Le premier degré dans sa démonstration la plus plate.
Je comprend que le thème nécessitait une approche au premier degré, mais dans ce cas-ci il est plombé par une politesse de bon aloi et une tentative de faire naître le joli d'une histoire sombre qui aurait mérité une approche un peu plus brute (dans tous les sens du terme).
Dès la première scène, on sent les rouages d'une mise en scène qui tourne à vide. Un long travelling passe derrière des soldats qu'on décore après la guerre. La mise en image est quelconque, presque sans vie, le mouvement est mécanique, le jeu des acteurs l'est tout autant. Puis la musique de Wagner se fait entendre, choix digne d'un film étudiant qui enfonce déjà le film dans les annales du pompiérisme convenu (n'est pas Kubrick qui veut). Puis l'explosion musicale du Siegfried nous dévoile (à la manière d'un twist de mauvais goût), le visage brisé d'un soldat. Bienvenu au royaume des grands sabots.
Bien dommage ce film, alors qu'il s'agit d'un des premiers sur l'histoire des gueules cassées de la Première Guerre Mondiale. Certes, la tentative est louable d'en avoir fait un film, tiré d'un livre de Marc Duguin. Mais voir ou non cette oeuvre ne fait pas une grande différence tellement toutes les scènes sont attendus avec une longueur d'avance ennuyée.
On utilise ici et là Arvo Pärt pour essayer d'injecter un peu de grâce et de rythme dans ce film. Mais l'utilisation du Spiegel Im Spiegel est probablement la plus creuse de toutes les utilisations qu'on en a fait au cinéma depuis des lustres (et dieu sait que cette musique a été utilisé maintes et maintes fois au cinéma, et de façon bien plus inspiré. Entre autre dans Gerry de Van Sant, ou Heaven de Tom Tykwer). Ici, le morceau ne signifie pas grand chose sur le plan narratif ou temporel. Il est simplement là pour faire joli, et habille les scènes d'une sentimentalité plutôt banal. Tout au plus, le morceau évoque la vie d'avant la guerre. Mais c'est tellement systématique que l'on finit par ne rien ressentir.
Si seulement le silence était mieux. Mais il est quasi pire. L'idée de finalement faire parler le soldat défiguré par une voix off intérieur était une bonne idée. Mais les notes d'intentions et le calcul au millimètre près des plans, et des cadres (le soucis de ne jamais montrer le visage), viennent tuer l'émotion. Rien est surprenant. En plus, on est prisonnier de Sabine Azéma qui fait son possible pour rendre le film intéressant en infirmière bonasse, mais qui donne l'impression (peut-être fausse) de jouer hyper mal. Chacune de ses scènes semblent sorties de n'importe quel Deleted Scenes de DVD (avec le mixage sonore pas encore fait qui dévoile les maladresses de la mise en scène dans son état brut). Le silence et l'austérité sonore sont tellement pregnants dans ces scènes (où Sabine, plan fixe, fait face à un Adrien hors champ et défiguré), qu'on entend tous les rouages de sa technique d'actrice, ses poses calculées au millimètre, l'intellectualisation de son jeu. Encore une fois, l'émotion fout le camp car les bonnes intentions viennent tout tuer.
(SPOILERS pour le reste)
Je passe vite sur cette suite de scènes convenues. La palme va à celle où les gueules cassées vont chez les putes de luxe. La maîtresse des lieux voyant leur sale tronche veut les foutre à la porte. Mais voilà qu'un gros plan sur une liasse d'argent dans les mains d'une gueule cassée finit par faire plier les lèvres de la Madone en un rictus burlesque et satisfait. On l'attendait pas celle-là. Et puis cette scène où le politicien vient dans la chambre des officiers pour remercier personnellement Adrien pour les services rendus, alors qu'il bégaie son texte appris par coeur, et qu'il évite de trop le regarder. On l'attendait pas non plus. Et je passe le suicide digne d'un téléfilm.
Mais le clou de la honte s'enfonce définitivement à la fin de ce film, lorsqu'Adrien accompagne la femme à la gueule cassée (pas si cassé que ça et assez cute) chez son frère qui ne l'a pas revu depuis la fin de la guerre. Cette scène est probablement la plus gamine qu'il m'ait été donné de voir. Le frère bourgeois en pleine soirée mondaine arrive. Ne reconnaissant pas sa soeur qui porte un masque, il lui envoie un "mais qu'est-ce que tu fais là?". Elle enlève son masque, dévoilant sa blessure. "Ooh... mais entre.". L'acteur essaie d'en faire des tonnes pour qu'on comprenne bien la froideur et le mépris du genre humain. "Tu... tu vas rester comme ça?". Puis, la femme se barre. On comprend qu'elle ne sera jamais accepté parmi les siens. Bouhou! Et c'est ce manichéisme de pacotille tartiné sur tout le film qui fait en sorte que jamais on y croit vraiment. Ce film, on dirait le fantasme adolescent du mec qui s'imagine la fin du monde.
Je ne sais pas si c'est parce que les gueules cassées ne sont pas si cassées que ça (comparé aux photos des véritables gueules cassées de cette époque), mais on arrive mal à saisir le comportement des gens du monde extérieur. Il semble beaucoup trop exagéré devant ces maquillages aseptisés (on n'est pas dans Elephant Man disons) qui laisse paraître le charisme fou des acteurs. Du coup, on ne comprend pas pourquoi les gens s'éloignent autour.
Je sauve une scène, celle dans le train à la fin du film où Adrien s'amuse à grimacer et cacher sa blessure derrière un chapeau pour faire rire une petite fille apeuré devant lui. C'est peut-être la scène la plus belle et la plus authentique de tout le film. Mais il est trop tard.
La photographie sauve par moment la mise. Mais je ne suis pas tellement fan de la mode jaunâtre du début des années 2000, quand Jeunet était roi du cinéma français.
Ça fait longtemps que je n'avais pas eu une déception aussi grande devant un film. Je choisi assez bien les films que je veux voir maintenant. Mais hier, j'avais la grippe.
Donc, ce sera 1.5/6. Bien dommage, car le film avait du potentiel.
_________________ "marre du retour infini de ce topic"
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