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MessagePosté: 11 Juin 2017, 13:00 
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Sir Flashball
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Cyniquotron a écrit:
La charge critique sur les valeurs politiques, sur l'organisation de la société (tant sur le plan économique que familial) m'apparaît nulle dans ce film.


Ben évidemment, on n'est pas chez Bunuel (et heureusement).
Le film raconte comment la quête de certaines valeurs bourgeoises mène à la liquéfaction du couple, sa destruction par la complexité (de la même manière que la côte est défigurée par la construction de maisons de luxe, le personnage de Finney n'est plus qu'un beau parleur qui ne croit plus en rien). Et c'est suffisant pour moi, parce que le film de Donen, parvient à illustrer cette ambition, aussi limitée soit elle, avec brio.

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MessagePosté: 11 Juin 2017, 13:00 
Est-ce qu'il n'y a pas un piège à con à dire que la bourgeoise est tellement une négativité qu'elle en devient immontrable ? On renforce alors son pouvoir politique, on lui offre l'innocence en la rattachant du point de vue du monde à une transcendance (cachée) en laquelle elle ne croit pas. La bourgeoisie devient juste une manière de désigner l'opposition entre le sujet et le monde.
Ce sont d'ailleurs des ambiguïtés peut-être mieux perçues par des historiens du sujet comme Febvre ou Groethuysen que les marxistes.


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MessagePosté: 11 Juin 2017, 13:24 
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Gontrand a écrit:
Est-ce qu'il n'y a pas un piège à con à dire que la bourgeoise est tellement une négativité qu'elle en devient immontrable ?

Ouais ok ça peut être sous-entendu par ce que j'écris. Non je dis pas qu'elle est immontrable, mais encore faut-il en montrer autre chose qu'une ode à son mode même de fonctionnement, ce que j'ai pu voir dans Two for the road.
Hitchcock dont on cause par ailleurs très bon exemple d'une haine viscérale de la bourgeoisie, et qui à mes yeux attaque très pertinemment, ne serait-ce que dans Soupçons. Qu'est-ce qui est malade dans certains films d'Hitchcock ? Notamment les valeurs de la bourgeoisie, l'idéal craquelle de toute part. Ou Bunuel tout autrement.


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MessagePosté: 11 Juin 2017, 13:35 
Même Capra et Lubitsch c'est la crise de la bourgeoisie (qui va de pair avec la reconnaissance du cinéma comme art resultant d'une écriture , alors qu'il est au départ plastique et forain, Panofsky a ecrit un intéressant article sur Disney où c'est central). Comme Clair et Renoir. Tout le cinéma d'après 1929 en fait. Et l'Espagne et l'Italie rattrapent leur retard cinematographique après guerre, au même rythme que la constitution d'une classe moyenne. Le génie d'Hitchcock c'est peut-être d'exprimer ce doute mais comme quelque chose de non autonome (et de laisser ainsi survivre des motifs plastiques, une dramaturgie propre à la matière et aux formes) , en en restant aux signifiants,en laissant l'explicitation et la signification de côté.

Dans l'Inconnu du Nord Express le plus marquant est d'ailleurs moins l'intrigue que le le lieu quasi magique de la fête foraine, avec son manège et ses îles, qui a une dimension proche de l'animation des premiers Disney.


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MessagePosté: 11 Juin 2017, 13:53 
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Gontrand a écrit:
Dans l'Inconnu du Nord Express le plus marquant est d'ailleurs moins l'intrigue que le le lieu quasi magique de la fête foraine, avec son manège et ses îles, qui a une dimension proche de l'animation des premiers Disney.


Il y a un Hitchcock de la période anglaise qui utilise carrément un dessin animé Disney, c'est Sabotage (Agent secret, 1936).

Dans une monstration critique non marxiste de la bourgeoisie on peut aussi citer Cukor, par exemple avec le très drôle The Women (Femmes, 1939).


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MessagePosté: 11 Juin 2017, 21:22 
Cyniquotron a écrit:
Castorp a écrit:
Cyniquotron a écrit:
d'un clinquant visuel (les robes, les décors, les bagnoles) pleinement bourgeois.


