Forum de FilmDeCulte

il me semble que le film a trois identités fondamentales :

1/ le successeur d’un smash, qui a fait donc du projet un gros machin, tout le monde veut travailler avec elle, elle est payée 450 000e contre 150 000 pour le précédent, le film a un budget de 8,5m alors qu’il aurait pu être fait pour un million… le blockbuster du film service public.
2/ le film service public, donc, cette tendance lourde du cinéma français, qui nous plonge dans un fait de société avec beaucoup de bienveillance, où ses acteurs millionnaires se déguisent en pauvres, qui est évidemment un très bel hymne au vivre-ensemble et dont on se demande si on avait lu un article dans l’express il y a 2-3 ans qui aurait pu directement inspirer l’écriture du scénario.
3/ une vision de la justice très gauche sociale-démocrate humaniste tendance Jospin circa 99, avant que le 21 avril tue totalement le délire à cause de l’accusation d’angélisme. on y ajoute un peu de sensibilité de gauche circa 2023, avec la femme maghrébine qui est une victime, ou le petit copain incroyable et merveilleux qui est maghrébin histoire que l’homme arabe ne soit pas représenté que négativement, où un bonhomme viril est une victime qui a du mal à s'en remettre...

et le film est vraiment totalement écrasé par ces trois identités. les personnages ont du mal à exister de manière crédible à la fois derrière les poids de la représentation qui les a défini et derrière les visages de ces stars qui attendent patiemment leur monologue à césar qui leur permettra d’’augmenter de 100 000e leur contrat annuel avec une marque de luxe. l’aspect tout le monde il est beau tout le monde il est gentil et tout est bien qui finit bien finit par devenir tellement too much que c’en est au mieux pas très stimulant intellectuellement et au pire franchement un peu ridicule. il y a une profonde incompréhension quant à pourquoi ce n’est pas un documentaire ou un livre « document », parce que le cinéma est quand même très absent de tout ça, à commencer par cette manière bizarre de mélanger un moyen métrage de 30 minutes sur adèle E. et un long métrage d’1h30 sur le groupe.

après, une partie des qualités exceptionnelles de pupille sont là, elle écrit merveilleusement bien les êtres humains, elle les aime et les comprend, elle sait émouvoir, et c’est le premium du film service public. c’est sans aucun brio visuel mais elle est profondément intéressée par ce qu’elle filme, elle dirige très bien ses acteurs, et c’est plaisant de voir cette approche de la justice qui ne correspond absolument plus à rien dans le débat public actuel. je pense que le film, qui marche déjà bien en france, fera une belle carrière européenne et fournira une excellente soirée à tous les spectateurs du dimanche soir sur france 2 dans 2 ans.

mais je pense aussi que dans 2 ou 3 films, jeanne herry reviendra à un petit dispositif et dira qu’elle s’est sentie un peu ecrasée par ces attentes, ce gros casting, ce gros budget, et que son truc à elle c’est l’humain et qu’elle a besoin de quelque chose de plus modeste et moins calculé pour que ça s’épanouisse.

J'avais lu le scénario que j'avais bien aimé même si j'avais pointé les risques d'un film anti-sex au possible. Mais on voyait bien qu'il y avait du taf et un "geste" derrière tout ça. De plus j'avais beaucoup aimé PUPILLE (ainsi que le similaire REPARER LES VIVANTS) donc j'y suis allé.

Ce qui m'a frappé dès la première scène de mise en abime et qui était indécelable à l'étape du scénario, c'est à quel point c'est un film sur le jeu d'acteur lui-même. Chaque personnage/rôle a sa marque avec son nom pour être placé au bon endroit et on se passe la bâton afin de ne pas se couper la parole et être exploitable au montage. Mais surtout, si on vient à la réunion en sachant déjà ce qu'on va dire (comme on aurait appris son texte), on doit néanmoins veiller à écouter l'autre (et donc vivre avec le moment comme tout bon acteur).

