame psychologique et éclatement du récit… Si quelqu’un a, je suis preneuse.

Sinon, il faudrait analyser le rire aussi chez Cassavetes. Le rire qui vient toujours dans les situations les plus dramatiques.


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 Sujet du message: Re: John Cassavetes
MessagePosté: 26 Juin 2014, 11:12 
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karenina a écrit:
Baptiste a écrit:
Ce mari pourrait en fait à bien des égards être considéré comme bien plus dérangé que le personnage de Rowlands


Je ne suis pas d’accord la dessus. Pour moi le mari c’est un peu pareil que sa femme, il est résolument humain. Il voit sa femme disjonctée un peu, il essaie de la résonner et il se heurte à son impuissance. Il voit de l'extérieur sa femme perdre un peu les pédales sans rien pouvoir y faire. Les mots ne marchent pas donc il tente des méthodes plus violentes… Certes c’est critiquable mais bon je trouve que c’est dans la même veine que les personnages de Cassavetes. Il ne peut pas regarder sa femme froidement perdre raison.


Là où le film est terrible à mon sens, c'est qu'il montre que l'ennemi est intérieur: pendant un temps, on voit le mari être aux côtés de sa femme sans broncher, mais insensiblement son attitude se fait de plus en plus dure, jusqu'à être le fer de lance de la stigmatisation de sa femme (la dispute finale, ultra violente). Il y a un goût de Rosemary's baby (où joue Cassavetes, tiens donc) et de Shining dans cette peinture d'un mari complice du mal. Qui plus est, plusieurs sautes d'humeur du mari mettent la puce à l'oreille quant à la nervosité de celui-ci, et tout d'un coup, la frontière qui le sépare du même mal dont est atteint la femme rétrécit.

Citation:
Baptiste a écrit:
Cassavetes choisit de filmer la période de rupture sans retour mais on devine que le processus a commencé dès les premières années du mariage, que Rowlands devait avoir moins de problèmes nerveux au départ.

Pourquoi tu dis ca ?


Parce que Cassavetes a à mon sens pris le parti de se focaliser sur la période d'aboutissement d'un processus, ce film n'est pas la description d'une permanence psychologique. Une partie de la beauté et de la profonde vérité de ce film, c'est que la folie est prise comme un phénomène dynamique et évolutif, pas comme une caractéristique intrinsèque; d'ailleurs, on voit bien que Rowlands évolue ne serait-ce qu'à l'intérieur même de la temporalité du film. Tout ça pour suggérer qu'on ne voit là que la fin d'un processus qui a débuté bien plus tôt à partir d'indices bien plus faibles de folie potentielle (présents chez la majorité des gens mais qui auraient ici été extrapolés).

Citation:
Baptiste a écrit:
En tout cas, si le film est par certains égards une synthèse de thèmes déjà abordés avec plus de force dans d'autres œuvres de Cassavetes

Complètement d’accord sur la première partie de la phrase, beaucoup moins sur la seconde. Certes, il est beaucoup moins oppressant que peut l'être opening night ou une femme sous influence, mais il n'en demeure pas moins bouleversant. On ne s'est jamais si on est dans le drame ou le burlesque, s'il faut rire ou pleurer.


Oui c'est pour ça que je dis après qu'il faut chercher la singularité et la valeur de Love streams dans cette réunion de thèmes qui en soit est création :) Mais je reconnais que c'est probablement le film qui m'a le plus échappé et que je dois le plus revoir dans la filmographie, même si j'ai déjà assez aimé.


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 Sujet du message: Re: John Cassavetes
MessagePosté: 26 Juin 2014, 13:09 
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Baptiste a écrit:
Parce que Cassavetes a à mon sens pris le parti de se focaliser sur la période d'aboutissement d'un processus, ce film n'est pas la description d'une permanence psychologique. Une partie de la beauté et de la profonde vérité de ce film, c'est que la folie est prise comme un phénomène dynamique et évolutif, pas comme une caractéristique intrinsèque; d'ailleurs, on voit bien que Rowlands évolue ne serait-ce qu'à l'intérieur même de la temporalité du film. Tout ça pour suggérer qu'on ne voit là que la fin d'un processus qui a débuté bien plus tôt à partir d'indices bien plus faibles de folie potentielle (présents chez la majorité des gens mais qui auraient ici été extrapolés).

