C'était beau cette petite équipe de jeunes cinéastes, entre les prods et leurs costards foireux et les réals, même ceux qui n'avaient pas de films présentés, ça faisait "petite famille du doc".
Après le feu (Jacques Perconte) Vu qu'on me l'avait décrit, je m'attendais à trouver ça vain et ridicule, une caricature de l'art contemporain, mais à me grande surprise, je dois avouer que dans le noir, sur grand écran, avec le son, le truc marche. C'est tout con mais il y a pendant un moment une vraie maîtrise de la dégradation de l'image qui, accouplée au travelling avant continu généré par le train, accouche d'une sorte de voyage au visuel surréaliste qui m'a assez plu, je dois admettre. La manière dont le paysage mue alors que les rails qui nous précèdent et nous emmènent toujours plus loin restent plus nets provoque une disparition du réel assez envoûtante... Après, je trouve ça beaucoup trop long et je trouve dommage que le crescendo de la dégénérescence de l'image soit amputé par une "regradation" de certains bouts de l'image à un moment, ce qui casse un peu l'effet et confère finalement à ce travail de dégradation un côté aléatoire qui lui nuit, je trouve. Et puis, en tant que film expérimental, je trouve l'exercice réussi dans la forme mais bon, ça va pas très loin non plus dans le fond.
Pompei - nouvelle collection (Guillaume Massart) Mon problème avec ce film c'est qu'il ne va pas beaucoup plus loin que son idée de départ, à mon goût. Superposer les textes de la Lettre de Pline le Jeune à des photogrammes de mannequins pour assimiler ces corps inertes aux cadavres post-éruption, c'est pas trop mal, mais je trouve que ça s'arrête là et qu'aucun sens ne s'en dégage. L'objet n'est pas du tout user-friendly si je puis dire, et n'est pas aidé par la bande son incompréhensible. Le spectre de Marker est sans doute trop présent aussi. Et que certains critiques cinéphiles aux prénoms improbables y voient des ressemblances avec Indiana Jones 4 prouve l'inanité de l'interprétation parfois...
Quand je serai grande, je serai footballeur (Diane Sara) Difficile de juger un extrait de 10 minutes d'un film qui en fera 50 de plus. En l'état, je comprends la vocation d'exorciser vraisemblablement certains démons par le biais de ce journal intime filmé mais encore faudrait-il que ce nombrilisme puisse nous atteindre. Ici, j'ai l'impression de voir l'auteur nous dire "regardez comme je dessine bien", puis "regardez comme je joue bien du piano", puis "regardez comme je chante bien", tout en n'assumant pas vraiment ce narcissisme dont elle semble vouloir se dédouaner en révélant les coulisses de sa mise en scène (quand elle dit à sa mère où se placer pour pouvoir avoir son beau cadre). Le tout au milieu d'un montage semblablement aléatoire : une petite intro dans le métro new-yorkais avec un mec qui fait du violon (c'est quoi le 2e morceau d'ailleurs?), puis soudain un long plan interminable sur un tabouret tandis que ça chante hors champ (:shock:), et un homme dans son lit à qui ont fait répéter des banalités... J'ai pas compris. Je laisse le bénéfice du doute au film en attendant de voir le montage final parce que certains aspects de l'auto-psychanalyse paraissent plus pertinents (par exemple, ce qu'elle explique sur son père).