Film sur la circulation de la parole en diable, c'est clair, mais film sur l'écoute également. "Ce qui est dit au lieu d'être montré est perdu pour le spectateur", et pourtant ces différents récits d'agression m'ont davantage impacté que s'ils avaient été filmés. Plusieurs fois j'ai failli avoir les larmes aux yeux.

Il faut savoir gré à Herry d'avoir assumé son parti-pris de la sorte. Elle ne fait pas de remplissage visuel pour meubler, elle assume une certaine sécheresse (parfois inélégante, cf. le message de Film Freak), sans tomber dans le piège de la caméra-épaule non plus. Et si comme dit FingersCrossed il y a quelque chose d'hypocrite dans le côté "gros machin" à 8M€, je trouve au contraire couillu de faire un film à 8M€ aussi sec et aride.

Au niveau du jeu c'est bien, voir très bien par moments, mais c'est pas non plus parfait et on tombe parfois dans un jeu cadencé typiquement français, avec un point à la fin de chaque phrase et une pause de toujours la même longueur entre chaque réplique. C'est bien évidemment quand ça s'emporte que ça marche le mieux. Par contre marre d'Exarchopoulos et sa voix cassée aux accents banlieue francilienne. J'ai regardé le pilote de BRI et on retrouve les mêmes intonations chez Bau, autre alumni de Kechiche. Bref.

L'autre atout du film c'est évidemment sa nature malaisée et accidentée. Comme dit Core c'est "Bienveillance: The Movie" à fond, et pourtant l'objet n'est pas parfait. Ce que déplore Déjà-vu (oui, je vais citer absolument chaque foruméen qui a posté avant moi) c'est précisément ce que j'apprécie: oui on ne connait rien des autres intervenants, et alors ? Et il y a un déséquilibre entre l'histoire du cercle et celle d'Exarchopoulos, justement c'est parfait, c'est aléatoire, il y a quelque chose de déséquilibré et donc surprenant. Dans un film moindre, le tout se serait rejoint à la fin. J'ai d'ailleurs aimé que la confrontation finale avec le frère soit foireuse et frustrante.

Évidemment tout ceci n'exclut pas un côté un peu gentillet (comme le souligne FingersCrossed, la représentation est bien équilibrée comme il faut, surtout pas de vagues). En fait ça aurait presque pu être un Toledano/Nakache dont on aurait enlevé les moments marrants. Mais c'est solide et je précise que les 2h passent toutes seules.

Et puis... c'est tellement bien que ce soit un film et pas une imbitable série.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Bah justement, au contraire de toi, pour le coup je préfère une fiction ; les personnages peuvent aller au bout de leurs idées, s'expriment mieux, la ligne est plus claire et le mouvement plus fluide, et parfois ça fait du bien.

J'ai vraiment adoré ce film ; tous les comédiens sont bons (même Leila Bekhti), et je découvre Birane Ba que j'avais pourtant déjà vu sans le remarquer. Mention spéciale au charisme de Dali Benssalah, au presque rien du jeu de Quenard, et surtout au naturalisme d'Adèle Exarchopoulos, encore une fois parfaite après Rien à foutre.

Je me méfiais du film, mais j'ai été conquis dès la scène d'exposition (qui reprend une idée similaire à l'un de mes scripts, mais tant pis).

5/6

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I think we're gonna need a helmet.

Je me suis dit la même chose tout le film.

Sinon Team Art Core et on peut dire Art Core à tout dit. C'est tellement bien pensant qu'on se croirait dans un conte.

J'ai trouvé ça vraiment très bien, même si un peu facile par moment. Finalement, ce que le film réussit le plus, c'est sa galerie de portraits esquissés, entre traumatismes et espoirs, et je trouve qu'il fonctionne moins bien quand il rejoint un peu tout ça à la fin dans son happy end un peu forcé.
Mais l'écriture est exemplaire et la direction d'acteur au poil (même si j'ai eu du mal avec Birane Ba, trop poli/éloquent pour le rôle. Je l'imaginais en costume-cravate, pas en survêt). Belle surprise. Il faut que je regarde Pupille.

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"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."