Le film raconte la corruption par l'idéal bourgeois du couple, mais aussi du paysage (la côte, d'abord nue et magnifique, progressivement dévorée par les bâtiments de nouveaux riches).
Le film ne parle que de ça, hein...


Qu'est-ce qui caractérise la bourgeoisie ? C'est un double élément : d'une part qu'elle n'a pas besoin d'user de son corps pour subvenir à ses besoins car elle a d'autres sources de revenus que celles que lui procurerait l'activité de son corps (d'où qu'ils viennent ces revenus).


C'est la définition en creux du prolétaire plutôt que celle du bourgeois. Dans son Introduction à l'Economique Politique (qu'elle destinait à un public de miitants du parti socialiste allemand de l'époque, qui réunissait les révisonnistes et les communistes), Rosa Luxemburg dit que le prolétaire n'a "que son corps à amener sur le marché".
Mais elle bute alors sur un problème de représentation qu'elle énonce assez précisément, elle insiste sur un immontrable qui est une impasse plutôt qu'un imprétatif: du fait de la division du travail et de la spécialisation tayloriste on ne sait pas quand le prolétaire travaille pour son patron, pour la plus value, et pour lui-même (pour son salaire), pour renouveler ou préserver sa force de travail. Cette continuïté de forme limite les chances de prise de conscience par l'ouvrier de sa situation. L'aliénation capitaliste est d'autant plus forte que l'exploitation a la même forme que le travail nécessaire à la survie ou à l'autonomie; le passage de l'un à l'autre est indiscernable.
Ce que je veux dire c'est qu'elle ne fait pas dépendre la radicalité révolutionnaire d'une représentation qui serait interdite, d'un immontrable, c'est au au contraire l'impossibilité pour la tradition marxiste de donner à voir ce qu'elle parvient à analyser qui introduit un doute ou une incertitude, une impuissance potentielle, fragilisant la possibilité d'une révolution. Elle remarque finement que ce doute ou cette faiblesse, le point critique, qualifie pour le prolétaire non pas son idéologie (comme pour la bourgeoisie), mais sa praxis. C'est justement une représentation positive, une image juste (mais peut-etre impossible) où les deux types de travail serait distinguable qui manque et qui renforcerait la gauche. La lutte des classes est placée par Rosa Luxemburg en deça du figurable, malgré sa réalité, et on sent chez elle une forte inquiétude, cet immontrable hypothèque peut-être la lutte politique (c'est d'ailleurs peut-être cette inquiétude qui ne lui est pas pardonnée et explique qu'elle est regardée avec condescendance par les trotskistes). Donc on ne peut opposer à l'impudence supposée de la représentation du doute bourgeois une représentation équivalente de l'aliénation ouvrière qui comblerait le vide (c'est le problème de "la Classe ouvrière s'en va au Paradis" de Petri : si on fait un cinéma de critique qu'il y a t'il à montrer du monde ouvrier en dehors de la chaîne, qui ne soit une forme de crise ou d'exclusion encore pire...). D'ailleurs elle déplace la notion hégelienne d'aliénation culminant (comme fin) dans la reconnaissance réciproque du maître et de l'esclave : la reconnaissance est ici ce qui manque comme moyen, et qualifie non pas les sujets impliqués dans la lutte des classes, mais de façon "unidirectionnelle" le travail lui-même et sa réalité matérielle.


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MessagePosté: 11 Juin 2017, 22:11 
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Gontrand a écrit:
Même Capra et Lubitsch c'est la crise de la bourgeoisie
La bourgeoisie n'est absolument pas un thème que traitre Capra, ou alors je ne vois pas à quoi tu fais référence. Capra c'est le bon sens plébéien qui s'oppose à toute forme de pouvoir, intellectuel, financier ou médiatique


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MessagePosté: 11 Juin 2017, 22:31 
C'est vrai, mais si on disait que "it's a Wonderful Life" c'était la crise du bon sens plébéien dans une perspective bourgeoise ?


