Janet a écrit:
Tom a écrit:
mais tu comprends que dans le cadre actuel, on ait pas d'autre impression que celle que tout se casse la gueule.
oh mais je comprends tout à fait, sauf que j'ai pas l'impression que ce soit nouveau en fait, j'ai grandi avec la crainte du chômage, du SIDA, avec la guerre en Yougoslavie, la 1e guerre du Golfe, les chansons humanitaires pour lutter contre la famine, j'ai vu la création des restos du coeur, etc., etc., bref tout va mal depuis toujours un peu j'ai envie de dire, et si je n'ai jamais été une optimiste, je ne suis pas non plus pessimiste, juste... blasée...
Honnêtement, tout ce dont tu me parle me parait vraiment bénin en comparaison de ce qui arrive. Mis à part le SIDA, le truc le plus monstrueux de la fin du siècle dernier (à l'aise), le reste, on s'en fout un peu quand on est français. La guerre de Yougoslavie a traumatisé beaucoup d'artistes, qui ont dit voir le futur (je pense à des mecs comme William Gibson, Jean-Luc Godard, Enki Bilal, et Maurice G.Dantec bien sûr), mais le français moyen suivait ça comme il suivait le Darfour : en zappant. Le chômage n'était rien (et n'est rien même) en comparaison de ce qui va venir, et quand aux SDF, aux inégalités sociales, etc. ça a toujours fait figure de tâche de fond.
On dit souvent qu'il était plus difficile de vivre il y a 60 ans, sous l'occupation nazie, ou, je ne sais pas, au Moyen-âge par exemple. Je n'en suis pas si sûr ... A moins d'être Juif (ou accusé de sorcellerie), je pense que ces époques n'ont pas été très dures à vivre. A la limite, les difficultés étaient physiques (peu de confort, froid, faim, etc.), et les extrêmes étaient rarement atteints tout de même ... (la France n'a pas connu la famine jusqu'au XXe siècle !). Quand je parlais avec mon grand-père de cette époque, il m'évoquait plus sa vie d'adolescent (jeux débiles, farces, flirts, etc.) que le reste. Ses rares souvenirs vraiment liés à la guerre concernaient quelqu'un d'autre (LE résistant ou LE collabo actif du village). Et puis à cette époque, la vie était tellement simple, on se trouvait une meuf à 20 piges (qui était célibataire, qui ?), et on reprenait l'exploitation familiale ... Ensuite, les acquis sociaux, c'était un peu le beurre sur les épinards. Aujourd'hui, on a des acquis sociaux mais on va les perdre. Et on ne retrouvera cependant jamais la simplicité que connaissaient nos aïeux : à la place, on se tape une concurrence monstrueuse dans tous les domaines, un monde égoïste (on oublie qu'au Moyen-Age, le seigneur n'était vraiment pas tyrannique, et les communautés, les vraies, existaient). Évidemment, on a la liberté de faire ce qu'on veut, mais on a surtout la liberté de tout perdre en fait. Avant, sur 100 personnes, il y en avaient 5 qui gagnaient le grand jeu de la vie (fric, situation sociale, conquêtes féminines, etc.), 5 qui perdaient, et pour les autres c'était une sorte de platitude confortable. Aujourd'hui, j'ai plus l'impression que sur ces 100 personnes, il y en aura un peu plus qui gagneront vraiment, mais beaucoup plus qui perdront aussi. Déjà, là, le simple fait que je sois devant mon PC, un soir, à 23H30, à écouter du rap hardcore et poster ma petite théorie sur ce sujet me fait dire qu'on vit dans un monde super compliqué et surtout bien trop cérébral.
Après en ce qui me concerne je sais que je suis plutôt verni, je gagne très bien ma vie pour mon âge, je suis dans une branche qui devrait m'assurer du travail encore de longues années (et qui pourrait me permettre de bosser à l'étranger, aussi), je vis dans la ville considérée comme la plus belle du monde, j'ai des amis, des copines, une famille derrière moi. Mais ça m'empêche pas de flipper pour les mecs qui étaient avec moi à l'école primaire en Lorraine et qui aujourd'hui sont chômeurs, militaires ou dealers, en pleine campagne profonde ... J'ai vraiment de la haine contre les connards de 50 piges qui font des leçons de morale à la *jeunesse*, alors qu'ils ont réussi dans les années 70 à choper des boulots à responsabilité en n'ayant pas le bac, qu'ils ont vécu une jeunesse vraiment insouciante, etc.