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MessagePosté: 12 Oct 2016, 18:27 
Henri Martineau, grande asperge fâlote, veut absolument assister avec ses amis supporters au match du XV de France contre l'Angleterre à Twickenham, et cela à l'insu de sa future femme, à laquelle il a raconté qu'il était parti rendre visite à une grand-mère mourante à Bordeaux. Dans le stade, il est reconnu par Lady Brisburn, une ex-meneuse de revue parisienne apparentée à sa future épouse, maintenant mariée à un riche lord, transplantée direct du monde des titis parisien vers le haute société anglaise. Celle-ci semble avoir une piètre opinion sur la fiabilité d'Henri. Le match (bien filmé d'ailleurs) se solde par une défaite honorable de la France (10-6). Lors d'un mouvement de foule un supporter anglais brise involontairement les dents du devant d'Henri. Il est déposé par ses amis, partis en goguette dans Londres avec le bus des supporters, chez un dentiste d'un quartier huppé. Celui-ci doit interrompre l'opération d'Henri en urgence pour soigner un bobby. Henri patiente de longues minutes dans la salle d'attente du dentiste, avec l'interdiction formelle d'ouvir la bouche et donc de parler. Par ennui, il revêt la vareuse du policier, et sort sur le palier de la résidence. Son apparition sauve providentiellement Diana Dors (une starlette dans son propre rôle, une sorte de Jeanne Mansfield anglaise et brune) d'une terrible agression par un fan maniaque, effrayé par son accoutrement. Henri va avoir beaucoup de mal à franchir la porte du dentiste dans l'autre sens...

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J'ai été grandement surpris en bien, car je gardais de Robert Déry (qui joue Henri) le souvenir de l'humour vieillot et éculé du Petit Baigneur (et de manière plus lointaine, de la Belle Américaine qui était un des films préférés de ma mère). Le postulat de départ laissait craindre un humour gaulois et épais, jouant sur les stéréotypes nationaux, mais ce n'est heureusement (pas trop) le cas, le film exploite un postulat intialement plutôt poussif pour devenir de plus en plus drôle, Henri s'enfonce dans le Londres réel plutôt qu'il ne reste coincé dans une situation, la situation d'Henri permet de renouer finalement avec l'humour slapstick du muet, mais d'une façon elle-même minoritaire et partielle dans le film. On est plus proche de Tati ou de Pierre Etaix, dans une veine à la fois plus populaire et masochiste, que de de Funès ou la 7ème Compagnie. Le film a un vrai climax alors que les comédies françaises actuelles en ont général du mal à se donner une fin aussi forte que leur postulat.
Il peut même être vu comme une métaphore assez articulée du souvenir cuisant de la culpabilité historique de la France pendant la guerre, assumant intelligemment un complexe politique pour le rendre drôle, Henri est en fait un pleutre qui veut se tenir le plus loin possible des emmerdements, mets en danger les autres, mais qui passe pour un héros du fait de son incroyable passivité. Il y a d'ailleurs un caméo hilarant de Pierre Dac, qui brocarde de manière assez incisive l'usure du pouvoir gaullien
Dac ignorant la fin de la guerre, radiographiant les messages de la France depuis une minuscule chambre de bonne, lançant d'une voix tragique dans le micro"Aujourd'hui 14 octobre 1964, 12000ème jour de la lutte à mort de la France Libre pour recouvrer sa propre liberté"
. L'humour du film verse même par moments dans un vertige métaphysique diffus, Henri qui n'aspire qu'à rentrer est poursuivi par un ensemble de personnes (des flics, des hooligans, des paparazzis, une grand-mère indic de police, un enfant perdu) voulant absolument croire à son identité de flic héroïque, et se croyant en dette morale vis-à-vis de lui, exceptée la starlette , qui parvient à l'embrasser plusieurs fois, et devant sa froideur apeurée, murmure à elle-même "What's wrong with this guy?". Pendant quelque seconde ce personnage ingras devient extraordinairement épais ; elle prend conscience de l'inexistence de sa sexualité de vamp, qui est un texte écrit d'avance, et en même temps soutient seule ce paradoxe: elle a été sauvée de la mort par quelqu'un qui n'existe pas.

Sinon le film a été co-scénarisé par Pierre Tchernia et Jean L'Hôte (qui a aussi travaillé sur Mon oncle), et on reconnaît Jean Lefèbvre et Jean Carmet dans des petits rôles. Et "Lady Brisburn" (même si le personnage plombe le film) mérite quand-même de figurer dans le top 10 des meilleurs noms de personnage de cinéma de tous les temps.


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MessagePosté: 13 Oct 2016, 09:48 
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Schtroumpf sodomite
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Le meilleur film de Dhéry je pense. Facilement.

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MessagePosté: 13 Oct 2016, 18:00 
Oui il est un peu oublié par rapport à Oury, alors que je pense qu'il a plus marqué l'époque de nos parents que lui (rien qu'avec l'expression "Vos gueule les Mouettes" passée dans le langage courant... je pensais que c'était u film de Mocky). Bon maintenant ce n'est pas non plus un film impeccable, il y a une sorte de populisme-unanimisme facile (mais déployé avec mauvaise conscience, ce qui le rend intéressant..quand on voit ce film on se dit: c'est de cela que la France riait pour oublier la guerre d'Algérie, elle est à la fois absente et partout, le film veut à tout prix inscrire sa fiction dans du reportage vu à la télé, qui pourtant échouera à repérer le dérèglement, la drôlerie des situations vient de cette invisibiltié ), et le film montre globalement un retour rassurant à l'ordre qui annule le détail des situations, les personnages comme individus n'existent pas vraiment, ils sont "le Français-type", "l'Anglais-type", "le support-type" et même "le marmot-type", la "vendeuse-type", "'aveugle-type" (on est loin de Lubitsch où les personnage ont une histoire et un futur qui excède à la durée montrée du film) . Mais il y a quand-même de très bons gags (la parade de flics devant la princesse Margareth notamment).


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MessagePosté: 16 Oct 2016, 10:13 
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Schtroumpf sodomite
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Gérard Oury c'est quand même le vent absolu. Dhéry c'est, disons, mignon et évidemment pas du tout comparable à Lubitsch.

Sinon je recommande l'article génialissime de Daney sur A nous les belles bacchantes ! (dans Devant la recrudescence...).

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MessagePosté: 16 Oct 2016, 12:43 
Oui, il est mignon, c'est le mot (par contre j'ai trouvé sa femme Colette Brosset insupportable, mais elle doit jouer sur un registre plus daté). Dhéry a vraiment le regard et la gestuelle du chien Gromit (et dont le fond, avec son déguisement de flic, il divague dans Londres comme le ferait un chien fugueur slalomant entre la circulation et les anonymes affairés, indifférents ou furtivement jaloux de sa liberté, c'est vachement populiste-deleuzien ce devenir de chien-flic anthropomorphe, placé au dehors de la possibilité du discours , qu'il n'arrive pas à rejoindre alors qu'elle revient pourtant toujours vers lui et à laquelle il doit être le plus réceptif). Je me demande s'il n'y a pas d'ailleurs une influence réfléchie (il y a d'autres éléments comme le look du side car, le fonctionnement du couple entre le lord et Brosset, leur sexualité en pantoufles déversée dans les gadgets improbables du garage, confortables mais potentiellement meurtriers), le film semble avoir assez bien marché en Angleterre.


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