Pas tellement d'accord sur "période d'aboutissement d'un processus". Effectivement, il y avait une base originale névrotique dans le personnage que joue Rowlands, une personne qui n’arrive pas à se contraindre, à contrôler ses émotions. Mais au contraire, je pense que la folie commence dans le film. L’élément déclencheur arrive quand son mari ne rentre pas le soir après sa journée de travail alors qu’elle attendait que ca. Il la laisse seule et tout dégénère en une seule soirée. Un peu comme Opening night où tout s’emballe après l’accident. Et puis l'idée d'aboutissement suppose qu'on serait arrivé au paroxysme ou à une fin. Or vu les dix dernières minutes, ca m'étonnerait que ca soit la fin de ses névroses.

Baptiste a écrit:
Il y a un goût de Rosemary's baby

Ca s’est très vrai… Je pense qu’il y a des ponts à tracer entre sa carrière d’acteur et de réalisateur. D’ailleurs, il a joué assez souvent des personnages qui n’arrivent pas à trouver leurs places dans la société. A creuser.


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 Sujet du message: Re: John Cassavetes
MessagePosté: 26 Juin 2014, 14:17 
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Citation:
Pas tellement d'accord sur "période d'aboutissement d'un processus". Effectivement, il y avait une base originale névrotique dans le personnage que joue Rowlands, une personne qui n’arrive pas à se contraindre, à contrôler ses émotions. Mais au contraire, je pense que la folie commence dans le film. L’élément déclencheur arrive quand son mari ne rentre pas le soir après sa journée de travail alors qu’elle attendait que ca. Il la laisse seule et tout dégénère en une seule soirée.


Hmm... oui ça explose à ce moment-là mais le feu couvait depuis un moment apparemment parce qu'elle lui reproche de la négliger au profit de son travail depuis longtemps, signe qu'il la marginalise dans sa vie. Et la famille va dans son sens. Le problème n'est pas créé ex nihilo "en une seule soirée".

Quant à l'idée d'aboutissement, elle ne suggère pas une fin, mais un mûrissement, et ce n'est pas un hasard si Cassavetes choisit de se focaliser sur cette période-là de leur vie car il estime probablement que la suite ne sera qu'un prolongement de ce qu'on voit à l'écran. Cela dit il y a une vraie ambiguité sur la toute fin, le calme apparent est-il la sérénité, ou une pause avant la reprise des hostilités? Je pencherais, au vu du reste, pour la deuxième option - ce qui n'empêche pas que ce moment de calme puisse être voluptueux pour le couple.


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 Sujet du message: Re: John Cassavetes
MessagePosté: 30 Juin 2014, 09:49 
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karenina a écrit:
Ilouchechka a écrit:
Et, surtout, il arrive à trouver ce point précis, là où la chair est emplie d'alcool et ivre de fatigue, là où l'on se présente devant un néant d'épuisement, là où l'on bascule, ne sachant d'où et comment vient ce dernier rai de lumière, cette étincelle surgissant de cette souillure.

Ultra d'accord avec ca.

Kerouac et Cassavetes intéressant… Je pense que le rapprochement n'est possible que pour Husbands cela dit. Sinon il manque l’aspect traumatisant/oppressant et le côté un peu fragmenté. A mon avis, il faudrait trouver un écrivain qui mêle à la fois drame psychologique et éclatement du récit… Si quelqu’un a, je suis preneuse.

Sinon, il faudrait analyser le rire aussi chez Cassavetes. Le rire qui vient toujours dans les situations les plus dramatiques.


Je pense le rapprochement plus global, pas seulement limité à Husbands. Il y a toujours un mouvement chez les personnages de cassavetes qui se marie avec l'état d'extrême tourment dans lequel ils sont plongés, et l'on se rapproche pas mal du "it" de Kerouac.

