Aaaah le film problématique... (enfin, je me comprends)
Donc on connaît tous l'histoire : Bonnaire filme sa petit soeur, autiste, détruite par 5 ans d'enfermement psychiatrique, et oppose les images du présent avec les archives du passé, pour mesurer les dégâts.
Et une fois que t'as dit ça, t'as déjà tout dit. Tu sais très bien ce qui te pend au nez : gros plans DV larmoyants, archives vidéo "sublimées" par des musiques d'ambiance et des ralentis artistiques, sujet Mireille Dumaesque à faire pleurer Margot (évidemment, c'est Dumas qui présentait la soirée spéciale, et qui s'est permis un truc assez monstrueux : après le noir de la dernière image du film, sa grosse gueule en gros plan, avec le son à fond, et la voilà qui gueule "Que démotion! Je vous l'avais dit! On se retrouve après la pub pour en parler!" et là, boum, seulement après le générique, accéléré à la vitesse grand V, pas un nom de lisible, j'ai trouvé ça immondissime)...
C'est docn exactement ça, sujet "inattaquable", tu vois d'avance toutes les critiques parler de "dignité" et de "tendresse"... Et puis on aime tous Bonnaire, elle est simple, on s'identifie facilement, etc.
Pour autant, je peux pas m'empêcher de trouver son film très mauvais, limite détestable, complètement voyeuriste, d'une grande laideur formelle, et surtout sans grand intérêt.
Bientôt, Arte devrait passer Yves d'Olivier Zabat, qui a aussi été tourné dans une institution du même type (et qui a failli aller à Cannes mais, pour la petite histoire, n'y est finalement pas allé, sans doute pour ne pas faire redite dans la sélection avec le Bonnaire). Y'a moyen de mesurer, entre ces deux films, le grand écart. Il y notamment une séquence jumelle, à la piscine. Chez Zabat, on commence par la piscine, et ça pourrait être affreusement voyeuriste, dévoilement immédiat des corps, des différences, des "étrangetés". Sauf qu'on est dans un épais brouillard : une buée persistante empêche d'y voir. C'est indistinct, on sait de quoi il s'agit, le son renseigne bcp aussi, mais on n'est pas dans la monstration des "monstres", comme on peut l'être chez Bonnaire.
Les gros plans violents sur les carnations, les bouches baveuses et les yeux qui partent en couille, les tremblements des mains... je trouve ça écoeurant, je trouve ça trop facile, je ne vois pas ce que ça peut me dire, ni cinématographiquement, ni même humainement. Qu'est-ce qu'on veut faire? Me culpabiliser, moi spectateur qui n'ait pas l'habitude d'assister à tel spectacle, en me mettant le nez dedans?
En cinq minutes, on a compris : voyez dans le passé comme les deux soeur se ressemblaient, et voyez aujourd'hui les dégâts. Je veux dire, on peut le montrer, ça pourrait être une étape de la démonstration (car oui, à ce niveau-là, je n'oserais pas parler de documentaire... de document, p-ê, à l'usage des associations et institutions, pour "sensibiliser" les nouveaux postulants, je sais pas... mais en tout cas, pas de cinéma là-dedans, de la télé chialeuse, de la télé téléthon, oui). Mais tout le film là-dessus, on tourne en rond, on n'avance pas, ça n'avance pas. Et ça trouve évidemment son comble à la fin, où évidemment on montre à Sabine des images d'elle avant. Et là je me suis dit "mais c'est pas possible, c'est quoi l'objectif, la faire chialer et nous la montrer chialant?". Eh bien vous savez quoi? Bingo. C'est exactement ça. En gros plan bien sûr.
C'est que les 5 années d'internement sont un énorme hiatus : c'est la seule chose dont on n'ait pas les images. Apparemment, il s'est passé des choses atroces à ce moment-là, mais l'investigation n'y mettra pas un orteil. C'est seulement une entreprise de culpabilisation, finalement : ma famille et moi, nous culpabilisons de l'avoir mise en HP, les autres familles des autres personnes de l'institution disent aussi qu'elles culpabilisent (cf. la mère du mec casqué) ; et vous, vous allez culpabiliser de ne rien faire pour les autistes.
Je ne dis pas que c'est directement l'intention, mais en tout cas, c'est le résultat. Il y a une phrase que je retiens, qui n'est qu'une phrase, qui n'est jamais poussée, c'est "malgré ma notoriété, il a fallu un an pour ouvrir le centre pour autistes où ma soeur est actuellement" (je cite approximativement).
Ca, elle le dit, mais elle n'en fait rien. Alors qu'il faudrait parler de la politique de santé, des "impératifs" de santé qui font qu'on n'investit pas dans ce genre de centres parce que ce n'est pas productif. Et là je retombe sur mes pattes : Yves, de Zabat, était d'une grande violence sociale, politique, parce que le centre où évolue Yves fait travailler ses pensionnaires en usine et a des objectifs de rentabilité, a besoin de ces objectifs pour exister. Ca va loin...
Mais ça, on n'en parlera sans doute pas, le film va être (ça a déjà commencé, jusque dans les Cahier sous la plume de Frodon) soutenu comme une "belle" preuve de "dignité", etc. Ca me débecte un peu. Et plus encore quand j'apprends ceci :
Citation:
Après avoir signé le documentaire très remarqué "Elle s'appelle Sabine", Sandrine Bonnaire incarnera une autiste dans le premier film de son compagnon, le scénariste Guillaume Laurant. Sandrine Kiberlain jouera le rôle de sa soeur.
En mai dernier, à Cannes, les festivaliers découvraient avec émotion Elle s'appelle Sabine, le premier film réalisé par l'actrice Sandrine Bonnaire. Dans ce documentaire, l'héroïne d'A nos amours nous présente sa soeur Sabine, atteinte d'autisme, qu'elle filme depuis vingt ans. Au fil des images d'archives et des rencontres plus récentes, on découvre ainsi une adolescente radieuse puis une jeune femme dont l'état mental et physique se détériorent de plus en plus. Portrait sobre et tendre d'une soeur malade, mais aussi réflexion sur la prise en charge de l'autisme en France, le film, couvert d'éloges et de prix, a été diffusé sur France 3 en septembre et devrait connaître une sortie en salles début 2008.
D'une Sandrine l'autre
L'aventure n'est pas terminée, puisque, à partir de cette histoire intime, Sandrine Bonnaire et Guillaume Laurant (scénariste entre autres du Fabuleux destin d'Amélie Poulain et époux de la comédienne) paufinent actuellement le scénario d'un film de fiction dont le tournage est prévu au printemps prochain. Guillaume Laurant assurera également -c'est une première pour lui- la réalisation de ce long métrage intitulé J'te souhaite au revoir, et Sandrine Bonnaire jouera elle-même le rôle de la jeune femme autiste, la soeur étant interprétée par Sandrine Kiberlain. Bruno Todeschini et Christine Citti devraient également faire partie du casting de ce film produit par Yves Marmion (UGC).