Laissez ici toute espérance (Charles H. Drouot) Je suis aussi depuis longtemps fasciné par cette espèce de relique, toujours vue de loin, sur le chemin reliant Paris à Créteil où j'ai passé mon enfance, qu'est le Chinagora et donc j'ai plutôt apprécié le sujet et notamment le concept de ce documentaire faisant de cette vieille reconstitution ringarde d'une architecture chinoise en guise d'hôtel l'Enfer du narrateur, même si je trouve par moments le postulat un peu "facile" dans son cynisme. Après, cette distance ne me gêne pas pour autant parce qu'elle est totalement assumé, au même titre que le point de vue là aussi très autocentré de l'auteur. Le texte a beau paraître un peu lourd par moments, il demeure suffisamment bien écrit même, si aucunement transcendantal, pour porter le film. Je me suis demandé au début s'il n'aurait pas mieux fallu choisir quelqu'un d'autre, un acteur, pour le lire, et finalement, je pense qu'il est bien plus sincère une fois lu par l'auteur lui-même. Le vrai problème vient plutôt du fait que 90% du temps, le texte n'a vraisemblablement rien à voir avec les images qui l'accompagnent. Le début en bateau, les chinois, le pêcheur, la ville, le jardin, et la fin (assez belle d'ailleurs), ok. Mais pour le reste des 35 - trop longues - minutes, j'ai eu l'impression de voir un texte accolé à des images filmées en stock qui restaient du coup détachées du propos. Et redondantes. Il aurait peut-être fallu ne garder que les passages où le texte et les images sont indissociables, où les images illustrent VRAIMENT le texte. Je trouve également que les passages où le réalisateur se met littéralement en scène (surtout les pompes) jurent un peu avec le reste qui laisse le décor et la caméra être les vrais protagonistes du film, laissant le narrateur dépourvu de corps, comme un vrai fantôme.
Le Crépuscule (Guillaume Massart) Je connais les origines du film et j'admire cette capacité à rebondir sur une actu que tu découvres et que tu décides d'aller filmer, caméra au poing, mais je trouve que du coup, sans la préparation nécessaire, sans la réflexion précédant le tournage, le résultat final manque quelque peu d'ambition. Il y a de bonnes idées dans le filmage qui exacerbent ou enjolivent un peu l'aspect pathétique du sujet (notamment ces plans sur un Batman ubuesque qui semble errer à travers la foire, avec à un moment un regard caméra qui foutrait presque froid dans le dos) mais je trouve ça parfois un peu simple, dans sa démarche Strip Tease - pour ne pas dire Confessions intimes (cf. le passage avec le mec au lasso par exemple). Je sais que le réalisateur dit ne pas avoir voulu insuffler un quelconque cynisme mais en filmant le présentateur-pantin de dos impuissant face à ce spectacle ringardos du mec déguisé en cow-boy pastel avec son lasso rose fluo...la distance est là et ce recul est un peu moqueur. Je préfère nettement plus la sincérité qui émane de cette scène fortuite où, la nuit étant tombée sur ce faux Hollywood, la banlieue qui l'abrite reprend le dessus avec l'incursion d'un groupe de jeunes (un peu caillera) qui arrivent depuis la profondeur de champ mais s'en extirperont, comme s'il s'interdisait d'être acteurs potentiels de leur film, préférant s'enfermer dans leur rôle désigné ("ton visage il passe pas à l'objectif (...) ton nez il est trop gros pour la caméra").
Pingouins (Collectif anonyme) Des vidéos comme ça, j'en ai 10 à la maison. En plus drôle encore, où il se passe encore plus de trucs, etc. Pour qu'il y ait du mérite à ce film - vu qu'il ne s'agit ni d'une fiction (qui aurait alors le mérite d'avoir su parfaitement recréer le réel, parfois aussi aléatoire, d'une soirée) ni d'images tournées dans le but d'en faire un documentaire (qui aurait alors le mérite d'avoir su capturer l'essence d'une soirée et de la réduire à sa substantifique moelle représentative) - il faudrait que le montage apporte quelque chose. Or, je ne vois aucune valeur ajoutée. Les saynètes représentent le réel - et c'est évidemment assez marrant - mais pas grâce à la mise en scène ou au montage, uniquement grâce au(x) sujet(s). Le montage se contente de faire un best of d'une vidéo très probablement déjà bien segmentée (comme toute vidéo filmée lors d'une soirée où la caméra passe généralement de main en main). Au moins, il n'y a pas de point de vue moqueur, c'est déjà ça. Mais il n'y a pas de vraie point de vue. Il n'y a pas de vrai travail sur les images. Imposture.
Ca reste un bel étalage de travail quand même cette projection. Ca faisait plaisir à voir. Ca inspire même. Et je vous souhaite bonne continuation.
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