Après, celui qui mêle le mieux drame psychologique et éclatement du récit, c'est Conrad, mais je ne sais si le parallèle est approprié :)

Bonne piste que le rire, qui éclate (c'est vraiment le mot) dans des situations d'acme émotionnelle, que ce soit pour le meilleur (je me rappelle de l'apparition du rire dans Opening night, et le flot de chaleur que cela libère) ou le pire (les rires strident de faces sont affreux !)

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 Sujet du message: Re: John Cassavetes
MessagePosté: 01 Juil 2014, 23:51 
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Ah oui la représentation finale dans Opening night avec cette scène qui vire à la franche comédie est bouleversante... et tellement audacieuse.


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 Sujet du message: Re: John Cassavetes
MessagePosté: 22 Aoû 2014, 19:13 
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Je l'ai découvert assez récemment, mais il est clairement un de mes favoris, John Cassavetes.
Cette capacité à rendre une atmosphère oppressante à partir de rien, à prolonger les plans, souvent dans des situations gênantes ou tragiques, est assez unique pour ce que je connais (c'est-à-dire pas grand'chose).


Woman under the influence
Mon premier. J'en suis sorti lessivé, rejeté sur la plage comme un morceau d'épave après la tempête.
La solitude de cette femme très entourée est terrible, l'incompréhension de l'entourage tragique, et le spectateur se demande sans cesse si elle est juste fantasque, avec tout l'attachement que ça inspire, ou si elle est jobarde. Un peu des deux. Le mari lui aussi, a ses failles, une incapacité à gérer la situation, mais c'est une situation délicate évidemment. C'est récurrent chez Cassavetes ces situations-limites, dans des scènes prolongées apparemment au-delà du nécessaire, mais en fait c'est cette permanence sur le fil du rasoir qui fait monter l'émotion, qui étouffe, qui donne envie que ça s'arrête et que ça ne s'arrête jamais.
Mon préféré, peut-être parce que je découvrais le réal en même temps que le film, et Gena Rowlands (qui est extraordinaire!). Mais c'est un de mes films favoris toutes compétitions confondues.
Peter Falk, que j'adore aussi, est excellent bien sûr.

Opening Night
Excellent aussi, bien qu'ici la cruauté de l'entourage soit plus patente, hormis quelques initiatives empathiques de l'auteure de la pièce.
A nouveau le tourment de l'actrice est montré de façon terrible, et le film parle très élégamment de ce métier, de l'envie d'être aimé, de ce que c'est que vieillir, du désir d'enfant peut-être, en tout cas du souvenir de la jeunesse révolue.
La fin a moins marché pour moi, avec cette comédie improvisée qui fonctionne sur le public du théâtre mais pas sur moi. J'ai quand même aimé la toute fin,
où la fête de première, malgré tous les avatars de la préparation, ressemble probablement à toutes ces fêtes de première, où on soupire d'aise que tout se soit finalement assez bien passé, en s'enfilant des flûtes avec ces gens qui nous torturent depuis le début.

Le metteur en scène est affreux (et donc Gazzara est bon!) dans ses manipulations, ses "I love you" calculateurs, son attitude paternaliste et machiste. Pourtant comme les autres on comprend ses motivations, on se met à sa place.

Gena Rowlands est extraordinaire!

Husbands
Encore des moments très forts, d'amitié virile ou de malaise intense (la femme qui chante et se fait rabrouer par Gazzara).
Super film bien sûr, mais ici les scènes intenses sont gueulardes souvent, ce qui m'a un peu saoûlé.
Ici encore la multiplicité des thèmes abordés est impressionnante, et c'est fait de façon impressionniste, pixel par pixel. Un pas en arrière et paf! tout est là : la mort, l'âge, l'amitié virile, la crise de la quarantaine,...

Faces
Je ferais un peu le même reproche qu'à husbands, sauf qu'en plus je n'ai que peu d'empathie avec les personnages, et donc suivre ces hystériques alcoolisés et grimaçants (terribles gros plans de rieurs tragiques) fut une épreuve.
Gena Rowlands est extraordinaire!

