Аэлита en VO.
Décembre 1921. Un mystérieux message est envoyé aux radios du monde entier, simplement trois mots : « Anta… Adeli… Uta… », que les spécialistes ne parviennent à déchiffrer.Le fameux "premier film de SF russe". Avec de belles choses, mais globalement assez raté.
Le gros problème d’
Aelita, c'est d’être une adaptation littéraire. On sent le foisonnement de personnages secondaires et de péripéties trop rapides, qui à l’écran s'entrechoquent dans un récit foutraque, péniblement harmonisé par l'automatisme d'un humour omniprésent. Il y a quelques chose d’assez beau pourtant dans la manière dont la SF s'inscrit dans le film : les scènes martiennes sont les rêveries du personnages principal, un scientifique qui y fantasme une femme qui l’aime à la folie, et qu'il essaie d’atteindre dans la réalité par ses recherches spatiales ! Une sorte de nœud absurde, jeu de faux poétique dont le film ne tire vraiment pas assez, ne serait-ce que parce que les passages SF sont hyper rares (un quart du film, tout au plus) dans un film pour le reste très réaliste et désenchanté.
C'est d'autant plus dommage que ces passages SF se révèlent étonnamment convaincants. Au-delà du décor expressionniste/futuriste lui-même, réussi et séduisant, c’est surtout la façon très décontractée dont le filme Protazanov qui aide : n’en faisant que peu l’inventaire ou le spectacle, restant avant tout concentré sur ses personnages.
Encore une fois, ici, Protazanov apparaît comme un cinéaste infiniment plus aimable et audible sur les questions de propagande que ses collègues. Beaucoup d’ambiguïté ou de confusion recherchée : on brocarde l’ancien régime, mais tout le film prend place dans une Russie affamée à peine sortie de la guerre civile, écroulée sous la lourdeur bureaucratique du rationnement. Le méchant de service sera arrêté pour avoir volé des réserves, mais pendant longtemps il fera partie intégrante de la troupe qui aidera à cacher son méfait... Quant au détective raté, il est certes brocardé pour avoir voulu se substituer à la police, mais pendant longtemps, celle-ci est justement impuissante, et l'image négative de ce personnage fouineur sera aussi la seule que l'on aura de l’ordre.
Et enfin, surtout, Aelita elle-même : reine opposée au gouvernement, pour laquelle on compatit longuement, et qui ne finira par être condamnée qu’in extremis comme indécrotable membre de l’aristocratie… non sans avoir, auparavant et le temps de quelques plans subliminaux, été assimilée au personnage (ultra-positif, pour le coup) de la femme du héros. Le trip
Métropolis du final (il semble d'ailleurs assez évident que Lang ait vu ce film) ramène pour sa part les symboles du communisme de manière si outrée et soudaine qu'on se demande s'il n'y a pas là une exagération comique, voire satirique ou ironique.
Mais au final, ce qui rend le cinéma de Protazanov infiniment plus accessible, c’est définitivement la façon dont il est focalisé sur l’individu (dont les soucis peuvent aller à rebours des intérêts de la collectivité), et non sur la foule ou le groupe. La force politique du film, c'est peut-être justement d'opposer cette diégèse réaliste et terne (bien que comique) dans laquelle évoluent les personnages, et cette SF exutoire (un rêve, littéralement) issue des angoisses d'un seul homme : quand tant de ses collègues chantaient à l'écran la gloire du quotidien soviétique, Protazanov filmait peut-être aussi là le besoin compulsif de s'en évader.