aka Chasse à l'hommeChance Boudreaux accepte d'aider Natasha Binder à retrouver son père. Ils ne tardent pas à découvrir que ce dernier, un ancien officier des Forces Spéciales, a été éliminé par un gang de chasseurs d'hommes...Je n'avais vu le film qu'une seule fois il y a près de 30 ans, sans doute à la télé ou loué en VHS, et il ne m'avait pas laissé un souvenir impérissable, mais cela fait des années que je voulais lui redonner une chance, étant donné qu'il a ses fans, et j'ai attendu qu'un éditeur sorte officiellement le légendaire montage original dont on pouvait entendre parler depuis des lustres, plus long de 20 minutes et
"un vrai film de John Woo".
Les gens, j'ai réussi à mettre la main sur cette version longue. Un de ces inénarrables bienfaiteurs du net a même pris le soin de composer une version mixte, incluant les minutes supplémentaires (d'une qualité exécrable) au sein d'un rip du Blu-ray. Cela m'a non seulement évité le calvaire de me farcir un film intégralement en résolution VHS jaunâtre et flou mais surtout de voir ce qui avait été coupé de ce montage de 2h (1h56 sans générique) pour arriver à la version exploitée en salles de 97 minutes.
Et bien on va mettre fin au mythe tout de suite : c'est exactement le même film.
La plupart des coupes se comptent en secondes pour ne pas dire en IMAGES. Dans ces cas-là, il n'y a quasiment pas de plans en plus, ce sont des plans qui sont dans la version finale mais dont on a taillé un micro-bout. Ils ont rogné partout où ils pouvaient, c'est limite une leçon de montage sur comment réduire la durée d'un film sans le changer.
Par contre, au sein des scènes d'action, il y a parfois des plans entiers et même de brèves successions entières de plans qui ont été tronqués et je me suis demandé si voir la version finale donne l'impression qu'il manque parfois des plans, que ça multiplie les
jump cuts. En tout cas, là ça
flow organiquement dans le rythme et les raccords.
Certains coupes concernent aussi, inévitablement, la violence. Les victimes prennent généralement quelques balles en plus, le sans-abri noir se fait mitrailler, tombe puis se relève et se refait mitrailler avant de tomber définitivement, le mec se fait couper le lobe de l'oreille pas hors champ...
(et c'est un mutant visiblement)Il y a aussi, inexplicablement, une cascade au cours de la poursuite en moto qui a été intégralement coupée, alors qu'elle est plutôt cool, avec une voiture qui vrille et explose.
La seule séquence complètement "neuve" ici voit Chance amener Natasha chez lui (!), ce qui implique qu'il n'est pas un sans abri même si l'électricité coupe et qu'il est obligé d'allumer des bougies...créant une atmosphère propice au rapprochement entre les deux personnages, Chance se confiant avant d'embrasser Natasha qui décide alors de partir avant de revenir. On les voit pas baiser mais on a compris va.
Mais voilà, ce n'est pas cette nano-confession sur son passé (tout comme les 3-4 autres répliques de ci de là tout à fait dispensablesqui approfondit le personnage, ni cet aperçu d'un documentaire sur la chasse pendant que le méchant joue du piano énervé qui lui apporte un relief supplémentaire. Il n'y a pas non plus de sous-intrigue excisée qui enrichirait le récit. C'est vraiment le même film.
Et c'est effectivement pas un mauvais film!
Woo débarque directement de
Hard Boiled (le tournage a commencé 6 mois seulement après la sortie de ce dernier) et c'est fou qu'il ait trouvé aussi vite un script qui possède plusieurs éléments récurrents de sa filmographie.
La thématique sur le classisme et la pauvreté apparue dans ses comédies et travaillée dans ses films d'action est plus que jamais au cœur de l'histoire qui met en avant la prédation des puissants sur les démunis de façon on ne peut plus frontale et symbolique par le biais du genre (les riches tuent les pauvres pour le sport, on fait pas plus cash) et les victimes en question sont des toutes des vétérans, spécifiquement choisis parce qu'ils sont d'anciens héros aujourd'hui déchus, ramené plus bas que terre. C'est limite le message de
Rambo en plus bourrin dans ce que ça dit sur la façon dont la société traite ceux qui l'ont servi par le passé.
Le
bad guy a même une réplique expliquant que les territoires hostiles sont propices à leur activité, comparant ainsi
"l'Europe de l'Est durant le conflit" à cette Amérique marginale.
Pour un premier film US, c'est assez fort comme proposition.
Woo en est parfaitement conscient et adopte délibérément les codes du western,
le genre américain par essence, dans l'écriture évidemment (ce vagabond s'improvisant justicier contre les bandits qui exploitent les honnêtes gens) mais aussi dans les images, hybridant les genres (Van Damme qui rabat son manteau pour révéler non pas un flingue dans un holster mais...sa jambe, Van Damme à cheval poursuivi par...un hélicoptère).
Hard Target arrive à être à la fois une transposition des préoccupations de l'auteur et le regard d'un expatrié sur (le cinéma de) l'Amérique.
Toutefois, si le décorum en dit long, le film pèche tout de même en ce qui concerne ses personnages, pas très intéressants. Le personnage féminin sert vraiment à rien à part lancer l'intrigue, la fliquette l'aurait été davantage si elle avait un minimum de caractérisation vis-à-vis de sa ville pourrie et des gens qui y meurent. Et même si j'ai de l'affection pour le gars, il faut reconnaître que Van Damme est tout simplement catastrophique. Absolument chacune de ses
punchlines et de ses vannes tombe à plat. Et toutes les années 90 du monde ne peuvent expliquer ce look improbable : cheveux longs + bouclés + gominés + de manière à faire un
mullet (au moins ça rend bien sur un ou deux ralentis) et ensemble chemise en jean + jean...c'est très compliqué. Son charisme est là mais il n'a vraiment pas grand chose à jouer.
A l'inverse, avoir Lance Henriksen en méchant c'est tout de suite autre chose que la galerie de
bad guys relativement anonymes de ses films chinois. Ici, il ne se fait pas voler la vedette par son bras droit, pourtant le tout aussi bonnard Arnold Vosloo. Les deux s'en donnent à cœur joie dans deux registres différents.
L'action est également bizarrement répartie, brève et rare durant les deux premiers tiers avant un long climax qui enchaîne deux poursuites, une giga-explosion et une bonne grosse fusillade finale.
(et une pêche administrée à un serpent...était-ce vraiment nécessaire? tout comme le perso d'Oncle Douvee qui, dans la version longue, chante en duo
"Alouette je te plumerai" avec JCVD
).
C'est plutôt cool, avec un peu trop de saltos à un moment, même si c'est une version light de l'entrepôt de
Hard Boiled (Woo recycle aussi le flingue du bras droit et le coup du mec percuté de plein fouet par une moto, s'écrasant dans des cartons).
En tout cas, j'ai revu le film clairement à la hausse mais on n'est pas non plus au niveau de ses réussites.