Shadows
Je suis passé à travers, et incapable de le resituer dans l'époque, je n'ai pas vu la révolution célébrée par d'autres. Le fait de parler de racisme de façon aussi indirecte était probablement moderne à l'époque, ainsi que la place laissée à l'impro.
Nul, y'a pas Gena.


Pas vu le reste, mais évidemment je suis chaud comme une baraque à frites.
Allez, je poste à la Tom, sans me relire. woooohoooo!

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 Sujet du message: Re: John Cassavetes
MessagePosté: 22 Aoû 2014, 19:19 
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Ouais, j'ai édité, j'avais oublié de dire que Gena était extraordinaire dans Faces.

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 Sujet du message: Re: John Cassavetes
MessagePosté: 16 Mai 2015, 08:56 
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Baptiste a écrit:
Une femme sous influence (1975)
Un film fondamental et sans concessions sur la folie, qui apparaît ici comme une étiquette que des groupes d'individus accolent à un individu dont ils n'arrivent pas à accepter la singularité et la fantaisie. L'homme étant un animal social, la parole de ces individus devient performative sur cet individu singulier qui finit par se marginaliser de plus en plus et lui-même accentuer sa marginalité et se considérer comme fou, dans une spirale amorcée par le groupe, qui dans l'esprit du châtié fait l'effet d'une sentence invisible et éternelle. Ici, Gena Rowlands est pétillante, pleine d'énergie, spontanée, entière, vraie, mais c'est cette générosité et cette fantaisie qui paraissent suspect et que le corps social rejette, à commencer, et c'est là que le film est poignant et terrible, par le mari. Ce mari pourrait en fait à bien des égards être considéré comme bien plus dérangé que le personnage de Rowlands mais poussé par sa famille et un psychiatre, il se convainc et convainc sa femme que le monstre, c'est elle. Cassavetes choisit de filmer la période de rupture sans retour mais on devine que le processus a commencé dès les premières années du mariage, que Rowlands devait avoir moins de problèmes nerveux au départ. Et après quelques années, sa nervosité fait effectivement un peu peur lors de certaines scènes mais elle est simplement la conséquence d'une détresse sociale que personne ne veut adresser. Il y a ce moment extrêmement touchant où elle demande à ses enfants: "Quand vous me voyez, vous vous dites "on la connaît, c'est maman" ou "elle est un peu bizarre et folle, elle fait parfois peur"?" et son aîné lui répond: "mais non, maman, tu es belle, intelligente, mais nerveuse", et tout est dit dans la bouche de cet enfant, l'angoisse l'a emporté dans l'esprit d'une femme qui avait tout pour elle. Quand la mère possessive, hitchockienne de Peter Folk pousse le psychiatre à rendre une visite à Rowlands, que celui-ci peu à peu la pousse sur le bord du précipice, l'intensité est quasiment insoutenable; voir se débattre la fantastique Gena Rowlands, pleine de vie, de charme, de fougue, sombrer dans l'aliénation devant nos yeux est difficile à vivre, oui à vivre, puisqu'encore une fois chez Cassavetes on ne peut simplement se poser comme simple spectateur, mais est forcé à prendre part à l'action. Le film est une bonne idée de l'enfer, où ce sont les proches, la famille, l'être aimé, le mari, qui sont les bourreaux. Mais le film est en même temps assez fin pour nous montrer des personnages qui n'ont juste pas conscience de ce que représentent leurs actes, des personnages qui sont juste trop humains, et qui ne veulent pas forcément nuire dans l'absolu, comme en témoigne l'attitude plutôt bienveillante de prime abord de la belle-mère lorsque Rowlands revient de l'asile (avant qu'elle ne redevienne cruelle lorsqu'elle s'aperçoit que oh, surprise, l'asile, ses six mois d'électrochocs et d'enfermement n'ont rien réglé voire ont empiré les choses). La fin est sujette à interprétations diverses, comme souvent chez le cinéaste aucune réponse définitive n'est donnée, obligeant le spectateur à réfléchir longuement après la séance. J'ai lu ici ou là qu'Une femme sous influence se terminait avec un happy end, qu'enfin le couple, en virant les invités, retrouvait son intimité, allait pouvoir faire l'amour et reconstruire quelque chose. Mais pour moi, c'est beaucoup plus triste que ça: Rowlands se retrouve à nouveau avec son mari, mais on a bien vu que celui-ci au final n'avait jamais réussi sur le long terme à accepter sa femme, à se retrouver seul à seul avec elle, il a toujours fini par se réfugier dans son travail ou chez les autres, et on peut donc supposer que cela continuera, a fortiori après la terrible dispute qui a eu lieu sur les enfants. Ce qui est certain, c'est que ce film est l'un des plus éprouvants qui soient, et que j'aurai presque peur de le revoir, tant il fait vivre la face sombre quoique ordinaire de la communauté humaine.


