dans l'absolu, c'est vraiment "film français : le film", l'aoc du film dossier de l'écran financé par les régions et le service public avant d'être vu par une armée de têtes blanches. absolument tout est conforme de bout en bout, il n'y a aucune surprise jusqu'à parfois en devenir comique tellement c'est programmatique et formaté,, ça date de 2009 mais ça aurait pu être de 10 ans avant ou 10 ou 20 ans après je pense que pas un plan ou une idée de scénario aurait changé (les small boats ont remplacé les camions, c'est tout) - et même pas le casting, lindon fait toujours la même chose dans les mêmes films.
c'est historiquement que le film est intéressant. en 2009 l'immigration était déjà un sujet un peu chaud - comme depuis 50 ans à l'époque - mais ça n'était pas aussi viscéralement brulant qu'aujourd'hui - il n'y avait pas eu la vague migratoire ni les vagues d'attentats de 2015, le fn venait de faire... 10% à la présidentielle contre 43% aujourd'hui, et la gauche voulait récupérer le pouvoir (en ayant *gagné* l'election, je veux dire) et était soucieuse de pouvoir faire 51% un jour et adoptait donc une position mesurée sur le sujet, il n'y avait pas réseaux sociaux et il y avait moins de diversité médiatique : bref on voulait *un peu* fermer la porte ou *un peu* l'ouvrir mais on restait dans un espace intellectuel commun. aujourd'hui tout le monde s'est radicalisé.
et comme un die hard, comme un pulp fiction, comme un matrix, ce welcome - on ne le savait pas à l'époque - a inventé un genre qui prolifère depuis : le citoyen français ordinaire qui aide un gentil migrant contre le grand méchant état français. c'est vraiment la création d'un modèle, avec tous les piliers sont là : le migrant est gentil et fondamentalement denué de personnalité, le citoyen français est de base indifférent / egoiste puis finit par se laisser conquérir par l'humanité, ça met en danger sa structure familiale et confort social mais peu importe, il y a une structure collective d'impliquée (ici la piscine de la ville), on ne parle pas de politique parce que c'est un récit qu'on a voulu très humain...
le tout dans un déluge de virtue signaling de la part du réalisateur (ce qui est cocasse parce qu'il a fini par se faire rattraper par la patrouille de mediapart mais bon). mais outre la création d'un genre cinématographique, c'est peut-être là que le film est le plus impressionnant, parce qu'en 2009 il avait parfaitement compris l'évolution du peuple de gauche sur la question, l'aspect totalement fondamental et existentiel de la question, pas loin d'être devenu l'alpha et l'omega de la pensée d'un camp. et pour aider à comprendre ça, le film a le mérite de la transparence en faisant un parallèle franc et ouvert entre le traitement des migrants et le traitement des juifs pendant la guerre : on leur interdit l'accès au magasin, traqués par la police qui sont filmés et agissent comme la gestapo, les voisins dénonciateurs collabos, les flics sans foi ni loi qui menacent les proches pendant les interrogatoires, les camps de retention filmés comme des camps tout court, la parodie de justice, sarkozy filmé comme pétain.. alors de la part du réalisateur, il y a le fantasme des boomers d'être les nouveaux justes, et de la part de la génération suivante c'est sûrement ressenti au premier degré. en tout cas c'est intéressant pour ça. d'autant que, en creux et totalement involontairement, le film plante les mauvaises herbes qui ont poussé depuis : le voisin hostile qui dénonce est clairement filmé comme les français collabos de l'époque - mais on peut aussi y voir la manière dont la question a profondément divisé et rendus hostiles entre eux tous les peuples europeens confrontés à la question. quand lindon est préoccupé par le sort de l'irakien et ne s'occupe même plus du gamin à qui il est censé apprendre à nager, on peut y voir la métaphore des cinéastes sociaux et de la gauche qui ont tout lâché pour parler des migrants, et le gamin pauvre du nord qui voudrait apprendre à nager mais l'éducateur s'en fout est sûrement devenu un fier electeur du front national. puis en soi c'est une belle petite histoire individuelle que l'on raconte, mais le collectif est constitué de petites histoires individuelles. alors quand le flic dit "on ne veut pas que calais devienne un camp à ciel ouvert", c'est monstrueux mais enfin ça fait maintenant 20 ans que ça dure là bas, le fn faisait 30% à l'époque là bas et désormais 55%, la gauche a été totalement décimée, je ne suis pas sûr que passés les militants associatifs les"citoyens ordinaires" comme le personnage de lindon soient désormais autre chose que radicalement hostiles. (et j'ai cru comprendre que les anglais n'étaient pas fans non plus des gens qui débarquent par la mer).
donc au final c'était hyper intéressant à revoir aujourd'hui, cette forme totalement formatée mais ce fond qui aide vraiment à comprendre comment le sujet est devenu ce qu'il est aujourd'hui et sur quels boutons il appuie dans le cerveau de plein de gens.
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