Après la pièce de 11 heures, le film de 12 heures...
Out 1, Noli me tangere, de Jacques Rivette
avec un peu tout le monde : Jean-Pierre Léaud, Michael Lonsdale, Françoise Fabian, Bulle Ogier, Eric Rohmer, Bernadette Lafont, Barbet Schroeder...
Paris, 1970, Quatre histoires s'entrecroisent : Deux troupes de théâtre rivales répètent tant bien que mal des textes antiques de manière avant-gardiste, une jeune paumée se retrouve mêlée à un dangereux trafic qui la dépasse, et un sourd-muet reçoit des lettres anonymes inquiétantes. Au dessus de tout ce petit monde plane la menace d'une mystérieuse société secrète : "les 13". Qui en fait partie ? Qui manipule qui ? Qui sera la victime ?Bon, le résumé est un peu bizarre, mais c'est justement un film assez difficile à résumer. Non pas qu'il s'y passe des milliards de choses (c'est même plutôt l'inverse), mais plus il avance, plus il s'éloigne des schémas de narration classiques:
- La particularité première du film, on ne peux pas vraiment en faire abstraction, c'est sa durée (qui n'était pas spécialement prévue à l'origine du projet, d'ailleurs), et donc son rythme très particulier. L’intrigue avance lentement mais sûrement (après 5 heures ludiques à suivre ces personnages excentriques, les histoires finissent
enfin par se croiser) , et chaque scène est étirée au maximum, dilatée jusqu'à créer une certaine fascination (ou une certaine torture, hein, ça dépend qui regarde). Par exemple, chaque répétition des troupes de théâtre est filmée dans sa quasi-intégralité, ça donne des scènes qui durent 30 minutes, 40 minutes, et d’une richesse assez incroyable.
- C’est justement le crédo de Rivette « laisser venir l’imprévu » dans chaque scène, en laissant tourner la caméra pour voir ce qui vient, en faisant confiance aux acteurs. Le film a été entièrement improvisé, et les comédiens n’avaient pas le droit de se concerter entre eux sur l’"histoire" du film. Ça donne des scènes parfois un peu bancales mais justement fascinantes, où on voit l'intrigue se créer en direct. Parfois les acteurs perdent complètement pieds et lancent des regards furtifs et implorants à la caméra, mais Rivette laisse tourner, et au final, ça y fait beaucoup pour la violence qui s’installe peu à peu dans le film. Cette menace complètement anachronique d’une société secrète devient très inquiétante, justement parce que ni les personnages ni les comédiens ne savent comment l’aborder, et se retrouvent complètement pris au dépourvu.
C’est très représentatif de la période 70’s fantasque de Rivette, c’est très ancré dans cette époque, et en même temps ça mérite entièrement sa réputation de grand œuvre, de film-matrice, puisqu’on y retrouve tous ces futurs thèmes de prédilection.
6/6
Il ne me reste plus qu'à voir la version courte qui ne dure "que" 3h45, et qui parait-il est très différente.
Et à avoir une vie, aussi