:)

Belle porte d'entrée sur le film, perso je te rejoins sur la fin que personnellement j'ai vécu comme une scène terrifiante.

L'instabilité de sa femme est à son paroxysme et la terreur qu'il a infligé a ses enfants me semble irréversible. Pour moi la fin montre une famille qui fonce droit dans le mur et qui tente de se convaincre qu'elle va parvenir à surmonter ses névroses alors qu'on sent bien qu'elle est à bout de force. Mais c'est vrai que ça reste ouvert.

Je ne rejoins pas Ilelouchka d'ailleurs lorsque tu dis plus haut que la folie s'enclanche chez la femme lors de cette première soirée où son mari la délaisse. D'abord parce que le film insinue clairement qu'elle avait des problèmes d'alcool et qu'elle était un peu chelou avant cet évènement (le film débute sur Peter Stalk qui engueule un de ses collègues en l'interdisant de dire que sa femme est timbrée) mais aussi parce qu'on sent le couple lessivé, et Peter Stalk réagit à ses crises comme s'il y était préparé mais qu'il n'avait plus la force d'être compréhensif et patient avec elle. Et puis y'a le fait qu'elle voit un psy... Non y'a pas vraiment de doute en fait, j'ai peut être mal compris ton message. Et tout cas je pense comme Baptiste que c'est un processus qui a mûri au fil de temps, et auquel son mari tente de s'adapter par amour mais qui finit par baisser les bras.


Je suis pas méga fan du film mais ça m'a fait pensé au Mommy de Dolan.

Bon je vais me le faire maintenant ce coffret, j'ai relu un peu le topic et je suis bien chaud.

Où est passée Karenina sinon ?


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 Sujet du message: Re: John Cassavetes
MessagePosté: 16 Mai 2015, 10:08 
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lol, les mecs traumatisés...


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 Sujet du message: Re: John Cassavetes
MessagePosté: 16 Mai 2015, 11:04 
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 Sujet du message: Re: John Cassavetes
MessagePosté: 16 Mai 2015, 11:54 
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Messages: 11667
Baptiste avait fait la même remarque y a quelques jours (sur Karenina).


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 Sujet du message: Re: John Cassavetes
MessagePosté: 16 Mai 2015, 12:17 
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Inscription: 20 Fév 2008, 19:19
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Citation:
Et tout cas je pense comme Baptiste que c'est un processus qui a mûri au fil de temps, et auquel son mari tente de s'adapter par amour mais qui finit par baisser les bras.


Oui mais ce que je dis pour ma part c'est que justement le mari n'est pas le bon samaritain que l'on pourrait croire, à aider bravement sa femme sur le chemin du rétablissement, face à l'adversité. Il est directement responsable de la pente glissante sur laquelle s'est engagée sa compagne, parce qu'il ne sait jamais faire rentrer la singularité de celle-ci dans la communauté à laquelle il appartient. Dès lors, elle ne peut être qu'exclue, et aliénée.

Là où le film est redoutable pour l'analyse, c'est que comme je le disais, les racines du mal remontent à une période antérieure à la période de temps du film. Cassavetes s'intéresse au processus de destruction final, peut-être pour mieux nous tester, nous spectateurs et notre humanité: peut-on de bon droit juger la folie du personnage de Rowlands comme intrinsèque à sa personne? Me concernant, la réponse est évidemment non.


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