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MessagePosté: 11 Juin 2017, 22:37 
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Gontrand a écrit:
C'est vrai, mais si on disait que "it's a Wonderful Life" c'était la crise du bon sens plébéien dans une perspective bourgeoise ?
Crise de foi personnelle qui se résout en reconnaissant qu'il n'y avait pas matière à remettre en cause la structure bourgeoise de la famille


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MessagePosté: 11 Juin 2017, 22:41 
Oui, mais avec la piscine le sol commence à se dérober sous la bourgeoisie du baby boom.


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MessagePosté: 12 Juin 2017, 12:45 
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Gontrand a écrit:
(...)
La lutte des classes est placée par Rosa Luxemburg en deça du figurable, malgré sa réalité, et on sent chez elle une forte inquiétude, cet immontrable hypothèque peut-être la lutte politique (c'est d'ailleurs peut-être cette inquiétude qui ne lui est pas pardonnée et explique qu'elle est regardée avec condescendance par les trotskistes). Donc on ne peut opposer à l'impudence supposée de la représentation du doute bourgeois une représentation équivalente de l'aliénation ouvrière qui comblerait le vide (c'est le problème de "la Classe ouvrière s'en va au Paradis" de Petri : si on fait un cinéma de critique qu'il y a t'il à montrer du monde ouvrier en dehors de la chaîne, qui ne soit une forme de crise ou d'exclusion encore pire...). D'ailleurs elle déplace la notion hégelienne d'aliénation culminant (comme fin) dans la reconnaissance réciproque du maître et de l'esclave : la reconnaissance est ici ce qui manque comme moyen, et qualifie non pas les sujets impliqués dans la lutte des classes, mais de façon "unidirectionnelle" le travail lui-même et sa réalité matérielle.


La façon de poser le problème est intéressante, mais il est étrange de s'en borner à Rosa Luxemburg, qui n'a pu être témoin des pratiques cinématographiques, justement. Toutes les tentatives de captation de l'aliénation ouvrière, de l'ouvrier au travail, et plus largement du peuple, par le cinéma, sont postérieures à sa mort. Enfin... à la naissance du cinéma chez les frères Lumière, il y a l'Arrivée d'un train en gare de la Ciotat, succès de foire, mais l'antérieur Sortie de l'usine Lumière à Lyon. Tu colores Luxemburg de Kojève, pourquoi pas, je n'ai pas le temps d'aller lire ce texte dans le détail. Bon de la scène de l'écrémeuse automatique dans la Ligne Générale d'Eisenstein en passant par la première séquence du British Sounds du groupe Dziga-Vertov, jusqu'à Harun Farocki, il y a eu de nombreuses tentatives.

Mais justement je vois aussi bien dans les films de Minnelli que dans les Donen-Kelly, des réussites dans une forme de captation sans doute pas de la classe ouvrière, mais d'une certaine forme de prolétariat dans son mouvement même, captation aliénée - non aliénée à la fois, les réalisateurs impliqués au même titre que les acteurs, tous sortes d'artistes du music-hall, clowns, saltimbanques, des amuseurs qui pourtant sont dans une lutte des classes dans les films même, leurs corps impliqués très matériellement, un cocktail fascinant, mais je suis piètre théoricien, et piètre historien de la période sur le plan socio-économique à Hollywood. Le figural est en effet souvent trompeur, mais à ce compte-là difficile de penser avec Erwin Panofsky l'iconologue, pour lequel la figure est un élément majeur de l'analyse de l'image.


Dernière édition par Cyniquotron le 13 Juin 2017, 07:32, édité 1 fois.

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MessagePosté: 12 Juin 2017, 13:04 
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Cyniquotron a écrit:
Castorp a écrit:
Cyniquotron a écrit:
Il y a quelque chose d'atrocement bourgeois, aussi bien dans Two for the road (Voyage à deux)


C'est justement un film qui défonce la bourgeoisie...


Tarte à la crème. Qu'il veuille avoir une dimension critique, ouais, pourquoi pas. Défoncer la bourgeoisie ? Allons allons, dans le genre critique, plus gentillet tu meurs. Et c'est vraiment au raz des pâquerettes d'un romantisme moisi et d'un clinquant visuel (les robes, les décors, les bagnoles) pleinement bourgeois.


