Forum de FilmDeCulte

Redoutable hype, de l'édition chez Criterion / BFI aux surréalistes qui adoubent, qui fait craindre le pire de l'auteurisation artificielle pour ce qui reste, à la base, une myriade de films scientifiques sur les animaux marins.

La première impression, après une petite dizaine de courts-métrage vus, c'est que ce n'est pas la peine d'approcher ces films comme quelque chose qui se serait construit "contre" le film scientifique (je veux dire par là : un art qui y serait advenu en contrebande, un cinéma qui y aurait grandi incognito), ce qui serait de toute façon un peu absurde vu que Painlevé a, si j'ai bien compris, contribué à en créer les codes. Au contraire, les éléments qui viennent ostensiblement nous sortir de la pureté du rapport scientifique ("espièglerie" datée et pas drôle de certaines voix-off ou cartons finaux, musique illustrative, encarts humoristiques à échelle humaine) ont plutôt tendance à donner un sérieux coup de vieux à l'ensemble, à ramener les courts au statut de petites farces expérimentales.

Mais la majorité du temps (de ce que j'ai vu, en tout cas), la voix décrit, l'image montre, et rien ne vient gêner ce rapport simple. Et alors se libère effectivement un cinéma visuellement magnifique, absolument pas surestimé ou extrapolé (il suffit de voir les montages du Bal des sorcières pour voir que l'extase visuelle est une fin en soi revendiquée). C'est un ballet d'images émerveillées, et "émerveillé" est bien le mot parce que Painlevé court moins après la jolie captation que vers ce qui palpite, qui vit, qui évolue et se déploie : vers tout ce qui, en somme, peut nous maintenir baigné dans l'entre-deux d'une figure animale reconnaissable et de la pure forme abstraite. Tous ses effets stylistiques récurrents vont dans ce sens : flou et mise au point qui attrapent la matière, lumières chiadées quitte à perdre en lisibilité, accélérés qui donne à voir la circulation des fluides et les transformations, hyper-gros plans, métamorphoses et mouvements, dissimulation dans le décor, tempêtes de particules miroitantes et de cils hystériques... Le paradoxe est que cette forme est toujours justifiée par les besoins scientifiques : tout cela s'opère sans jamais faire un pas de côté, sans s'autoriser de vues "gratuites", en restant toujours dans cet état de pure description - à quelques écarts près.

C'est cela qui peut décevoir : ce réflexe de Painlevé (s'interdire de montrer une image si elle ne satisfait pas son besoin de merveilleux) ne s'accompagne que rarement d'un geste artistique qui prolongerait cet élan, d'une approche générale plus poétique ou éthérée. Cela reste du film scientifique mâtiné de comique, une série d'objets hybrides perdus quelque part entre les reportage enjoué et Brakhage. Peut-être après ne suis-je pas encore tombé sur des courts plus flamboyants... Mais ça reste d'une inspiration hors du commun. Pour l'instant j'explore le Criterion :



... dont je n'ai récupéré que le premier DVD (j'ai pas les films muets sous la main, donc), et dont j'ai pas encore tout vu. Je repasserai peut-être rajouter quelques petites remarques, mais traiter au film par film me semble pas très utile dans le cas présent.

Je connais pas du tout. Je suis curieux.

Sinon je l'avais pas posté sur le forum, mais ça me fait penser, les gagnants du concours Nikon 2011 pour les vidéos "microscopique" (ça fait plusieurs années qu'ils font un concours photo mais c'est la 1ere fois pour les vidéos :
http://geeks.thedailywh.at/2012/02/07/microscopic-movies-of-the-day/?fb_ref=newpromocopy

C'est court mais c'est joli.

_________________

je les avais découvert dans des éditions françaises, je savais pas que Criterion s'y était mis. J'avais trouvé ses muets moins surprenants (y'a une pièce filmée je crois), un peu bouffon, dans l'esprit surréaliste de l'époque mais c'était pas mémorable. Y'avait aussi un film d'animation si je me souviens bien.
Ces films scientifiques sont très beaux par contre.

Ok bon bah j'ai rien raté, alors.

Vu le reste du DVD (qui laisse donc de côté tous les docs scientifiques muets)... Confirmation que ça reste quand même à la base du film scientifique, comme le prouvent plusieurs courts qui au-delà de leur perspective éducative sont d'un inintérêt flagrant (Les pigeons dans le square...). La musique est à mon sens le vrai problème numéro 1, jazz ou mickeymousing appliqués sans ambition, qui réduisent les courts à un ton distancié et potache nuisant à l'ampleur à laquelle ils pourraient prétendre.

Les meilleurs, de la sélection que j'ai vu, à quelques reproches près : Les Oursins (58), Les amours de la pieuvre (67), Acera (72), Diatomées (74). Attention, sur youtube and co, la plupart sont proposés déformés (c'est du 4/3, pas du 16/9è) et dépourvus de leur bande-son originale (remplacée par le ciné-concert "The Sounds of Silence").