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La casa del ángel en VO.



Troisième et dernière fille d'une famille aristocratique de Buenos-Aires, Ana, quatorze ans, est élevée avec autorité par une mère puritaine réprimant tout désir chez l'adolescente. La rencontre fortuite avec Pablo Aguirre, homme politique éloquent et fervent défenseur de la liberté d'expression, sème le trouble dans le cœur de la jeune fille.


Des contre-plongées démesurées, des plans obliques dans tous les sens, une aristocratie mortifère dont on filme pourtant les demeures avec fascination, escaliers fous et perspectives vertigineuses... Comme ça on pourrait se dire que ce n'est que du baroque en kit réunissant tous les ingrédients nécessaires avec application, détruisant la noblesse à peu de frais pour nourrir son appétit formel, tournant un peu en rond dans un modèle déjà connu, joué et gagné d'avance. C'est vrai que, quelques soient ses réelles influences, le film semble être né au croisement de tant de cousins du même tonneau (La splendeur des Amberson, The Servant, Madame de, Les innocents , Mademoiselle Julie ; j'ai même pensé à Cendrillon...) qu'il ne donne pas l'impression d'inventer la poudre.

En fait, même s'il est difficile de nier la patte Welles, Torre Nilsson semble plutôt refaire tout seul le voyage-retour vers l'expressionnisme, en parallèle de la démarche de ses voisins occidentaux et américains, pour en extirper ses propres principes et un style qui, tout en étant reconnaissable, lui est vraiment propre. Notamment par une épure du récit qui dialogue en miroir avec la surchage de l'image : réduit à deux lieux (le manoir sombre et l'assemblée façon grand théâtre), à deux pôles (la pureté et le vice, l'innocence et l'âge adulte), à deux histoires a priori complètement étrangères qui se répondent constamment, jusqu'à clasher lorsqu'elles se rencontrent enfin. Ce face à face primal entre sexe et pouvoir, qui donne presque au film les atours d'une fable originelle, permet de toujours garder le regard un peu à côté des évènements, dans la subjectivité onirique et tourmentée de la jeune adolescente qui traverse le film comme un fantôme obsédé par l'idée de faire l'expérience de la matière. Des statues qu'on embrasse, des bains pris habillés, le rituel des fins de repas... Le film n'a plus qu'à enfiler toutes les images qui découlent de cette approche fiévreuse, comme un souvenir déformé par le trauma.

Alors oui, on peut trouver ça trop facile : à ce niveau-là, le film ne peut que fonctionner et impressionner, c'est une machine de guerre, à peine entachée par quelques erreurs de jeunesse (les références cinématographiques dispensables, la musique atonale un peu m'as-tu vu). Pas étonnant qu'on lui accorde une telle importance dans l'Histoire du ciné argentin, et si toute la filmo de Nilsson est à ce niveau là, la rétro à la cinémathèque tombe à point.