D'accord avec ça. J'ai toujours trouvé que le film avait une réputation complètement surfaite. J'ai revu la bande-annonce récemment, qui bien sûr ne retranscrit rien de la structure qui fait une partie du "charme" du film auprès de ses admirateurs mais c'est une chronique bourgeoise, neu-neu pour un public pareil.
Les sept femmes de Barberousse, il y a une énergie indépassable sinon.


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MessagePosté: 19 Avr 2021, 13:42 
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Quel plaisir de retrouver les cadres de Minnelli, ses mouvements de caméra, son sens de la mise en scène de l'espace... Un simple plan de 3 potes qui discutent dans un café et c'est une magnifique profondeur de champ qui nous montre la terrasse et la rue derrière eux. Mais ce genre de plan anodin, où le soin est pris de montrer qu'un monde, qu'une vie existe au-delà des "sujets", va y être pour beaucoup dans l'ampleur qui peut se dégager des plans les plus simples, les plus serrés et même les plus immobiles.

En fait, chez Kelly & Donen, le spectateur est la caméra et donc le public dans la salle. On ne joue, on ne danse que pour elle. Et elle reste souvent immobile. Spectatrice.
Chez Minnelli, il y a beaucoup de spectateurs dans le cadre. Autrefois les passagers du tramway regardant Garland chanter dans Le Chant du Missouri, ici c'est tantôt les clients du café, tantôt les gamins de la rue. Tout le monde participe, même de manière passive, au numéro musical, même la caméra, qui bouge, qui s'élève. L'énergie des performers la contamine, la caméra l'épouse. Vraiment, c'est pas le même bail.

Du coup, même si j'accroche assez peu aux chansons en soi, c'est toujours réjouissant à regarder, avec ce Paris en carton de carte postale, fantasmé comme le héros se fantasme un épanouissement artistique et une romance dans la célèbre ville pour n'y rencontrer qu'une mécène intéressée, une déception tant sur le point de vue professionnel que sentimental. D'ailleurs, je trouve tellement dommage de finir sur cette dernière scène qu'on croirait presque tournée/rajoutée à la va-vite pour le happy end tant terminer sur ces 15 dernières minutes de ballet muet et expressionniste (une merveille de réa, de photo, de déco et de costumes) aurait été plus à-propos (je veux bien théoriser que cette issue est fantasmée également mais ce n'est pas trop ce que laisse entendre la mise en images).

J'aime bien le trio de personnages masculins même si j'aurais aimé voir davantage Adam, qui a d'ailleurs sa scène de fantasme à lui, et Henri, parce qu'en l'état, les relations entre eux sont un peu sous-développées. Surtout au vu de la fin, qui ne tient décidément pas debout.

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MessagePosté: 19 Avr 2021, 14:07 
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Sir Flashball
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Film Freak a écrit:
D'ailleurs, je trouve tellement dommage de finir sur cette dernière scène qu'on croirait presque tournée/rajoutée à la va-vite pour le happy end tant terminer sur ces 15 dernières minutes de ballet muet et expressionniste (une merveille de réa, de photo, de déco et de costumes) aurait été plus à-propos (je veux bien théoriser que cette issue est fantasmée également mais ce n'est pas trop ce que laisse entendre la mise en images).


Agreed.

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MessagePosté: 19 Avr 2021, 17:22 
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Schtroumpf sodomite
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Localisation: Arkham Asylum
C'est un peu la technique de l'époque. Les producteurs voulaient imposer un happy end et les réals, pour "casser" le délire, la torchaient et la rendaient particulièrement contradictoire avec le reste du film ou la scène précédente, comme pour signifier qu'il s'agit de la vraie fin. Beaucoup de films de l'époque finissent comme ça. Un des exemples les plus connus c'est Le Dernier des hommes où c'est juste l'abus.

Sinon très agréablement surpris de voir que FF a parfaitement capté Minnelli.

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