Iulia vit seule à Monaco depuis le départ de son père, retourné en Russie à cause des sanctions contre son pays. Elle ne va plus en cours. Elle se sent de plus en plus seule et menacée.Court pas si court (48min) sélectionné à Cinéma du Réel, tourné à Monaco dans la foulée de son prochain long (Cent Mille Milliards, pas de date de sortie annoncée), fruit d'une rencontre fortuite et de l'urgence du moment. Parce que le film débute juste après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, que Iulia qui vivait jusqu'alors très confortablement en compagnie de son père oligarque s'y retrouve tout d'un coup seul, le père étant retourné en Russie après s'être rendu compte que son compte bancaire était bloqué. Elle n'a que très peu d'amis, commence à devenir doucement parano, est quasiment sans le sou et se rend compte que les biens de son père sont un à un saisis. En toute évidence la première question qui fut posée à Virgil Vernier après la projection (par une femme russe), c'était pourquoi il avait choisi un tel angle pour aborder le conflit en Ukraine (plutôt qu'évidemment prendre plus ouvertement parti pour l'agressé) ? Pourquoi chercher à nous apitoyer sur le sort d'une fille d'oligarque, donc nécessairement d'un proche de Poutine ? Au-delà de ses réponses, justes et mesurées (mais forcément plus politiques qu'artistiques), il faut relever qu'avant Monaco, Vernier avait dans
Sapphire Crystal déjà côtoyé une jeunesse issue d'un milieu privilégié, genevoise cette fois-ci, milieu pas vraiment aimable et peuplé de personnes un poil désœuvrées. Et de l'un à l'autre j'ai eu l'impression d'une même expérience, celle où le réalisateur s'applique à nous décrire un milieu qu'à lui même répugne, pour tenter d'y trouver ce qui pouvait y être sauvé, une étincelle d'humanité. Ou plus précisément, en faisant poindre l'humanité d'une minorité il fait ressortir de manière encore plus forte la vanité et la fatuité de ces milieux huppés.
Et force est de constater qu'ici le procédé marche indéniablement. De jeune milliardaire détestable notre regard sur Iulia évolue très rapidement, aidé par le dispositif de mise en scène. Entièrement capté à l'Iphone par la protagoniste principale, l'image basse définition assez dégueulasse capte avec beaucoup de justesse la laideur monégasque tout en nous faisant partager sa propre intimité, ses craintes (qui je pense on dut être partagé par bien des russes dans les quelques jours qui ont suivis l'invasion, quelle que soit leur opinion) et sa solitude. Le film n'est ainsi qu'une succession de moments flottants, les jours passés avec la seule amie qui lui reste à Monaco, son rapprochement avec un trader de passage, pour se terminer dans les derniers jours précédant le Grand Prix de formule 1 (formidables scènes finales, où tous les blaireaux semblent s'être donnés rendez-vous avec leur grosse cylindrées pour faire fumer les pneus et rugir le pot d'échappement dans le mythique tunnel).