Enthousiasme ou La symphonie du Donbass (Энтузиазм - Симфония Донбаса, Dziga Vertov, 1930)Vertov aura droit à un topic quand il arrêtera de me prendre pour un veau : je lisais dans le bouquin de Ferro que le public russe avait pris l'habitude de zapper les premières parties de séances, tant les films éducatifs étaient chiants... Bah tu m'étonnes ! Tout est pourtant loin d'être à jeter, et ce genre de doc applique au final bien plus les préceptes de son manifeste écrit, que le spectacle ambitieux mais un peu vain de
L'homme à la caméra. Il y a donc évidemment de belles envolées de montage ambitieuses à piocher (le passage au cinéma par exemple, qui triture joliment les temporalités), même si c'est souvent pour servir le propos le plus caricatural du monde (big up à une séquence montant ensemble des gens du peuple embrassant la statue du Christ à la sortie d'une église, et des images de mecs ivres qui se bourrent la gueule !). Le film fonctionne surtout dans ses passages fascinés pour la machine (l'usine imposante, les cheminées infinies). Il est aussi l'occasion d'une des plus jolies introductions au son (puisque c'est un des premiers films russes parlant) que j'ai pu voir : une jeune télégraphe qui s'assoit, met un casque, et commence à écouter tous les bruits qui lui viennent... 90% du film reste cependant coincé dans le descriptif chiantissime du plan quinquennal (fais-nous rêver, Vertov), au son des "hourras" des masses joyeuses de bouffer les vapeurs de charbon. C'est très visiblement plus valable que n'importe quelle bande d'actualité, mais c'est aussi en regardant ce genre de film qu'on comprend en quoi certains historiens ne rangent pas Eisenstein ou Poudovkine dans le rayon "propagande" : y a un fossé.
(sinon, rien à voir, mais le DVD allemand est top : version avec ou sans restauration du montage, explications des opérations faites... Exemplaire).
101 Reykjavik (Baltasar Kormákur, 2000)Le film islandais hype n'a pas grand chose de transcendant à proposer. Au pitch un peu WTF (ne serait-ce que par l'introduction du personnage de Victoria Abril : comment ? pourquoi ?) répond un film appliquant patiemment les stigmates du premier film : autosatisfaction devant son originalité proclamée, montages de moments du quotidien sur voix-off ironique, petite posture cynico-flegmatique... C'est pas désagréable, mais Abril fait la moitié du boulot, et ça reste tellement petit, tellement prostré sur ses intentions de base.